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Vie à domicile: « Les actions qui fonctionnent créent un consensus »

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Eric Bondar est membre du comité de pilotage de l’Observatoire Régional des Actions Innovantes sur la Dépendance et l’Autonomie (ORAIDA). Il est également responsable Information/ Communication des associations CREAI Rhône-Alpes et Crias Mieux Vivre.
 
Qu’est-ce que l’ORAIDA ?
L’ORAIDA est un laboratoire d’idées dédié à la dépendance et à la perte d’autonomie. Il se tourne vers les porteurs d’actions innovantes susceptibles de faciliter l’accompagnement et la prise en charge du parcours des personnes en perte d’autonomie (associations, professionnels de santé, collectivités locales, universités…).
Son comité de pilotage est composé de différents acteurs institutionnels et associatifs, représentants du secteur : l’ARS Rhône-Alpes (Antenne Régionale de Santé), le CREAI Rhône-Alpes (Carrefour des acteurs de l’action sociale et médico-sociale), le CRIAS Mieux-Vivre (Centre du Rhône d’Information et d’Action Sociale en faveur des retraités, personnes âgées et personnes handicapées), la CRSA (Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie), l’ADAPT Rhône-Alpes / Auvergne / Limousin, la Maison Loire Autonomie (Conseil Général de la Loire), la Société Rhône-Alpes de Gérontologie, et l’URIOPSS Rhône-Alpes (Unir les associations pour développer les solidarités en Rhône-Alpes).
 
Comment cet organisme a-t-il été créé ?
C’est le débat sur la dépendance, qui s’est tenu en Rhône-Alpes le 6 mai 2011, qui a constitué l’élément déclencheur. Il a mis en avant la nécessité d’approfondir la réflexion sur le parcours de la personne en perte d’autonomie, en présence de nombreux acteurs : partenaires, directeurs d’établissements, représentants des usagers, conseils généraux, fédérations, élus, organismes de sécurité sociale, de prévoyance, de retraite… ainsi que Marie-Anne Montchamp, alors secrétaire d’État auprès de la Ministre des solidarités et de la cohésion sociale, et Nora Berra, elle-même secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé.
A l’issue de cette journée, l’ARS Rhône-Alpes a souhaité continuer le travail commencé avec le comité de pilotage d’organisation de ce débat, tout comme les participants aux trois ateliers proposés à cette occasion. Il en a résulté la proposition de création d’un Observatoire Régional des Actions Innovantes sur la Dépendance et l’Autonomie (ORAIDA), destiné à répondre aux attentes relayées par le débat régional sur la dépendance. Parallèlement, la synthèse des contributions et de différents travaux rhônalpins sur la dépendance ont été transmis aux ministères concernés. La création de l’ORAIDA s’inscrit dans la ligne des recommandations du rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie du 23 juin 2011.
 
Quel est son rôle aujourd’hui ?
Les missions de l’ORAIDA consistent à :
– Assurer une veille « technologique » des expériences et initiatives en cours dans le champ de la dépendance et de la perte de l’autonomie ;
– Proposer des réponses aux acteurs institutionnels (ARS, CRSA, collectivités territoriales…) sur les problématiques de la dépendance et de la perte d’autonomie ;
– Apporter conseils et soutien aux porteurs d’actions dont le thème est en corrélation avec le travail mené par l’ORAIDA ;
– Développer la capacité en région d’essaimer des actions innovantes et qui apportent une réelle contribution aux réponses données aux besoins sociaux.
Lors de sa première année de fonctionnement, l’ORAIDA a étudié 8 actions innovantes, lors d’ateliers qui se sont déroulés sur 3 demi-journées, accueillant 80 participants. Chaque atelier, prenant la forme de focus groupe, était composé d’un porteur d’action innovante, d’acteurs politiques et décideurs locaux, de directeurs d’établissements et services sociaux et médico-sociaux, de travailleurs sociaux et médico-sociaux et de représentants d’usagers.
Environ 75 personnes sont inscrites à notre plate-forme de partage de documents donnant accès à plus de 12 dossiers et 60 documents différents (bibliographies, fiches actions, synthèses, revue de presse…). Un temps de rencontre dédié à la mise en relation entre les porteurs d’action innovantes et de potentiels partenaires (financeurs, journalistes, organisateurs de trophées…) a également été mis en place. L’Innov’Café aura désormais lieu tous les ans en fin de parcours thématique. De plus un site web dédié devrait voir le jour à l’automne prochain.
 
Comment décririez-vous le paysage d’actions mises en œuvre autour de la perte d’autonomie en Rhône-Alpes ?
 
Le territoire Rhône-Alpin est extrêmement dynamique et innovant, ce premier exercice nous en a apporté une preuve tout à fait concrète. La diversité des actions mises en place est foisonnante. Au sein de l’ORAIDA, nous avons ainsi pu repérer et étudier des actions innovantes:
– concernant les personnes âgées et les personnes en situation de handicap ;
– portées par des établissements, des services, des associations… ;
– en milieu rural comme en milieu urbain;
– des innovations relativement conséquentes en termes organisationnels, nécessitant des partenariats politiques et économiques complexes ;
– tout comme des actions que nous qualifions de micro-innovations, non pas que leur portée soit moindre, mais parce qu’elles interviennent sur des processus managériaux qui nécessitent des changements peut-être moins visibles à l’externe mais tout aussi complexes à réaliser.
 
