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Tutelle personne handicapée : Et la gestion des biens ?

Tutelle handicap et curatelle
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La tutelle handicap et la curatelle ont-elles des conséquences sur la gestion des biens ?

Par Camille de Soras, conseillère en gestion de patrimoine et courtier en assurances spécialisée dans le handicap (ABC Vie). Tutelle Handicap : Préparer l’avenir de son enfant handicapé implique, au-delà de l’organisation de son projet de vie et des aspects patrimoniaux, de s’interroger sur son degré d’autonomie. Mon enfant pourra-t-il gérer ses biens et réaliser les actes de la vie civile seul ? Devra-t-il être représenté, assisté, contrôlé ?

Tant qu’il est mineur, un enfant est placé sous l’autorité de ses parents. Mais après 18 ans, il a une capacité juridique et dispose donc de l’exercice total de ses droits dans les actes de la vie civile ; les parents ne peuvent plus juridiquement intervenir à sa place. Or certains majeurs ne peuvent pas accomplir seuls des actes, exercer des droits personnels, prendre des décisions sur leur santé, ou encore gérer leur patrimoine, compte tenu de l’altération de leurs facultés. Dans ce cas, une mesure de protection doit être envisagée. Après un examen de la requête et des auditions, le juge décide du régime le mieux adapté à la personne.

Trois régimes de protection existent: la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle handicap. La mesure de protection est plus ou moins souple selon le degré d’incapacité du majeur. Les règles propres à chaque mesure peuvent par ailleurs être renforcées ou allégées selon les circonstances.  Nous n’aborderons pas dans cet article la sauvegarde de justice qui est une mesure temporaire.

Qui peut être désigné curateur ou tuteur ?

Le juge cherche à désigner comme curateur ou tuteur en priorité le conjoint, les parents ou proches de la personne. Si aucun d’entre eux ne peut assumer la curatelle ou tutelle handicap, il désigne un « mandataire judiciaire à la protection des majeurs ».

Depuis la loi du 5 mars 2007, les parents peuvent désigner par avance qui sera le tuteur ou curateur de leur enfant lorsqu’ils ne pourront plus remplir ce rôle. Il semble important d’aborder ce sujet avec la famille pour connaître les volontés et motivations de chacun. Les responsabilités pourront être réparties afin de désigner la personne qui se chargera de l’enfant, celle qui s’occupera de la gestion de ses biens. Un subrogé tuteur ou curateur peut également être nommé pour représenter l’enfant en cas de conflit d’intérêt ou pour surveiller les actes du tuteur ou curateur. Le juge peut enfin nommer un conseil de famille, qui désigne lui-même le tuteur, le subrogé tuteur et le cas échéant le tuteur ad hoc.

Comment fonctionnent les mesures de curatelle et de tutelle ?

La curatelle est destinée à protéger une personne qui a besoin d’être assistée et conseillée dans les actes de la vie civile. La personne protégée conserve ses droits, qu’elle exerce seule ou avec l’assistance du curateur. Elle accomplit seule les actes de gestion courante (dits actes d’administration ou actes conservatoires), comme les achats courants ou la souscription d’une police d’assurance, et prend seule les décisions relatives à sa personne si elle le peut. Elle choisit son lieu de résidence et conserve le droit de vote.

En revanche, elle doit être assistée de son curateur pour des actes plus importants (dits actes de disposition), comme la vente d’un appartement ou la souscription d’un contrat d’assurance vie. Elle doit obtenir l’autorisation du curateur, ou à défaut celle du juge, pour se marier.

Le juge peut moduler l’étendue de la mesure soit en renforçant la curatelle, soit en l’allégeant. Avec une curatelle renforcée, le curateur perçoit seul les revenus de la personne protégée sur un compte ouvert à son nom. Il assure lui-même le règlement des dépenses et dépose l’excèdent sur un compte laissé à la disposition de la personne protégée .

Le curateur est tenu de rendre compte de l’exécution de son mandat à la personne protégée et au juge. En cas de curatelle renforcée, il doit remettre chaque année au greffier en chef du tribunal d’instance un compte rendu de sa gestion.

