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Ségur de la santé vu par Ladapt, inclusion et autonomie

Ségur de la santé Anne Festa LADAPT
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À l’occasion du Ségur de la santé, nous avons rencontré Anne Festa, Directrice associative et du développement de LADAPT. Elle nous partage la vision portée par l’association sur les impacts de la loi et les liens nécessaires entre les secteurs sanitaire et médico-social. L’occasion de repréciser la position de LADAPT sur la société inclusive et l’autonomie des personnes.

Quel regard portez-vous sur les résultats du Ségur de la santé ?

Lorsque l’on parle de Ségur de la santé nous pouvons légitimement dire qu’il s’agit de santé et pas uniquement de soin. Mais dans les propos des rapporteurs de la loi, nous décelons une certaine confusion car nous entendons surtout parler de soins. Moi, je veux croire au Ségur de la « santé ». Le débat du Ségur se base sur quatre piliers. En premier lieu, les métiers de la santé qui doivent évoluer et être valorisés. En second lieu, définir une politique d’investissement et à ce titre l’Etat met 19 milliards d’euros sur la table. Il faut aussi simplifier les organisations et fluidifier les échanges. Et enfin, être au plus près des personnes concernées, ce qui implique fédérer sur un territoire donné tous les acteurs nécessaires à l’accompagnement d’un parcours.
Nous devons bien distinguer le soin comme un acte de la santé, qui évoque une notion de parcours. De mon point de vue, ce Ségur de la santé doit être compris dans une approche de parcours. À LADAPT nous sommes mêmes dans une approche de parcours de vie.

Comment mieux coordonner le secteur sanitaire et le secteur médico-social ?

 Si nous reprenons dans les quatre piliers que j’ai évoqués celui de la transformation des métiers, le Ségur propose d’accélérer le déploiement des infirmiers en techniques avancées. C’est effectivement très important car nous devons définir comment des infirmiers pourront à un certain moment délivrer des ordonnances mais aussi faire certains actes sous contrôle de médecins. C’est utile pour le domaine sanitaire comme médico-social. Cela signifie qu’au cœur de nos établissements nous pourront aussi avoir des infirmiers en pratiques avancées qui vont aider à la fluidité des prises en charge et je pense en particulier à l’éducation thérapeutique et aux surveillances de diabétiques…
La nouvelle politique d’investissements en santé est dotée de 19 milliards d’euros sur la partie qui regroupe ville, hôpitaux et médico-social, et c’est ce dernier qui est très important pour nous. C’est en effet là que nous voyons apparaître ce qui est pour nous « la notion de parcours ».
C’est fondamental car une personne peut être atteinte d’une pathologie chronique et développer un handicap, quand ce n’est pas la pathologie qui créée le handicap. Ces investissements seront à la fois sur le soin et sur la santé. À nous d’être très vigilants et présents sur la partie des mises en postures de coordination entre la médecine de ville, le sanitaire et le médico-social.
La simplification des organisations, autre sujet assez lourd en France, concerne d’abord ceux qui font, ceux qui sont sur le terrain. Je parle des professionnels de la santé car ils connaissent bien leurs pratiques professionnelles et peuvent avoir une réflexion très judicieuse comme être d’un immense secours sur la modification des organisations de travail. Ils doivent être associés à ce travail dans un esprit de co-construction.

Quelle feuille de route pour mieux accompagner les personnes en situation de handicap ?

La personne en situation de handicap est concernée par les soins au même titre que tout individu, et que ce soit au niveau des politiques de prévention de santé ou d’une meilleure prise en compte de la santé mentale, le Ségur de la santé doit jouer son rôle. À LADAPT, au-delà de l’accès aux soins, ce que nous revendiquons c’est un recours aux soins et à la santé de façon générale. Les difficultés d’accès aux soins ne proviennent pas d’un problème de connaissance des dispositifs de ceux-ci de la part des personnes handicapées, mais plus souvent de problèmes liés à l’accès physique aux soins et d’une forme d’appréhension de la part des professionnels du milieu sanitaire et la médecine de ville. Comment accueillir, comment prendre en charge, comment accompagner le handicap dans toutes ses formes ? Tout cela n’est pas connu par ces professionnels ! Dans les structures médico-sociales, le problème existe différemment, toutes les personnes n’ont pas forcément un médecin traitant. À LADAPT nous sommes extrêmement vigilants sur ces points avec la volonté en amont d’aller vers la personne et non pas d’attendre une situation critique pour la prendre en charge. Le non-recours aux soins est encore aujourd’hui trop important chez les personnes les plus vulnérables et l’accompagnement psychologique et psychiatrique de ces personnes est embryonnaire. Il faut que cela bouge !

Pour cela nous devons aller au cœur des établissements. Dans les départements il existe des dispositifs que nous devons investir tels que les conférences régionales d’autonomie et de santé, les plateformes territoriales d’appui, etc. qui concernent directement le monde du handicap.