Est-ce que certains types d’actions connaissent une croissance plus importante que les autres ?
En effet certaines thématiques sont plus « populaires » et visibles que d’autres : la préservation du lien social de la personne en perte d’autonomie, l’action intergénérationnelle ou encore le soutien aux aidants. Mais l’ORAIDA ne se penche pas sur une action uniquement par rapport à son domaine d’application précis : celle-ci doit avant tout correspondre au thème général défini en début d’année. En 2012-2013, il concernait la liberté de choix de la personne en perte d’autonomie, en 2014-2015, il cible la liberté d’agir, se rapprochant des actions favorisant l’empowerment et l’autodétermination de la personne. 
 
 
Est-ce qu’au contraire d’autres types d’actions restent rares et/ou gagneraient à se développer davantage ?
Il est difficile de se prononcer sur la rareté d’un type de démarche tant parfois celles-ci sont complexes à identifier. Beaucoup d’actions innovantes ne se considèrent pas comme telles, n’ayant pas pour objectif initial de faire parler d’elles mais bien de trouver une réponse pratique à un problème donné. Elles sont pour la plupart mises en œuvre avec des moyens extrêmement limités et dans des cadres souvent contraints, par le manque de financements bien entendu, mais aussi par le cadre légal souvent générateur de complexité et de ralentissement de l’innovation. La prise de risque est un élément fondamental de l’innovation, mais malheureusement, peu de personnes et d’organismes sont prêts à assumer les conséquences parfois lourdes d’une prise de risque en rapport avec des publics fragiles. Et on les comprend tout à fait : comment innover dans un contexte économique et légal qui sanctionne immédiatement le moindre échec ?
Plutôt qu’un type d’action que nous souhaiterions voir se développer, à l’ORAIDA nous sommes toujours heureux de constater que nos porteurs d’actions innovantes ont su prendre des risques et oser, ou « cultiver l’art de la transgression », pour reprendre les termes de Michèle Delaunay lors de nos premiers ateliers en novembre 2012. Sans risque, pas d’innovation. Pour l’ORAIDA c’est même devenu un facteur de repérage de celle-ci, puisque si le sentier est déjà balisé, il y a de fortes chances que l’on ne soit pas en présence d’un processus innovant.
 
 
Aujourd’hui que pensez-vous de l’évolution des actions d’accompagnement ou de prise en charge mises en œuvre en Rhône-Alpes ? Et en France ?
Il est difficile de répondre de manière affirmative et tranchée. Il semble évident que la raréfaction des financements et supports publics, la transformation du secteur social et médico-social, la présence renforcée du secteur marchand dans les établissements et services, ou encore les réorganisations du paysage institutionnel et politique récentes et à venir… peuvent être vécues comme génératrices de préoccupations majeures.
A l’échelle de la région Rhône-Alpes, nous constatons tout de même une réelle volonté de concertation de l’ensemble des parties représentées, l’ORAIDA en est une manifestation tout à fait explicite. Ensuite tout dépend toujours du point de vue, et de la situation vécue. Est-ce que la personne ou l’entourage d’une personne en perte d’autonomie partage exactement le même point de vue qu’un décideur, un professionnel de l’accompagnement ou un directeur associatif ? Certainement pas, l’échelle d’appréciation de l’efficacité et de la rapidité des changements n’est pas la même. C’est aussi pour cela qu’il est primordial de pouvoir échanger et prendre en compte les différents avis. Ici réside également l’un des impératifs de l’ORAIDA : autour d’une action innovante, organiser la controverse, débattre, recueillir les propos, les analyser, les augmenter, les comparer puis les restituer au plus grand nombre afin d’essaimer et promouvoir cette innovation partout en Rhône-Alpes et en France.
 
 
Que pensez-vous de la loi d’adaptation au vieillissement ?
 
À la lecture de la restitution des documents de concertation, nous sommes plutôt optimistes. Nous constatons aussi que les axes forts dégagés font déjà partie des préoccupations majeures des acteurs de l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie. 
Que ce soit par le biais de l’ORAIDA ou de Crias Mieux Vivre, outre des thèmes déjà bien présents dans les esprits comme la prévention et l’aide aux aidants, cela fait maintenant plusieurs années que des sujets tels que l’adaptation de la société, la participation des personnes en perte d’autonomie à la vie de la Cité ou la prévention des maltraitances nous animent. Néanmoins, nous devons nous montrer vigilants sur plusieurs points : outre l’application concrète de ces bonnes intentions et recommandations, la cohésion des différents acteurs chargés de faire appliquer cette loi doit être totale. Nous le constatons ici chaque jour, les actions qui fonctionnent sont celles qui créent un consensus, qui témoignent d’une véritable volonté de coordination et de travail d’équipe.
De plus, l’aspect globalisant d’une loi ne doit pas pour autant avoir d’effet trop normatif des réalités de terrain, car d’un territoire à un autre, les logiques, histoires et données sociologiques peuvent fortement varier. Si cette loi veut réussir à atteindre ses objectifs, nous devrons veiller à ne pas faire de copier-coller et à bien prendre en compte les spécificités de chaque territoire.
Nous pouvons également regretter que certains axes semblent minorés dans ces textes, comme le soutien aux actions alternatives au logement « classiques » : outre le domicile, le logement-foyer et la résidence sous toutes ses formes. De nombreuses actions innovantes souvent très localisées et portées par de petits groupes se développent partout sur le territoire. Elles sont riches d’enseignement, porteuses d’un vivre ensemble et autrement, ce qu’il faut à notre avis reconnaître et encourager.
Enfin, tout comme une majorité d’acteurs du secteur, nous sommes relativement sceptiques quant aux moyens financiers alloués pour l’application de l’ensemble de ces démarches qui nous semblent plutôt insuffisants.
 
Plus d’infos sur : www.criasmv.asso.fr
 
Propos recueillis par Caroline Madeuf

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