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Un jeu de société pour les personnes touchées par un trouble psychique

Un jeu de société pour les personnes touchées par un trouble psychique
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Le 31 : Un jeu conçu pour les personnes touchées par un trouble psychique

Stéphane Thiolière et son équipe nous présentent leur jeu « Le 31 », jeu de société pensé pour les personnes touchées par un trouble psychique. Un jeu ludique qui réunit partage, communication et bienveillance.

Pouvez-vous nous présenter vos parcours mutuels ?

Nous sommes trois à avoir créé le jeu « 31 ». Michaël Bedart, professeur de théâtre et animateur cadrant des groupes d’entraide mutuelle. Il est co-créateur du jeu, c’est lui qui a tout dessiné et qui a réalisé les graphismes.

Juliette Mollero, elle, travaillait dans l’administration des spectacles vivants. Ensuite, au fur et à mesure du temps, elle s’est reconvertie dans l’éducation spécialisée. Aujourd’hui, elle travaille avec des personnes en situation de handicap psychique.

Puis, Stéphane Thiolière, directeur marketing d’une activité qui est complétement différente de celle de Juliette et Michael.

Nous nous sommes retrouvés dans un groupe commun qui pratiquait à la fois théâtre et l’art vivant. Nous avons commencé à parler d’un projet social ensemble, et avoir l’envie de donner un peu de notre temps à l’accompagnement.

Avez-vous un lien particulier avec le handicap ? 

Pas de façon directe, je suis sûrement celui qui a le moins de proximité avec le handicap (Stéphane), mis à part les valeurs que l’on veut véhiculer à travers ce projet. Nous avons surtout cette volonté de pouvoir accompagner des personnes à travers un jeu, grâce à l’échange et aux partages.

Pouvez-vous nous expliquer le concept du jeu et ses règles ?

Les règles du jeu sont simples : il y a 31 cases qui correspondent aux 31 jours du mois. C’est un jeu de plateau simple avec des dés. Suivant la case sur laquelle on tombe, on pioche une carte en fonction de la couleur de cette case.

Il y a différents types de cartes : la carte Action permet de mettre la personne en situation. La carte Quiz consiste à répondre à une question, que la réponse donnée soit bonne ou non. Et enfin, celle d’interactivité, elle permet d’interagir et de partager entre chaque joueur.

Presque systématiquement, chaque carte est reprise pour permettre aux joueurs de discuter et d’échanger sur la situation. Un exemple : Comment vous auriez réagi si vous étiez tombé sur cette carte ? Vous en pensez quoi de la réponse ? etc.

Les cartes ne sont qu’un support pour permettre aux personnes de s’exprimer. Il y a même des cartes assez rigolotes !

Et du coup, quel est l’objectif du jeu ?

L’objectif de ce jeu de société conçu pour les personnes touchées par un trouble psychique est de parcourir ces 31 jours du mois en ayant certaines contraintes, liées souvent à une question budgétaire.

Pour gagner, chaque participant doit répondre de la façon la plus équilibrée possible aux différentes thématiques. Le but n’est pas le fait d’être le plus fort dans l’une des catégories. Il faut comprendre que dans la vie, pour être bien, il faut être le plus équilibré possible.

Pour gagner à ce jeu, il ne faut donc pas être le meilleur, ni être le premier. Le gagnant est celui qui est en capacité d’atteindre les objectifs dans leur ensemble.

Nous voulons également laisser dans le jeu une part assez importante à l’éducateur. L’éducateur va accompagner le groupe, diriger et animer le jeu. Il peut choisir ou non de se pencher plus longuement sur une carte, sur un objectif.

Nous avons établi des règles relativement simples pour que les personnes se concentrent davantage sur le partage et la communication.

Comment avez-vous eu l’idée de créer le jeu 31 ? Pourquoi un jeu de société pour les personnes touchées par un trouble psychique ?

Nous avons eu l’idée de créer ce jeu, car Juliette, dans l’accueil du jour du centre où elle travaille, s’était rendu compte qu’il y avait un manque dans ce domaine-là. Au niveau du jeu de société, nous avons choisi des thématiques de la vie quotidienne. Comme par exemple gérer son budget. Mais nous n’avions pas envie d’animer un atelier rébarbatif avec un tableau, nous voulions quelque chose de ludique. Au fur et à mesure de la confection du jeu, nous sommes partis sur d’autres thématiques plus larges.

Les institutions savent parler de la gestion du budget. Mais ça ne rend pas les personnes heureuses que de bien gérer son argent. Ce n’est pas quelque chose de drôle.

Nous avons réfléchi et nous nous sommes demandé : quels sont les domaines où on pourrait faire travailler les participants sur un équilibre ? Nous avons pensé à quatre thèmes : santé, environnement, citoyenneté et sociabilité. C’était déjà pas mal.

