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Système de santé : Le médico-social en Angleterre

Système de santé : Le médico-social en Angleterre
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Un aperçu du fonctionnement du système de santé et du secteur médico-social en Angleterre à travers une expérience personnelle vécue…

Par Jean-Christophe Verro. À la fin de l’été 2015, j’ai eu un souci de santé, dû en partie au stress et à la fatigue, qui m’a immobilisé à la maison et m’a empêché d’aller travailler. À cette période, j’utilisais des béquilles dans la maison et mon fauteuil à l’extérieur. Ma femme, en rentrant d’une semaine de congé avec les enfants, et me trouvant dans un sale état s’est résolue à appeler les urgences (le médecin généraliste n’ayant été d’aucune aide). C’est ainsi que j’ai expérimenté le système de santé en Angleterre.

Je me suis donc retrouvé aux urgences de l’hôpital, en observation pour 24 heures. J’ai ensuite été transféré dans un service spécialisé où j’ai reçu un traitement médicamenteux. Mais en même temps, j’ai sombré dans un état de somnolence, m’ayant fait perdre toute notion de temps et de lieu, qui a affolé mes proches.
Cet état a duré environ une semaine. J’ai rapidement repris conscience et reconnecté avec la réalité, pour découvrir que j’avais malheureusement perdu beaucoup de mes fonctions motrices et musculaires (impossible de maintenir mon torse, de me remettre debout).

Le service où j’étais, après m’avoir dispensé des traitements médicamenteux, a commencé à me proposer un début de rééducation avec les moyens limités (en temps et en personnels) dont il disposait, à savoir un Occupational Therapist (Ergothérapeute) et des étudiants en kinésithérapie sous la férule d’un médecin spécialiste en rééducation, tous de la NHS (le service de santé britannique). Je suis resté dans ce service 3 à 4 semaines jusqu’à ce qu’une place en clinique de rééducation spécialisée se libère. La place a été libérée le matin, j’ai été transféré avant le déjeuner !

Ce transfert a été salutaire car cela a permis un rapprochement de mon domicile, permettant à ma famille de venir me voir plus souvent. À ce moment, ma femme n’avait aucun soutien (sa plus proche famille habitant à 200 km), et était sans emploi avec deux enfants en bas âge (1 et 3 ans), vivant sur ma mince allocation d’arrêt maladie. Ayant pris contact avec les services sociaux de la mairie au début de l’été pour avoir des aides pour améliorer l’accessibilité de notre logement, elle a eu la visite d’un Occupational Therapist des services sociaux de la mairie, qui est venu fait une évaluation et proposer des équipements (rampes, notamment), tout en sachant qu’à ma sortie de l’hôpital, il faudrait réviser cette évaluation pour l’adapter à ma nouvelle situation. Ce contact avec les services sociaux lui a permis de se renseigner sur les différentes aides qu’elle pourrait solliciter pour l’aider dans sa situation. Celles-ci étaient principalement des aides gouvernementales (le « Tax Credit » : remboursement d’impôt (les impôts sont prélevés à la source sur votre fiche de paye, au Royaume Uni) pour les enfants, équivalents d’allocations familiales).

Ma rééducation en clinique spécialisée de la NHS a donc commencé, avec un vaste pool de spécialistes (docteurs, infirmières spécialisées, ergothérapeutes, kinésithérapeutes, spécialistes des fonctions cognitives et de la mémoire, aides-soignants, etc.) me permettant au départ d’évaluer les dégâts et en suite de programmer les séances (jusqu’à 3 par jours). Cela a duré 3 mois, qui ont été assez éprouvants pour ma femme et pour moi, notamment car je ne voyais pas les résultats espérés arriver, que je vivais dans une salle commune d’environ 20 patients et étais séparé de ma famille.
J’ai donc demandé à quitter la clinique au plus tôt, malgré un avis peu favorable des médecins. La clinique a donc commencé à préparer ma sortie. Les kinés m’ont expliqué les soins que j’allais recevoir une fois dehors (surtout des soins à domiciles). Les ergothérapeutes de la NHS m’ont expliqué les aides techniques dont j’allais pouvoir bénéficier, et comment faire les demandes de financement. Ils sont même venus chez moi avant ma sortie pour affiner l’évaluation de l’ergothérapeute des service sociaux de la mairie. L’assistante sociale de la NHS a commencé à monter un dossier pour que je bénéficie d’une allocation pour financer le soutien en aidants dont j’aurais besoin.

