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PCH : L’assouplissement des modalités d’attribution officiellement adopté

PCH : L’Assemblée vote un assouplissement des modalités d’attribution
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L’Assemblée nationale avait adopté, le 15 janvier dernier, une proposition de loi dans le but d’assouplir les modalités d’attribution de la PCH. Le Sénat a finalement adopté définitivement la proposition de loi le 26 février dernier ! Un changement majeur puisque ce texte supprime la barrière des 75 ans et crée un droit à vie. Il clarifie également les modalités du contrôle par le conseil départemental.
Dans ce cadre, Philippe Mouiller, sénateur des Deux-Sèvres qui a co-écrit le texte, a répondu à nos questions.

Le 15 janvier dernier, les députés avaient adopté à l’unanimité une proposition de loi pour améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap (PCH). Ce texte, qui doit notamment assouplir les modalités de contrôle et d’attribution de cette prestation destinée aux personnes handicapées, a été adopté définitivement le 26 février dernier !

Philippe Mouiller, sénateur des Deux-Sèvres, membre de la commission des affaires sociales du Sénat et président du groupe handicap de cette commission, se réjouit du vote des députés et des sénateurs. Co-auteur du texte, il souhaite simplifier la vie des personnes en situation de handicap et aller encore plus loin dans les futures propositions.

Quels sont les principaux changements prévus par cette proposition de loi ?

Cette proposition de loi améliore l’accès à la PCH à trois égards.

D’abord, elle donne de nouveaux droits : en supprimant une barrière d’âge qui empêchait les personnes de plus de 75 ans de bénéficier de la prestation, ou en attribuant la PCH à vie pour ceux dont le handicap est irréversible.

Ensuite, elle simplifie les démarches des bénéficiaires : en assouplissant ses modalités d’attribution, de contrôle, et en clarifiant enfin la loi pour rendre opérationnels les fonds départementaux de compensation du handicap, créés pour diminuer le reste à charge des personnes handicapées.

Enfin, elle amorce la réflexion autour des sujets à mon sens les plus importants désormais, notamment celui du transport des personnes handicapées.

Pourquoi cette proposition de loi sur l’accès à la PCH est-elle importante pour vous ?

Je pense que c’est un premier pas pour montrer la détermination collective du Gouvernement et des parlementaires à faire changer les choses et pour améliorer les conditions d’accès à la prestation de compensation du handicap (PCH). C’est une dynamique qui commence. D’autant plus que l’on attend un certain nombre d’annonces le 11 février prochain à l’occasion de la réunion du Conseil national du handicap (CNH).

Cette proposition de loi a été nourrie par plusieurs parlementaires. Cela fait à peu près un an que je travaille sur les évolutions plus globales de la PCH, et cela m’a donné l’occasion d’avoir un véhicule législatif pour commencer à faire évoluer la PCH par la loi. Ensuite, l’Assemblée nationale l’a votée. J’étais assez heureux d’avoir l’opportunité de valoriser le travail qui a été fait et qui est né de grandes concertations avec beaucoup d’associations et de personnes concernées.

Pensez-vous qu’il y a une vraie prise de conscience au niveau du handicap ?

Oui, mais ce n’est vraiment que le début d’une refonte plus globale qui doit être faite, et aujourd’hui je pense que tout le monde est conscient à la fois de ce qui doit être amélioré et des enjeux. Après, il y a encore des interrogations au niveau juridique et budgétaire.

Pour moi cela lance une dynamique. J’espère que, dans la foulée du 11 février prochain, lors du CNH, les choses vont s’accélérer et que nous pourrons bâtir, avec les associations, les élus et le Gouvernement, une future PCH plus adaptée, modernisée, et surtout qui corresponde mieux aux attentes des personnes concernées.

La proposition vise à assouplir les modalités de contrôle d’attribution de la PCH. Quelles sont ces modalités et en quoi vont-elles être assouplies ?

D’une part, l’idée est d’avoir une période de contrôle de l’usage de la prestation beaucoup plus longue, au minimum de 6 mois, qui permettrait de servir une aide plus adaptée à la vie des personnes concernées, qui a les fluctuations que l’on connait. Aujourd’hui,  un moindre besoin de PCH pendant quelques semaines pour cause d’absence, de vacances, ou d’hospitalisation peut conduire à ce que l’on vous demande de rembourser les sommes non utilisées pendant le mois concerné. A l’inverse, il y a des périodes où les besoins sont plus importants !

D’autre part, dans le droit actuel, lorsqu’il y a une difficulté, il y a un « couperet » qui tombe et vous devez rembourser la totalité de la PCH. Avec cette proposition de loi, la demande de remboursement d’un trop-perçu ne pourra porter que sur les sommes qui auront été effectivement dépensées. Et il y a parfois des erreurs, non intentionnelles ; cela exige que l’on ne pénalise pas trop la personne qui serait impactée par cette situation.

