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Para canoë : Découvrez le portrait de Manon Doyelle

Portrait de Manon Doyelle para canoë
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Manon Doyelle : « Contribuer à développer le para canoë et le faire connaître au plus grand nombre »

Rencontre avec Manon Doyelle, 28 ans, maman d’une petite fille de 7 ans, athlète en kayak course en ligne para canoë et athlétisme fauteuil.

Organiser des événements, aider les autres, participer… voilà ce qui anime Manon depuis le plus jeune âge ! Elle commence le bénévolat associatif et culturel à 14 ans. Une autre passion la porte : le sport. Enfant, elle rêve devant la télévision qu’elle organisera un jour une cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Alors qu’elle se fait une place dans le milieu associatif local et poursuit des études supérieures, sa vie se transforme radicalement, au mois de juillet 2009. Elle a alors 20 ans.

« Mon handicap est survenu brutalement. J’étais malade depuis quelques années, sans connaitre l’origine exacte des symptômes. Un soir, en travaillant lors de la préparation d’un festival, je n’ai pas pu me relever. Le lendemain j’étais en fauteuil roulant. Cela a été d’autant plus difficile du fait que je n’ai su que trois ans plus tard pourquoi cela m’arrivait ». Manon découvrira alors qu’elle est touchée par trois maladies : une syringomyélie placée en cervicale et qui agit sur ses quatre membres ; une maladie de Westphal qui lui cause une paralysie périodique hypocaliémique ; et une maladie cœliaque très poussée, ainsi que des allergies multiples, entraînant une malnutrition sévère.
Mais pas le temps de digérer l’arrivée de son fauteuil roulant, Manon apprend dans la foulée qu’elle est enceinte. En très peu de temps, la vie de Manon a radicalement changé. Elle entame sa reconstruction, malgré les questions qui persistent sur l’origine de son handicap.

« J’ai continué une vie de valide en étant assise, sans être passée par des centres de rééducation, j’ai appris seule à être handi. Durant les quatre premières années, j’ai refusé de me considérer comme porteuse d’un handicap et n’ai côtoyé personne en fauteuil. Un raisonnement qui m’a privé d’un échange d’expériences pourtant utile à l’acceptation de cette condition.
Alors qu’elle avait interrompu ses études après une licence en Arts du spectacle en 2009, elle décide de les reprendre deux ans plus tard et fais un bachelor en médiation culturelle puis une année de master en Management et ingénierie de projets culturels.

« Je voyage seule »

C’est en 2013, lors d’un travail de recherches pour son mémoire que Manon décide de reprendre le sport, en se mettant au défi.

« Je suis partie au Centre d’études olympiques de Lausanne, premier voyage seule depuis l’arrivée de mon fauteuil. Sur le retour, nous avons eu un dysfonctionnement sur la ligne Sncf. Des voyageurs ont dû m’aider à descendre et l’un d’eux m’a demandé, surpris, comment je pouvais voyager aussi chargée et où était mon accompagnant. Je lui ai montré comment je faisais et après lui avoir expliqué que je me débrouillais seule il m’a répondu « mais vous êtes autonome ! ». Un mot que j’attendais d’entendre depuis 4 ans. L’étonnement et la réaction de cet homme ont été le déclic de l’acceptation de mon handicap ».

Le lendemain, alors que je commençais à travailler comme bénévole sur les Mondiaux d’athlétisme handisport, j’ai annoncé à mon conjoint, ma volonté de partir faire le Tour du lac Léman en fauteuil, seule. Une envie me mettre au défi et de prouver à mon entourage que je n’étais pas seulement la malade qu’ils voyaient, mais bien la même personne passionnée et volontaire qu’avant mon handicap. Un nouveau départ, pour réaliser des projets sportifs et d’aventure, qui sommeillent depuis l’arrivée de son fauteuil et la naissance de sa fille.

Manon se donne deux ans pour monter ce projet et retrouver une bonne condition physique. Heureux hasard, un ami lui parle d’un appel à projet qui vient de paraître : « Réalise ton rêve de sportif avec le team EDF ». Opération qui propose une aide à la réalisation d’un projet et un parrainage de sportifs renommés. Son projet est retenu, avec pour parrain principal Tony Estanguet.

Manon met à profit ses compétences en gestion de projet et crée une association support, qui servira ensuite à porter les autres projets autour du handicap et de l’inclusion sociale, auquel elle pense depuis quelques années. Avec l’arrivée d’EDF elle a 9 mois pour se préparer physiquement, tout en assurant la coordination logistique, la recherche de sponsors, la mise en place d’une équipe etc. Ce projet couronné de succès, restera une étape importante dans la vie de Manon : « L’idée était de faire le tour du lac Léman sans jamais utiliser de moyens motorisés, y compris lors des étapes, où je me rendais à l’hôtel en fauteuil manuel. Cette expérience a été un tremplin pour ce que je fais aujourd’hui ».

