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Voile handivalide : Retour sur le championnat du monde de Palerme

Voile handivalide : Retour sur le championnat du monde de Palerme
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« Le vent se fout des différences ! » : Le championnat du monde de voile handivalide de Palerme raconté par Olivier Ducruix à son retour de Sicile

Par Olivier Ducruix. Samedi 9 octobre 2021, en fin d’après-midi, sur le port de Palerme, en Sicile. Sur la troisième marche du podium, Gillou et moi brandissons fièrement le drapeau français. Sourire jusqu’aux oreilles, aveuglés par la lumière crue et les flashs des appareils photos qui crépitent de toutes parts, je savoure, avec mon co-équipier et ami Gilles Guyon, cette médaille de bronze au goût de victoire. C’est fait, cinq ans après Medemblik (aux Pays-Bas) en juin 2016, nous décrochons à nouveau une médaille mondiale en nous classant troisièmes de ce championnat du monde de voile handivalide en double.

Disputée du 2 au 9 octobre derniers, à Palerme, l’épreuve fut une belle réussite amicale et sportive. En cet instant de remise des prix, je pense à mon père, je lui dédie intérieurement cette médaille. J’ai également une pensée émouvante pour Alain Parquet, il était là à Medemblik, tout près de nous. Il avait vécu la compétition avec nous, lui en solo sur son Liberty, et nous en double sur notre Hansa 303. Déjà lourdement handicapé en raison d’une « saloperie » de maladie dégénérescente, c’était difficile pour lui de défendre ses chances, mais sa victoire à lui c’était d’être là, de goûter au plaisir de la glisse et de la régate, toujours joyeux, plein d’entrain, généreux et drôle. D’une gentillesse extraordinaire, aussi incroyable que cela puisse paraître, c’était peut-être lui le plus heureux des trois, en ces instants magiques ! Il nous a malheureusement quitté tout récemment, en homme libre et debout. Cette médaille de Palerme 2021, elle est aussi à toi Alain !

Plus de 20 nations et 150 compétiteurs de voile handivalide

En ce début octobre, plus de 20 nations ont donc fait le déplacement en Sicile pour ce magnifique évènement. Trois ans après Hiroshima, avec un an de retard à cause du COVID, tout le gratin de la voile handivalide internationale s’est donné rendez-vous pour ce nouveau championnat du monde. 150 compétiteurs réunis autour d’une même passion vont en découdre sur des dériveurs spécialement conçus pour être accessibles à tous types de handicaps. Deux modèles de bateaux sont utilisés : les Hansa 303 et les Liberty.

En attendant le vent, ou après les manches, j’aime bien me poser dans un coin et discuter avec les personnes valides coachs et coéquipiers. Toutes sans exception sont tout simplement scotchées par tant de différences, tant de difficultés évidentes à surmonter le handicap dans la vie quotidienne, tellement certaines incapacités sont importantes, et pourtant ce qu’elles retiennent, ce qui les frappe, ce qui les marquera à vie, c’est la gaieté, la bonne humeur, la combativité, une certaine dose d’insouciance et de joie de vivre qui règnent ici en maîtres ! Le sourire sur toutes les lèvres des personnes handicapées toujours et sans exception !

Une compétition tous handicaps confondus

Sur un ponton équipé de treuils qu’on appelle des potences, des personnes en fauteuils roulants électriques se présentent pour embarquer sur leur Liberty. La valse des transferts dans les bateaux débute. L’une après l’autre, chaque personne est soulevée de son fauteuil, décrit un arc de cercle dans l’air, puis vient se poser doucement sur le siège de son embarcation d’où bientôt elle va quitter le ponton, pour naviguer en solo sur les flots de la baie de Palerme ! C’est impressionnant ! En un clin d’œil, ces femmes et ces hommes deviennent des marins autonomes, prennent leur place sur un voilier où le handicap n’existe plus.

Les adaptations sont remarquables. Les personnes atteintes des handicaps les plus lourds font glisser leur bateau sur l’eau, à l’aide d’un simple joystick qu’elles manipulent avec leur main quand c’est possible, ou avec leur menton quand il n’y a pas d’autre solution ! Le joystick commande des moteurs électriques installés sur le voilier. Ceux-ci agissent sur les différents réglages de voiles, et sur le gouvernail. Ainsi, les seules actions du marin sur le joystick permettent de gérer la navigation en toute autonomie. Quel sentiment de liberté ! Je vous laisse imaginer comme c’est magnifique … C’est bien la preuve que le vent se fout des différences !