Une précision encore : la décision du conseil départemental de récupérer une somme versée sera temporairement suspendue si le bénéficiaire forme une réclamation. C’est un détail plus protecteur pour les personnes handicapées.

La barrière des 75 ans pour faire une demande de PCH va être supprimée. Que se passait-il avant pour les personnes ne bénéficiant pas de la PCH à cause de leur âge ? Qu’y aura-t-il de plus maintenant ?

Dans le droit actuel, la PCH doit être demandée avant 60 ans, mais peut l’être avant 75 ans si le handicap a été reconnu avant 60 ans. Ces seuils procèdent d’une vision cloisonnée des politiques de soutien à l’autonomie : à 60 ans, alors que vos besoins sont là, on vous fait basculer dans les politiques de prise en charge du vieillissement, avec des aides et des outils qui ne sont pas forcément adaptés au handicap.
Avec la proposition de loi, il n’y aura plus de barrière d’âge pour demander la PCH, sous réserve, toujours, que le handicap ait été constaté avant 60 ans. Ce n’est qu’un premier pas parce que mon souhait serait d’enlever complètement toutes les barrières. En effet, ce n’est pas l’âge qui vous donne un droit à la compensation, c’est surtout le fait d’en avoir besoin.

D’après vous, combien de personnes supplémentaires vont pouvoir bénéficier de la PCH après la suppression de l’âge barrière ?

Selon les estimations, il y aurait environ 9 000 bénéficiaires potentiels de la PCH de plus de 75 ans.

Sous quelle forme se fera la reconnaissance du droit à vie pour les personnes lourdement handicapées ou les personnes dont le handicap ne connait pas d’évolution favorable ?

La formulation technique reste encore à définir. Il reviendra à l’administration de mettre cette avancée en musique. Pour moi, c’est sans doute une des mesures les plus importantes de ce texte, qui dispense les personnes handicapées de refaire, tous les 5 ans, voire tous les 3 ans, un dossier de demande de PCH. Avec le droit à vie, il n’y aura pas besoin de refaire un dossier. Il faut savoir que ce sont des dossiers lourds : il faut de nouveau démontrer des choses qui sont connues alors que c’est complètement absurde, il faut faire appel à un médecin… Donc, à présent, on fait sauter cette contrainte, de façon à ce que vos droits soient définitifs.

Cela étant, et c’est aussi important, la personne pourra continuer à solliciter la MDPH pour bénéficier d’une révision de sa prestation selon l’évolution de sa situation. L’idée est de conserver le lien entre les MDPH et la personne concernée. Mais surtout qu’on lui simplifie la vie sous l’angle administratif.

Est-ce que cette reconnaissance va s’appliquer aux autres documents, comme la carte de stationnement par exemple ?

Le texte ne concerne que la PCH. On a déjà fait évoluer les choses lorsqu’on a voté la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, notamment pour la RQTH, qui peut désormais être attribuée à vie dans certains cas, ou la carte mobilité inclusion mention « invalidité ». Au fur et à mesure, on augmente dans tous les domaines les possibilités d’avoir des droits à vie lorsque vous avez un handicap qui, malheureusement, n’évoluera pas favorablement.

Pour l’instant nous en restons à ces deux idées : simplifier les démarches administratives et, lorsque c’est possible, accorder des droits à vie. C’est aussi une initiative du Gouvernement. Aujourd’hui, Sophie Cluzel est dans cette démarche de simplification et d’amélioration des droits.

La proposition de loi évoque la mise en place d’un comité stratégique qui mettra en place des mesures pour faciliter la mobilité des personnes handicapées. Qui ferait partie de ce comité ?

Il faut qu’on en discute. Mais vous aurez forcément autour de la table l’administration, les conseils départementaux, et surtout des représentants des associations, car toutes ces personnes sont susceptibles d’intervenir à un moment ou un autre.

À l’origine, j’avais travaillé sur un texte concernant la simplification de la mobilité pour les personnes handicapées. Je prends l’exemple des enfants parce que c’est peut-être le plus compliqué : la prise en charge administrative et financière du déplacement de l’enfant handicapé est liée à l’établissement qui l’accueille. Si votre enfant est scolarisé, c’est le service du département qui prend en charge les déplacements. Si l’enfant a un rendez-vous chez un spécialiste, c’est l’assurance maladie qui prendra en charge ces déplacements. Selon la nature et la destination de votre déplacement, cela pourra ouvrir ou non un financement, mais à chaque fois avec des démarches complexes et des dossiers à remplir.

Donc on voit bien qu’aujourd’hui, s’il y a un point d’amélioration qui est nécessaire et urgent, notamment lorsqu’on veut mettre en place une société inclusive, c’est rendre la vie des personnes handicapées beaucoup plus simple, à la fois dans la gestion et l’organisation de ces déplacements.

Au début, j’avais proposé de redonner cette compétence aux départements, puisqu’ils ont un service de gestion de la mobilité pour les personnes handicapées, notamment autour de la scolarisation. C’était dans la négociation avec le Gouvernement. Mais nous avons encore besoin de bien clarifier ce point. L’objet de ce comité stratégique sera justement de proposer des solutions de simplification et d’efficacité concernant la mobilité des déplacements.