Il y a une spécificité dans notre production. Nous avons eu l’idée de laisser un certain nombre de cartes vierges, non imprimées. Grâce à cela, l’éducateur, qui anime le jeu, peut introduire s’il le souhaite des thématiques qui lui sont propre. Si l’éducateur souhaite aborder un point particulier avec le groupe, il peut glisser une carte qu’il aura préalablement écrite pour initier un échange. Il peut intégrer un sujet qui correspond plus à son groupe, là où il peut sentir que ce sujet a besoin d’être abordé. Cela peut faciliter l’introduction d’un sujet, notamment s’il est délicat.

Combien de temps a pris la conception du 31 ?

Pour le temps, cela s’est joué entre quelques semaines et quelques longs mois.

Nous avons fait un premier essai qui était assez rapide. Notre projet était d’avoir quelque chose de concret à présenter.

Mais nous avons dû nous y reprendre à plusieurs fois avant de l’éditer, car on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de demandes. Donc nous avons eu des choses à revoir, à approfondir, des cartes à reformuler ! Les retours de Juliette, pendant les ateliers, nous ont également permis de mieux comprendre où le jeu nécessitait d’être amélioré. Il y a eu aussi une pause liée au Covid-19 sur quelques semaines. Mais cela ne nous a pas empêché de travailler ! Au contraire, nous nous sommes tous creusé la tête encore plus pour optimiser les choses. Cela a tout de même pris du temps !

Là, nous venons de finir la phase de création. Aujourd’hui, nous contactons des entreprises de production et de distribution pour commercialiser le jeu. Nous sommes également en contact avec un certain nombre d’organismes pour réunir de l’argent pour le financement. Soit à travers des subventions, soit à l’aide d’un financement participatif avec la plateforme Ulule.

Nous avons débuté ce projet en septembre 2019 et notre objectif serait de le commercialiser entre septembre et octobre 2020. Un an de production c’est un temps relativement court.

Le 31 sera-t-il accessible à tous ?

Aujourd’hui, nous n’avons pas de limitations ! Particuliers ou professionnels pourront acheter le jeu. C’est vrai que le 31 est plutôt pensé pour l’accompagnement des personnes souffrant de troubles psychiques. Cependant, en y jouant, nous avons la sensation que toute personne, quel que soit son horizon, pourra jouer. Accompagnants, aidants ou familles, c’est un jeu intuitif où tout le monde peut trouver des intérêts.

Les spécialistes, bien sûr, pourront acheter le jeu 31 pour leur centre, mais il s’adresse également aux particuliers et à leurs proches.

Il y a trois personnes autistes qui ont pu jouer au 31 et nous avons constaté que cela fonctionnait ! Cependant, nous ne prônons pas le fait que notre jeu est adapté pour ce genre de handicap, mais simplement qu’il peut leur convenir.

Avez-vous ressenti un réel changement pour ces personnes en situation de handicap ?

Oui, je pense que cela peut aider les personnes à s’exprimer ! Du côté des professionnels cela aide beaucoup à voir dans quelle situation les personnes bloquent le plus.

Nous n’avons pas conçu un miracle, je pense que ça n’existe pas et ce n’est pas notre travail.

J’ai oublié de le préciser, mais au départ du jeu, chaque participant (l’éducateur aussi) a une carte personnage. Grâce à cette carte, les participants peuvent prendre de la distance avec leur vie. Ils ne jouent pas leur propre rôle dans les questions auxquelles ils doivent répondre. L’idée, c’est de toujours garder une certaine distance pour que les situations ne soient pas similaires avec leur propre vie.

Même si, naturellement, nous comparons tous les situations avec notre vie, nous nous rendons compte plus facilement là où les personnes ont besoin d’aide.

Vous vous êtes certainement appuyés sur votre expérience auprès de ce public pour créer ce jeu…

Oui, nous connaissons assez bien les personnes susceptibles d’utiliser ce jeu. On travaille au quotidien avec elles, et évidemment, nous ne sommes pas surpris de leurs réponses.

Cependant, nous avons aussi constaté que d’autres personnes, se sont ouvertes davantage grâce au 31. Nous nous sommes également rendu compte qu’il y avait de vrais problèmes dans la vie de ces personnes : budgétaires, sociaux et au niveau des droits par exemple.

Nous sommes parfois face à des personnes complétement déconnectées, qui ne connaissent pas leurs droits, et qui sont en marge de la société là-dessus. Alors oui, le jeu aide ces personnes dans le besoin. Mais l’effet assez évident reste celui de la volonté des participants. Alors que certaines personnes sont parfois fermées au début de l’atelier, nous voyons le changement s’opérer sur elles et elles s’ouvrent de plus en plus.

Le 31 permet une vraie cohésion de groupe et peut même créer des souvenirs.

Pensez-vous créer d’autres jeux de société à l’avenir ?

Nous avons reçu pas mal de demandes de variantes. Il est vrai que ce jeu convient plus aux grands ados et aux adultes. Nous allons donc sûrement nous pencher sur une variante accessible aux plus jeunes âges !

Pour en savoir plus sur ce jeu de société pour les personnes touchées par un trouble psychique et se le procurer : https://hooponoponogames.fr/

Propos recueillis par Anna Pellissier

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