Manon s’épanouit à nouveau quand un nouveau coup dur survient : sa maladie gagne progresse, atteignant les membres supérieurs et anéantit le travail réalisé jusque-là pour retrouver son autonomie et ses capacités physiques. « Cela a été très dur. C’était comme une deuxième rupture dans ma vie. Malgré toute ma volonté pour aller de l’avant et m’en sortir, la maladie reprenait toujours le dessus ».

La révélation pour le para canoë

Contrainte d’arrêter un temps l’athlétisme, elle maintien une préparation physique pour ne pas perdre les bénéfices musculaires récemment acquis, tout en cherchant un sport compatible avec ses envies et l’interdiction absolue de ressentir des chocs dans la moelle épinière. Une liste restreinte mais salutaire. Manon redécouvre le kayak, un sport nautique qui la tentait depuis longtemps sans oser pratiquer. Après s’être testée sur la Lyon Kayak, une course de 14 km, elle s’inscrit en octobre 2016 dans le club organisateur, le CKLOM. Le para canoë est alors pour elle une révélation.

« J’ai adoré. J’ai retrouvé le contact avec la nature que je connaissais en équitation, être sur l’eau m’apaise. C’est un esprit familial dans lequel le handicap est oublié. Bien que je sois la seule pratiquante para-ceiste (course en ligne en kayak ou para canoë) de mon club, j’ai la chance d’être bien entourée sportivement et de connaitre une progression rapide dans cette discipline encore jeune et nouvellement paralympique, depuis Rio ».

Ainsi, Manon obtient des résultats plus qu’encourageants en remportant deux titres de championne de France en 2017. Elle s’entraîne six jours sur sept, une à deux fois par jour, dans l’optique d’entrer en équipe de France et de se rapprocher de son objectif de sélection aux prochains Jeux paralympiques de Tokyo.

Dans la même période, elle rencontre des difficultés professionnelles, étant victime de harcèlement sur son lieu de travail. Le para canoë, tout comme son entourage au sein du club, est alors un véritable élément salvateur qui l’aide à faire face et à s’en sortir. Cela renforce sa passion et sa volonté de s’impliquer au service de cette discipline. Elle s’investit rapidement dans la vie de son club comme bénévole et membre du comité directeur et souhaite contribuer activement au développement de la discipline du para canoë en région Auvergne-Rhône-Alpes.

En parallèle, alors que Manon a quitté son emploi, sa passion pour le sport l’a également amenée à mûrir un nouveau projet associatif, en cours de réalisation : elle a renommée l’association Eau Tour de Manon pour la baptiser « WHEELP », en référence à « Wheel » comme roues en anglais, et « Help » comme aide.
Une image très positive sur le handicap, telle qu’elle la voit avec son fauteuil : « Il n’est pas une contrainte, au contraire. Il me permet de mieux vivre, je l’ai transformé en opportunité et souhaite que cela réussisse aussi à d’autres ».

L’objectif de cette association est de porter des projets pour aider les personnes atteintes de toutes formes de handicaps, même si la déficience moteur reste privilégiée dans un premier temps. C’est aussi une structure inclusive qui s’adresse tant aux valides qu’aux handi, sans différenciation.

Ainsi l’association WHEELP poursuivra trois grands buts déjà amorcés par ETDM :
– La sensibilisation au handicap, en milieu scolaire dès la maternelle et en entreprise.
– L’accompagnement de porteurs de projets sur et autour des domaines du handicap, de l’accessibilité et de la reconstruction des personnes fragilisées ou en situation d’exclusion.
– L’organisation et la création de projets sportifs et handi sportifs qui sortent de l’ordinaire, pour sensibiliser les valides, créer des synergies, mais surtout pour aider les autres à accepter leur handicap, à gagner en autonomie et à renforcer une image bienveillante d’eux même … avec une attention particulière portée aux nouveaux handi, notamment ceux atteinte de pathologies ne leur permettant pas d’être pris en charge par des centres de rééducation.

Impliquée dans la vie associative et municipale locale, Manon fait partie de commissions travaillant dans les domaines de l’accessibilité, une thématique dans laquelle elle souhaite œuvrer activement.

En décembre, Manon a été nommée Conseillère régionale, en tant que « personnalité qualifiée concourant au développement régional » par le préfet de région, et siège au CESER (Conseil économique social et environnemental régional) pour la mandature 2018/2023.  Dans cette deuxième instance régionale, elle travaille notamment sur les sujets de la solidarité, de l’inclusion sociale, du handicap, du sport, de la culture et de la jeunesse ainsi que sur les coopérations internationales et l’Europe.

Son avenir proche, Manon le voit ainsi : « Ma fille, le kayak, Wheelp et le CESER ». Elle a également repris l’athlétisme et fais quelques compétitions pour le plaisir.

En photo : Au centre, Manon Doyelle et son partenaire de binôme, Loris Duschene, sur le podium du K2-200 m lors des Championnats de France de Vitesse le 15 juillet 2017 à Vitré.

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