La tutelle handicap s’adresse à une personne majeure qui doit être représentée de façon continue dans les actes de la vie civile. Le majeur perd l’exercice de la plupart de ses droits. Le tuteur agit en son nom et pour son compte ; il doit assurer tant la protection de la personne que de ses biens. Le tuteur doit défendre les intérêts patrimoniaux du majeur protégé, avec une gestion « prudente, diligente et avisée », ce qui signifie une gestion sans risque, attentive, prévoyante, et documentée de toutes les informations nécessaires. Il doit chaque année rendre un compte de gestion annuel.

Le tuteur accomplit seul les actes conservatoires et d’administration, mais il doit demander l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles pour les actes d’administration.

Le majeur conserve quelques prérogatives d’ordre très personnel, comme la déclaration de naissance ou la reconnaissance d’un enfant, le consentement donné à sa propre adoption ou celle d’un enfant. Il peut faire seul son testament avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille, et peut faire des donations en étant assisté ou représenté par le tuteur, avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille.

Quels sont les actes conservatoires, d’administration et de dispositions ?

Le degré d’autonomie de la personne protégée et l’intervention de son représentant dépendent donc du régime de protection mais aussi de la nature des actes réalisés :  actes conservatoires, d’administration et de disposition.

Le décret du 22 décembre 2008 définit clairement ces actes. Il prévoit par ailleurs une liste non exhaustive d’actes dont la qualification peut changer selon les circonstances.

Les actes conservatoires sont des actes qui permettent de maintenir le patrimoine en l’état et de conserver les biens : réparation d’un bien, paiement des charges d’un logement par exemple.

Les actes d’administration sont les actes de gestion courante et de mise en valeur du patrimoine du majeur vulnérable, dénués de risque anormal.

Ce sont par exemple :

  • les travaux d’aménagement, d’amélioration utile et d’entretien des logements de la personne protégée

  • l’emploi des sommes d’argent qui ne sont ni des capitaux ni des excédents de revenus

  • la conclusion ou renouvellement d’un bail d’habitation en tant que bailleur

  • la perception de revenus

  • la conclusion ou renouvellement d’un contrat d’assurance de responsabilité civile ou aux biens.

  • l’exercice du droit de vote en assemblée.

Les actes de disposition engagent et modifient le patrimoine de la personne protégée de manière durable et substantielle. Sont notamment considérés comme actes de disposition :

  • la vente du logement ou de la résidence secondaire
  • les grosses réparations d’un immeuble,
  • l’ouverture ou la modification de comptes ou livrets,
  • le prélèvement sur le capital, à l’exclusion du paiement des dettes
  • l’emprunt de sommes d’argent.

Certains actes portant sur le patrimoine du majeur sont soumis à autorisation, quel que soit le régime de protection de la personne :

  • L’aliénation, la résiliation ou la conclusion d’un bail portant sur la résidence principale ou secondaire
  • L’ouverture ou la modification de comptes ou livrets ouverts au nom du majeur ou leur modification

Pouvoirs du tuteur et du curateur dans le cadre de la gestion des biens et de la personne protégée

Actes Curatelle Tutelle
Actes d’administration Personne protégée Tuteur
Actes de disposition Personne protégée avec assistance du curateur Tuteur avec autorisation du  juge
Ouverture d’un 1er compte chèque / CCP Personne protégée Tuteur
Ouverture d’un nouveau compte dans la banque habituelle Personne protégée avec assistance du curateur Tuteur
Ouverture d’un nouveau compte dans une nouvelle banque Personne protégée avec assistance du curateur et autorisation du juge Tuteur avec  autorisation du juge
Souscription, versements, rachats d’un contrat d’assurance vie* Personne protégée avec assistance du curateur Tuteur  avec autorisation du juge
Désignation spécifique / révocation bénéficiaire* Personne protégée avec assistance du curateur Désignation avec accord du juge
Mariage Personne protégée après information de son curateur Personne protégée après information de son tuteur
Divorce Assistance du curateur Tuteur
Donation Personne protégée avec assistance du curateur Personne protégée seule, assistée ou représentée par le tuteur, après autorisation du juge
Testament Personne protégée seule Personne protégée seule après autorisation du juge
Emprunt Personne protégée avec assistance du curateur Tuteur avec l’autorisation du juge
Vente d’un bien immobilier ** Personne protégée avec assistance du curateur Tuteur avec l’autorisation du juge

* Article L132-4-1 du code des assurances

** La vente ou la mise en location du logement, habitation principale ou secondaire, de la personne protégée est soumise à l’autorisation du juge (ou du conseil de famille).

Depuis 2007, le mandat de protection future peut constituer une alternative aux mesures de protection.