Et enfin je quitte la prise en charge de la NHS et je suis renvoyé à ma plus grande joie chez moi, avec ma famille (triste souvenir cependant car quelques jours avant l’attentat du Bataclan). À partir de ce moment, mes interlocuteurs sont les services sociaux de la mairie, les spécialistes de la NHS qui avaient préparé ma sortie ne sont plus en charge de mon dossier, et ne travaillent plus dessus même si le travail commencé est incomplet. Tout est à recommencer, car les objectifs des services sociaux de la mairie sont un peu différents. Ils sont plus orientés vers la gestion budgétaire (je découvrirais qu’à ce moment-là que la mairie de Leeds détient un « titre » de mairie au budget le mieux géré !) que vers une bonne application des lois sur leurs devoirs de soin. Les ergothérapeutes de la NHS ont fait des suggestions, mais c’est à la mairie, et à ses ergothérapeutes, de décider ce qu’elle va financer en termes d’équipements.
Cela va prendre du temps et ne pas être satisfaisant, me poussant à acheter sur mes propres deniers un banc de transfert pour baignoire pour pouvoir prendre des douches (en fait les ergos de la NHS n’avaient pas fait de recommandations, à dessein pour éviter de prendre la responsabilités de ma sécurité, et avant de quitter la clinique, je les avais questionnés sur mes possibilités pour prendre des douches, la réponse avait été assez révélatrice de leur implication : aller dans un club de sport !?!)

Les services sociaux me fournissent une équipe d’aidants venant tous les matins pour m’aider à me préparer. Cette équipe est supposée être présente à titre temporaire (6 semaines) jusqu’à la mise en place d’une solution plus pérenne (l’équipe « temporaire » sera remplacée, à son soulagement, au bout de 6 mois par une agence professionnelle d’aidants financée par la mairie).
À ce titre, je travaille avec un assistant social à élaborer un plan de mes besoins (appelé « Direct Payment », loi mise en place par le gouvernement) pour permettre à la mairie de déterminer un budget à me verser pour le financer.
Mon plan de soin consiste à déterminer un budget que je vais recevoir et gérer pour payer mes soins, principalement sous la forme d’un(e) assistant(e) personnel(le) a mi-temps que je vais employer.
Cela prendra énormément de temps, et je n’ai commencé à toucher ce budget qu’au bout de 6/7 mois ! (L’assistante sociale de la NHS m’avait assuré que ce budget serait versé dès ma sortie de la clinique pour financer mes soins).

Pour la poursuite de ma rééducation, les soins sont proposés en patient externe (et non à domicile).
Me rendre à ces rendez-vous va être une réelle perte de temps pour moi dans le sens où je passe plus de temps en taxi qu’en soins.
Les praticiens ne sont guère motivés, et je vais vite abandonner pour aller faire de la natation dans un club de sport qui finalement va m’apporter plus de résultats.

Ce parcours de soins sensé être coordonné au sein du système de santé, essaye de combiner différents acteurs, clinique de rééducation (lieu fermé), poursuite de la rééducation à l’hôpital (en patient externe) et services sociaux de la mairie. Mais leurs différentes tutelles (Ministère de la Santé pour la NHS, Mairie pour les services sociaux) et donc budget, leur différence d’appréciation des réglementations en place et leur manque de connaissance des moyens et financements disponibles ne donnent pas de résultats satisfaisants pour les patients, qui doivent passer autant de temps à se soigner qu’à s’informer et à se plaindre (j’ai eu l’occasion d’échanger à ce sujet avec plusieurs personnes rencontrées en rééducation).
De plus ces différents acteurs communiquent peu entre eux, et ne transmettent pas les dossiers commencés ou en cours.
Ils vivent dans leur bulle et n’ont pas de vue de la réalité extérieure.

Enfin la décentralisation à la britannique, c’est-à-dire l’application locale d’une législation nationale décidée à Londres, peut générer au niveau du système de santé des résultats différents de ceux attendus en tant que patients (essentiellement dus aux manques de budget et de moyens locaux).

Après avoir expérimenté ces mésaventures, et patienté de longs mois sans obtenir le soutien proposé, nous avons, avec ma femme, porté le dossier devant un médiateur qui, après enquête approfondie, a tranché en notre faveur, et a ordonné aux services sociaux de la mairie de nous verser une compensation pour les délais déraisonnables dans la mise en place du « Direct Payment » et la gêne occasionnée.

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