Le déplacement de notre groupe est organisé et sponsorisé par l’UNADEV, dans le cadre de son projet Cécivoile qui vise à développer la pratique de la voile pour les personnes aveugles et malvoyantes au plan national et international. Nous sommes 8 équipages en provenance de Sciez, Lyon, Marseille et Nantes. Chaque équipage est constitué d’une personne déficiente visuelle et d’une personne valide. Merci à l’UNADEV pour cet investissement durable qui nous permet de vivre de telles aventures extraordinaires !

Olivier Ducruix et son co-équipier Gilles Guyon savourent leur médaille de bronze.
Olivier Ducruix et son co-équipier Gilles Guyon savourent leur médaille de bronze.

Olivier Ducruix et son co-équipier Gilles Guyon savourent leur médaille de bronze.

En jeu, un titre mondial

Le titre mondial est en jeu dans 4 catégories différentes. Il y a deux catégories en Liberty. Ce sont des bateaux particulièrement sécurisés et adaptés aux handicaps les plus lourds, qui permettent une navigation en solo uniquement. L’une de ces deux catégories regroupe l’ensemble de la flotte des Liberty, la seconde ne compte que les Liberty équipés de ces fameuses commandes électriques dont j’ai déjà parlé. Les deux dernières catégories se déroulent sur les Hansa 303, soit en solo, soit en double. Dans notre catégorie (le Hansa 303 double), 61 équipes s’alignent sur la ligne de départ. Pour certains, dont c’est la première participation à une régate de cette envergure, c’est réellement impressionnant. Nos binômes nous accompagnent sur l’eau mais aussi à terre. Ils nous audiodécrivent ce qui nous entoure. Tous sont particulièrement touchés par un jeune Namibien dépourvu de membres inférieurs. Il utilise une planche à roulettes pour se déplacer, parfois à vive allure et en nous frôlant ! Il sourit, salue tout le monde, heureux d’être là avec nous tout simplement !

Dans l’équipe de nos amis des Hauts-de-France, les moniteurs de voile, les éducateurs et les bénévoles du club de Berck naviguent avec des personnes déficientes intellectuelles. Deux ans après Portimao (notre dernière régate internationale avant le COVID), ils sont trop heureux de nous revoir. Quand ils nous reconnaissent, ce sont des cris de joie, des acclamations, un bonheur exprimé sans filtres qui fait chaud au cœur.

L’équipe de France remporte le trophée des nations

Un soir, autour d’un pot organisé par le staff de l’équipe de France, je sors la guitare, et ces jeunes adultes autistes et trisomiques sont mes plus fervents choristes. Ils s’éclatent, chantent à tue-tête avec moi, leur élocution hésitante devient fluide, ils connaissent les paroles des chansons par cœur ! C’est l’un de mes plus beaux bonheurs musicaux.

Soirée musicale improvisée en marge de la compétition.
Soirée musicale improvisée en marge de la compétition.

Soirée musicale improvisée en marge de la compétition.

On remettra ça lors de la cérémonie de remise des prix, tous ensemble sur la scène car notre équipe de France remporte le trophée des nations, jusqu’ici toujours gagné par l’Australie (berceau de la pratique voile handivalide). Ce trophée récompense le pays qui obtient les meilleurs résultats cumulés dans les 4 catégories du championnat.

Or, avec 3 médailles d’argent (Gérard Echène en Liberty, Cédric Castaldi en Liberty à commandes électriques, Cécile Vénuat en Hansa 303 solo), et une médaille de bronze (Gilles Guyon et moi-même en Hansa 303 double), nous sommes représentés sur tous les podiums ! C’est la preuve du formidable dynamisme impulsé en France sur la pratique de la voile handivalide, grâce à des moteurs que sont Gilles Pariat de Thonon-les-bains (président de la classe Hansa française), et Jérémie Chauchoy de Berck, pour ne citer qu’eux, mais il y en a plein d’autres. Ceci légitime pleinement (s’il en était besoin) la candidature française pour les prochains championnats du monde de voile handivalide qui auront lieu en 2023. Espérons qu’elle sera retenue !

En photo principale : Olivier Ducruix et Gilles Guyon à bord d’un Hansa 303 lors de la compétition.

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