Comment fonctionnera ce comité stratégique ? Et dans quelle situation pourra-t-on le solliciter ?

Ce comité fera des propositions, dont on discutera avec les usagers au fil des sessions et des difficultés rencontrées. Il arrêtera une ligne de conduite, un vrai projet d’amélioration de la mobilité et, en fonction de la nature du problème, cela se fera soit par voie de négociation, soit par voie de décret, soit éventuellement par voie législative.

On a tous fait des constats de difficultés. Par exemple, dans ma commune, vous avez dans la même famille deux enfants handicapés qui se rendent dans la même ville. Mais comme ils ne vont pas dans le même établissement, ils n’utilisent pas le même transport l’un et l’autre. Pourtant, ils partent de chez eux à la même heure, pour aller dans la même ville, et comme ce sont deux services de transports différents, cela relève également de deux financements différents et de deux organismes différents. Maintenant, il faut qu’entre les partenaires et les acteurs, on puisse dire qui s’occupe de quoi et qui finance quoi. C’est pour cela que vous avez besoin à la fois de l’assurance maladie, des départements, de l’État  et des gestionnaires de transport, pour qu’on puisse trouver la meilleure solution.

Ce comité stratégique s’occupera aussi de l’adaptation du droit à la compensation du handicap pour les enfants. Cela peut surprendre…

Au départ, le comité devait globalement s’occuper de la mobilité parce que c’est l’urgence, même si tout est urgent. Mais il se trouve qu’à travers les études de cas que nous rencontrons, les difficultés les plus importantes concernent les enfants. Donc on va intégrer toute la problématique des enfants et de là, dès lors qu’on réunit tous les acteurs, on pourra en profiter pour refaire un point plus général sur la prestation de la compensation pour les enfants.
On se rend compte qu’il y a des lacunes, des chances qui ne sont pas mobilisés, et différentes sources de financement assez complexes. On va profiter de cette dynamique pour traiter ces deux sujets-là. On aurait pu faire des comités différents, mais désormais, pour éviter l’inflation des instances administratives, la création de nouveaux organes impose d’en supprimer d’autres… Les enfants ne sont pas un sujet mis à part mais complémentaire.

Bien que la proposition de loi sur la PCH ait été votée, trouvez-vous qu’il y ait d’autres choses à améliorer ? Avez-vous des projets en tête ?

Selon moi, il y a encore beaucoup de sujets à aborder. Je ne vais pas tous les énumérer mais je vais citer les principaux pour moi.

D’abord, continuer en matière de simplifications administratives.

Il y a ensuite la question du périmètre des aides, humaines ou techniques. Certaines aides techniques ne sont pas prises en charge par la PCH, car la liste des aides techniques est ancienne, trop ancienne d’ailleurs. Les aides techniques en matière de domotique et de nouvelles technologies, par exemple, devraient être considérées.

Il y a aussi des difficultés à attribuer les aides humaines nécessaires pour certains handicaps – je pense au handicap psychique, par exemple. Il faut remettre à plat et revoir le champ d’action de la PCH.

Et puis il y a l’aspect financement qui n’est pas à niveau, puisque les règles n’ont pas évolué depuis plus de 10 ans. Il faut mettre à jour ces règles de financement et de prise en charge. Rappelons que la prestation de compensation du handicap est là pour compenser, financièrement parlant, les besoins qui sont liés au handicap. Aujourd’hui on se rend bien compte que le reste à charge, dans beaucoup de domaines, est beaucoup trop important pour les familles. Donc il faut qu’on ait un débat, entre l’État et les départements, sur la prise en charge financière de la compensation du handicap.

Il y a d’autres sujets mais la mobilité, les aides techniques, le financement, la simplification administrative, cela fait déjà beaucoup de sujets.

Avez-vous quelque chose à ajouter ?

En conclusion, je vais reprendre ce que j’ai dit en introduction : l’objectif est de concrétiser une démarche collective des parlementaires, de l’Assemblée et du Sénat, avec le soutien du Gouvernement.

Mais aujourd’hui, on est vraiment au début du chantier. Je considère que c’est une belle dynamique en début d’année 2020 d’avoir voté ce texte-là. On attend beaucoup des annonces du Gouvernement et du Président de la République le 11 février prochain (date du 15e anniversaire de la loi Handicap de 2005). Ce que j’espère d’ailleurs, c’est qu’on puisse, dans les mois qui viennent, avancer pour faire en sorte d’adapter la PCH aux besoins des personnes handicapées. C’est une première étape mais il faut maintenant continuer. À titre personnel, j’ai bien l’intention de continuer à mener ce combat-là pour les personnes handicapées.

Propos recueillis par Camille Romand.

Vous pouvez consulter ici l’intégralité de la proposition de la loi sur la PCH.

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