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Vivre debout : Pour que le handicap ne soit plus un obstacle à la liberté

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Jocelyne Bonsang est présidente de l’association Vivre debout.

 

« Vivre Debout », qu’est-ce que c’est ?

Vivre Debout a pour objectif l’amélioration de la vie des adultes grands handicapés physiques. Elle a été créée en décembre 1974 par un groupe de jeunes adultes atteints de myopathie et souhaitant trouver une forme d’hébergement leur permettant de vivre d’une manière autonome malgré leur handicap.

Au départ, nous avons décidé de créer quelque chose de très nouveau à l’époque : un foyer autogéré par ses habitants. Le département des Yvelines, à qui nous avions soumis cette idée, a retenu notre projet et permis de donner naissance au « Foyer éclaté », qui fonctionnait alors comme une ville communautaire comprenant une dizaine d’appartements indépendants. Mais au fil du temps et de l’évolution de la maladie, cette structure s’est avérée très compliquée à gérer (délais, coûts, démarches administratives…). Malgré ces difficultés, le foyer s’est maintenu en tant que tel jusqu’en 2005, notamment grâce au financement du Conseil général. La loi de 2005, ouvrant le droit à la Prestation de Compensation du Handicap (PCH), nous a alors permis – les locataires – de devenir autonomes financièrement et de gérer chacun notre appartement. Le foyer en tant que structure a donc fermé officiellement, mais son principe de fonctionnement perdure encore aujourd’hui, avec des locataires qui vivent chacun de manière indépendante mais peuvent se côtoyer chaque jour dans un esprit communautaire.

Nous avons choisi de baptiser l’association « Vivre debout » en hommage à la chanson de Jacques Brel : « Vivre debout et en mouvement », car l’un des membres fondateurs est un grand fan de ce chanteur.

Ce choix de vie original, voire même au demeurant, utopique, a balayé des idées reçues, libéré les consciences et mieux encore… prolongé la durée de vie de personnes lourdement handicapées et totalement dépendantes. 

 

Quelles sont les actions mises en œuvre par Vivre Debout aujourd’hui ?

L’association Vivre Debout axe maintenant son action dans l’aide et les conseils aux personnes handicapées, notamment pour l’obtention de la PCH: rédaction de leur projet de vie, gestion de ce service, aide pour la remise des demandes à la MDPH….

Par ailleurs, la mutualisation de Vivre Debout avec la Coordination Handicap et Autonomie de “ Vie Autonome France ” lui confèrent une dimension européenne dans le cadre du réseau ENIL (European Network on Independant Living).

Notre mission est également de tout mettre en œuvre pour que les personnes handicapées fassent réellement partie de l’ensemble des citoyens et se fondent dans la masse. Tout le monde sait que nous existons, l’important à présent c’est de faire changer les regards.

 

Quels sont selon vous les avantages et inconvénients des dispositifs d’aides humaines autogérées ?

L’avantage c’est de pouvoir construire un projet de vie personnel et d’avoir la liberté de le mettre en œuvre sans contrainte institutionnelle. Cela permet d’accroître notre qualité de vie de façon considérable. Par rapport à un à hébergement en institution, cela signifie pouvoir faire ce qu’on veut quand on veut et ne pas être écrasé dans un établissement qui implique de respecter des horaires et activités.

L’un des inconvénients est la dépendance financière due au fait que les finances proviennent d’organismes extérieurs (Conseil Général, CRAMIF, Caisse de retraite…) et dépendants de la loi et de son application. Nous n’avons aucune maîtrise de nos ressources financières. Nous n’avons que peu de liberté d’action, si ce n’est l’argumentation et le fait de rappeler notre existence. Une autre contrainte, est liée à la gestion administrative des aidants (recrutement, gestion des salaires, formation, application du droit) et des rapports avec les financeurs. Notre vie est réglée en fonction des montants des allocations allouées et la crainte d’une diminution de ce budget est toujours présente dans nos esprits. 

 

Quel regard portez-vous sur le secteur et la problématique du « maintien à domicile » aujourd’hui ?

La multiplication actuelle des réponses et des dispositifs va dans le sens d’une facilitation du processus mais révèle des failles : manque de formation des personnes concernées (comment remplir une feuille de paie, obtenir un numéro d’URSSAF…). Est-il possible de s’improviser chef d’entreprise quand auparavant nous étions confinés dans l’assistanat ? Être jeté dans le grand bain du libre choix n’est pas chose aisée et cela ne va pas de soi, même si l’être humain est né, éduqué et se développe pour devenir autonome.

 

Quels sont les obstacles les plus souvent rencontrés par les personnes dépendantes et les professionnels du maintien à domicile ?

Les principales difficultés résident dans la rareté des postulants, le déficit de formation des aidants professionnels, et le fait que leur travail soit trop peu valorisé, avec des salaires bas et ne pouvant être augmentés, car assujettis aux ressources octroyées par les financeurs.

 

Comment évolue la situation selon vous ?

L’évolution dépend de plus en plus des finances de l’Etat. L’aide au secteur de la dépendance, du handicap ou de la vieillesse relève de choix politiques au plus haut échelon de l’État et l’orientation des choix décidera de l’évolution de cette problématique. La création de l’APA a été une grande avancée, tout comme le projet Delaunay, mais la société aura-t-elle les moyens de ses ambitions ? Tout n’est pas une question de moyens mais aussi de mutation sociétale, de regard porté sur l’autre lorsqu’il est différent et a des déficiences.

 

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