Quels rôles les personnes handicapées doivent-elles jouer dans leur parcours de santé ?

Nous devons aller encore plus loin et pour cela LADAPT a émis des points de vigilance sur lesquels nous porterons une attention sans faille. Parmi ceux-ci, il y a la place et le rôle des personnes concernées dans la gouvernance. Comment les personnes en situation de handicap vont-elles être représentées dans le nouveau ministère de l’autonomie ? Comment leur parole sera-t-elle portée et à partir de quelle captation ? Comment changer de posture pour faire avec ces personnes ? Rappelons-nous le slogan de la première année européenne du handicap en 2003 : « Rien sur nous sans nous ». Tout le monde parle de société inclusive alors il faut y aller ! Les politiques du handicap doivent être réfléchies et co-construites avec les personnes directement concernées.
La crise sanitaire a, quant à elle, fait émerger le rôle décisif du numérique dans les liens entre individus concernés par un handicap comme dans l’accompagnement qui a su évoluer dans ce contexte. Mais cet usage massif des technologies fut aussi l’occasion de constater l’importante fracture numérique qui persiste dans notre pays. Nous devons être attentif à ce que chacun puisse s’emparer de cette technologie numérique, y compris les plus vulnérables. La télémédecine qui entre dans cette réflexion prend de l’ampleur. Elle permet de consulter un spécialiste ou un médecin généraliste depuis son domicile mais elle nécessite pour les plus dépendants ou plus vulnérables d’être familiers avec le numérique ou d’être secondés par un proche ou un aidant. La télémédecine pourrait aussi faciliter l’échange d’avis entre spécialistes et éviter des déplacements à une personne en situation de handicap. C’est une piste à explorer.

Quelle est la responsabilité des professionnels de santé comme du médico-social ?

La crise sanitaire a aussi fait naître le concept des plateformes 360 qui ont pour mission de soutenir et aider les personnes vulnérables et sans solution. En résumé, au sein d’une communauté professionnelle de territoire avec l’appui des spécialistes de la santé et des autres acteurs qui ont des compétences sur le handicap, c’est là que nous pouvons trouver des solutions. Le monde médico-social doit s’accrocher à ces dispositifs et ne pas essayer de tout réinventer. Il faut entrer dans le monde sanitaire qui, lui, commence à s’ouvrir au médico-social. Cela doit se faire avec les personnes en situation de handicap qui sont nettement moins représentées dans le sanitaire que les autres usagers. C’est là un énorme effort que le monde du handicap doit produire : travailler à la co-construction, au cœur de ces espaces, car c’est là qu’il y a la mutualisation de toutes les compétences et de toutes les expertises. Le médico-social a aussi de grandes expertises à apporter et nous le vivons tous les jours à LADAPT, lorsqu’il faut accompagner des personnes dans des parcours de réappropriation de la vie sociale et du travail. Nous rencontrons des cas extrêmes et dans la pratique ce sont ceux qui renseignent la norme. À mon sens, le handicap peut être le modèle de ce qui peut se faire pour le plus grand nombre. Si cette manière de penser était largement appliquée cela ferait grandement évoluer la société. Nous le savons, les mesure prises en faveur des personnes en situation de handicap dans la société, et notamment pour l’accessibilité, profitent à tous les citoyens. La politique de la France qui a consisté à orienter les personnes handicapées dans des structures spécialisées, bien que  bienveillante, doit être revue. En protégeant les personnes handicapées, nous les avons isolées de la société. Je crois d’ailleurs fondamentalement à l’école inclusive sans qu’elle ne mette en danger les plus vulnérables. Il faut avoir une analyse fine des toutes les situations, et maintenir certains établissements afin que l’inclusion à tout prix ne devienne pas maltraitante.

LADAPT agit aussi sur l’autonomie que pouvez-vous nous en dire ?

À LADAPT, nous avons réalisé un travail sur le changement de posture et créé la pédagogie de l’école de la vie autonome. Aujourd’hui nous sommes en phase de pouvoir monter un institut de formation qui reprend la notion du continuum de vie, de vie en société, d’inclusion et nous pourrons proposer les premières formations à partir d’octobre et être opérationnels début 2021. Nous avons rattaché un observatoire sociétal à ce projet pour nous faire évaluer en parallèle et partager les apprentissages, les expertises, les compétences et les bonnes pratiques issues de cette expérience. L’École de Hautes Études en Science sociale a travaillé et collaboré à nos côtés sur ce projet. Grâce à un suivi précis, nous pourrons vous dire prochainement ce que l’école de la vie autonome a su produire sur plus 165 personnes en situation de handicap sorties de nos foyers  d’accueil médicalisés, et devenues aujourd’hui autonomes. Certaines ont trouvé du travail et fondé un foyer malgré un handicap lourd.

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