Il permet à une personne  de désigner à l’avance un mandataire qui se chargera de gérer ses biens et sa personne le jour où elle ne pourra plus pourvoir seule à ses intérêts. Le mandataire peut être une personne qui ne fait pas partie du cadre familial ou une personne morale. Le mandat de protection future pour autrui permet quant à lui à des parents d’enfant en situation de handicap de prévoir qui s’occupera de leur enfant quand ils ne pourront plus le faire.

Le mandat de protection future peut être rédigé sous seing privé ou par acte notarié. Dans le premier cas, le mandataire ne peut s’occuper que des affaires courantes (les actes conservatoires et d’administration). Il doit saisir le juge de tutelle handicap pour les actes soumis à autorisation ou non prévus par le mandat et qui seraient nécessaires dans l’intérêt du mandant.

Dans le cas d’un mandat de protection future notarié, le mandataire peut faire des actes de disposition. L’autorisation du juge ne sera nécessaire que pour les actes à titre gratuit (donations).

Le mandat de protection future pour autrui quant à lui ne peut être réalisé que sous forme notariée.

Le mandat permet de détailler toutes les volontés points par points, avec une organisation précise de la gestion. Le mandataire doit exécuter sa mission conformément à ce qui est écrit dans le mandat et dans le respect du code civil. Il doit établir un inventaire des biens du mandant et assurer son actualisation.  Il rend compte chaque année à la ou les personnes chargées de contrôler cette mission. Le notaire, qui contrôle les comptes dans le cadre d’un mandat notarié, saisit le juge des tutelles de tout mouvement de fonds ou acte non justifié ou non conforme. S’il y a abus ou difficultés, le juge peut intervenir et révoquer le mandataire, voire prononcer l’ouverture d’une mesure plus adaptée.

Le mandat de protection future peut donc constituer une alternative à une mesure de protection juridique.

Les mesures de protection juridiques, bien que contraignantes, permettent de protéger tant la personne majeure que son patrimoine et du patrimoine familial. Mais pour assurer son bon fonctionnement, il nous semble important d’aborder par avance ce sujet en famille, afin que le rôle du tuteur ou curateur soit bien accepté et que les responsabilités soient éventuellement réparties.

Le mandat de protection future est quant à lui un moyen utile d’organiser l’avenir, même s’il comporte encore quelques écueils, tels que l’absence de protection juridique et l’absence de publicité. Mais il est probable que ces imperfections fassent l’objet d’amélioration au fur et à mesure de la pratique et des expériences.

Exemple 1 :

Monsieur Morel, sous curatelle, a reçu en donation un capital de 50 000€, qui a été versé sur son compte courant. Il souhaite ouvrir un Livret A et y placer 22 000€. Il prévoit par ailleurs de souscrire un contrat d’assurance vie pour y verser le solde.

Le curateur doit demander une autorisation au juge des tutelles pour ouvrir le Livret A et y verser les capitaux prévus.

En revanche, il n’y a pas d’autorisation à avoir pour l’ouverture du contrat d’assurance vie. La souscription et le versement des capitaux pourront être faits avec la signature de Mr Morel et l’assistance de son curateur.

Exemple 2 :

Elisabeth, sous tutelle handicap, dispose d’un appartement mis en location, ainsi que 30 000€ placés sur un compte sur livret dont le taux est attractif. Les revenus locatifs et financiers ont pour conséquence de diminuer fortement l’AAH d’Elisabeth. Sa mère, tutrice, souhaite donc vendre l’appartement et clôturer le compte sur livret, pour réinvestir les capitaux sur un contrat Epargne Handicap. Elle devra présenter une requête au juge, dans laquelle elle expliquera ses suggestions, leurs raisons, et indiquera les caractéristiques du contrat Epargne Handicap envisagé. L’accord du juge sera nécessaire pour pouvoir effectuer les opérations.

Exemple 3 :

Madame Lemaître donne 2000€ à son fils Eric, sous tutelle, à l’occasion de son anniversaire. Le capital est encaissé sur le compte courant d’Eric. Celui-ci dispose d’un contrat d’assurance vie Epargne Handicap. Madame Lemaître doit demander et obtenir l’accord du juge pour pouvoir verser les 2000€ sur le contrat Epargne Handicap d’Eric.

Camille de Soras – ABC Vie – Jiminy Conseil

Article mis à jour le 22 août 2022.

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