Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Préjudice d’établissement : L’indemnisation du droit au bonheur

Préjudice d'établissement : L'indemnisation du droit au bonheur
Écouter cet article

La « perte d’espoir » de fonder une famille ou la juste indemnisation du droit au bonheur : focus sur le préjudice d’établissement

Par notre partenaire Handilex. Tous ceux qui ont subi un accident ou qui entourent un proche accidenté le savent : les conséquences d’un accident ne sont pas seulement physiologiques. Elles sont également aussi morales, économiques, professionnelles ou encore familiales et affectives. Sur ce plan, certaines séquelles sont parfois insoupçonnables avant de se révéler invivables. C’est justement ce que couvre le préjudice d’établissement.

Le dommage et l’état séquellaire de victime ont bien souvent une résonance très destructrice dans la vie de couple établie. Un handicap trop lourd à gérer pour le partenaire de vie, un quotidien souvent envahi par la douleur, impactant aussi l’entourage de la victime et un donc bouleversement au sein de la cellule familiale, des impossibilités physiologiques mettant un terme (où complexifiant) les projets pour fonder un foyer.

C’est aussi le cas lorsque le dommage subi par la victime va rendre difficile, voire impossible, le fait de rencontrer l’âme sœur, le bonheur conjugal où la joie d’avoir des enfants. Rencontrer quelqu’un peut s’avérer déjà très difficile alors comment aller vers les autres, vers l’autre quand on est en situation de fragilité ? Est-ce un préjudice ? Est-il indemnisable ? Si le divorce, la séparation peuvent être constatés, comment peut on prédire que l’avenir de telle ou telle victime sera fait de solitude ?

Le droit a pu réussir cette prise en compte aux termes de la nomenclature « Dinthillac » en créant le préjudice d’établissement qui figure au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents, c’est à dire un poste de préjudice personnel, qui s’apprécie après la consolidation de la victime quand son état de santé ne devrait plus évoluer. Ce préjudice se définit par la perte de l’espoir et de la perspective de réaliser un projet personnel de vie, et notamment de fonder une famille, d’élever des enfants, en raison de la gravité du handicap permanent dont reste atteinte la victime après sa consolidation (Cass., 2ème civ., 23 janvier 2019, n°18-10.662 et n°18-12.040).

Un préjudice qui peut intervenir dans de nombreuses situations

On peut se féliciter que les hauts juges de La Cour de cassation ne se soient pas contentés de poser une simple définition mais l’ont également étendu à plusieurs situations, toutes issues de cas d’espèce :

– les cas de séparation ou de dissolution d’une union après le dommage, la perte de chance pour la victime handicapée de réaliser un nouveau projet de vie familiale en raison de son handicap (Cass., 2ème civ., 15 janvier 2015, n°13-27.761).

– lorsqu’une jeune femme en couple au moment de l’accident, résidait toujours chez ses parents (Cass., 2ème civ., 21 janvier 2016, n°15-10.731).

– il ne l’ont pas non plus réduit à la seule impossibilité d’avoir ou d’élever des enfants mais également au souhait rompu d’une vie de couple traduisant également un projet de vie familiale (Cass., 2ème civ., 04 juillet 2019, n°18-19.592).

En pratique, le préjudice d’établissement est apprécié in concreto en fonction de l’âge de la victime et de sa situation réelle. En somme, plus la victime est jeune et le handicap sévère (notamment traumatisme médullaire ou crânio-encéphalique grave), plus la considération de ce chef de préjudice sera importante. N’est pas indemnisée la perte ou l’impossibilité pour la victime d’avoir une vie familiale mais la perte de chance de s’établir en couple ou en famille.

Pour être complet, il convient de préciser que ce préjudice est autonome et ne se confond pas avec le préjudice sexuel (difficulté ou incapacité à accomplir l’acte sexuel), le préjudice d’agrément (difficulté ou impossibilité d’exercer une ou plusieurs activités de loisir) ou encore le déficit fonctionnel permanent (retentissement du handicap dans la vie courante hors de la sphère professionnelle) comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation (Cass, 1ère civ., 14 novembre 2019, n°18-10.794 ; Cass., 2ème civ., 02 mars 2017, n°15-27.523 ; Cass., 2ème civ., 12 mai 2011, n°10-17.148).

Le droit au bonheur dans sa vie personnelle est dû à tout un chacun… à travers la reconnaissance du préjudice d’établissement, il fait l’objet d’une reconnaissance juridique qu’il faut plébisciter.

Yaël ATTAL-GALY Avocate au barreau de Toulouse, trésorière de l’association Handilex Occitanie

Viridiana FERNANDEZ-DELPECH Avocate au barreau de Toulouse, membre du conseil de l’Ordre, secrétaire générale de l’association Handilex Occitanie

Jean-Armand MENGLE fondateur Handilex

Ces articles pourront vous intéresser :

Facebook
Twitter
LinkedIn
E-mail

Commentaires