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Médias et handicap : Œuvrer pour une cité inclusive

Charles Gardou colloque médias et handicap
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Le 30 mai dernier avaient lieu à l’Université Lyon 2 un colloque sur le thème médias et handicap dans le cadre de la démarche inclusive des personnes handicapées. Une question sociétale et cruciale que de nombreux intervenants des médias ont abordé dans fausse barbe. La journée se poursuivait par la 1ère édition des Trophées Lumières de l’Entreprise Inclusive destinées à mettre en avant des entreprises qui ont une politique exemplaire dans le domaine de l’inclusion professionnelle de personnes handicapées.  Nous avons donné la parole à Charles Gardou Professeur à l’Université Lumière Lyon 2 et chef d’orchestre de cette journée qui s’est soldée par un véritable succès.

Pourquoi un colloque intitulé “Le handicap au prisme des médias : quelle optique inclusive ?”
Parce que les médias, qu’il s’agisse de la télévision, de la radio, de la presse écrite ou des nouveaux médias, ont un potentiel d’influence jamais égalé dans notre histoire. De sorte qu’ils sont à même de contribuer, de manière décisive, à un changement d’attitude -et d’altitude- face au handicap. On attend d’eux qu’ils jouent un rôle de vigies : à bord d’un navire, les vigies sont justement chargées de surveiller l’horizon ; à terre, de scruter le large et de faire des signaux. Si les médias ne peuvent évidemment pas changer chacun des membres de notre société, il leur est possible de dessiner un autre horizon et de donner envie de cheminer vers lui. Ils peuvent aussi remédier à nombre d’ignorances, auxquelles les personnes en situation paient un lourd tribut. Car on fantasme les réalités de vie des personnes en situation de handicap de ne pas les connaître. On croit encore trop de choses fausses, qui se diffusent, et on en ignore trop de vraies. Et le pire est qu’on s’y habitue.

Les professionnels des médias ont-ils réagi favorablement à votre invitation sur ce thème médias et handicap ?
Les médias ont répondu positivement à notre invitation et se sont fortement impliqués dans les débats. Nous avons ainsi bénéficié de la présence et/ou du partenariat de France Télévisions, TF1, TLM, Le Progrès, Média Pi, handicap.fr, Vivre FM… Et, bien sûr, de celle de HANDIRECT média expert handicap.
Sous la houlette d’Elsa Grangier, journaliste à France télévisions et spécialiste des questions de société, les professionnels des médias ont pu confronter leurs points de vue avec ceux d’usagers des médias, de chercheurs, d’écoles de journalisme et d’une représentante du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, en l’occurrence, Mémona Hintermann-Affejee, qui préside l’Observatoire de la diversité.

Que retenez-vous d’essentiel de ce colloque ?
Je retiens avant tout cette confrontation des points de vue dans des débats nourris, où nous avons entendu – ou mieux écouté- celles ou ceux qui sont trop souvent dépossédés du droit à l’expression. Telle est d’ailleurs la condition sine qua non d’une Cité inclusive.
Ces débats ont montré qu’un partage équitable de l’espace médiatique exige la remise en cause de formes d’asymétries, d’exclusivités et d’exclusions, qui ne se reconnaissent pas et ne se qualifient pas comme telles. En effet, certains citoyens sont aimés, semble-t-il, par les fées médiatiques. Le monde des médias paraît leur appartenir. Ils peuvent y entrer sans avoir à chercher la clé et ils sont écoutés. Pour d’autres, apparemment mal nés, rien n’est facilité. C’est de haute lutte qu’ils acquièrent leur droit à l’expression, à la communication et, en plus, ils s’en sentent parfois gênés.
Ce type d’exclusivité médiatique entretenue, qui représente une forme de maltraitance, va à l’encontre même des engagements souscrits par la ratification, il y a 8 ans déjà, de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées.
Notre société a besoin de professionnels des médias formés pour traiter la question du handicap, de façon équitable, éclairée et éclairante. Ce colloque les a invités, nous a tous invités (car c’est l’affaire de chacun) à une responsabilité effective : à la fois éducative, sociale, politique, morale et scientifique.

Que retenez-vous de ces échanges et, surtout, qu’en attendez-vous ?
Parmi bien d’autres points abordés, je mettrai en lumière la question essentielle de la formation. Pour une réelle prise en compte de la diversité dans les médias et la lutte contre les discriminations persistantes, il reste à agir dans les lieux de formation et de recherche (écoles de journalisme, écoles d’audiovisuel, Facultés) et à reconsidérer la formation initiale des professionnels des médias. La formation est une force progressiste.
C’est ainsi que l’on pourra remédier à des formes de rétrécissement de confinement des espaces de communication, qui empêchent certaines destinées humaines de s’exprimer et de se déployer. Puissent les professionnels des médias (télévision, radio, presse écrite, nouveaux médias) faire leur le slogan de cette journée : La Cité inclusive comme horizon.

Le colloque médias et handicap s’est prolongé par la première édition de Trophées Lumière de l’entreprise inclusive.
Pourquoi avoir créé ces Trophées au sein de l’Université ?
L’ambition de ces Trophées est de valoriser les entreprises, privées ou publiques, qui développent des politiques et des actions innovantes permettant aux personnes en situation de handicap d’exercer, de manière effective, leur droit à une vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres. Aussi a-t-il été question d’accompagnements, d’adaptations, de compensations, d’aménagements de poste, de conditions de travail ou d’horaires, de formation, de partenariat avec les secteurs protégés ou adaptés, de professionnalisation de la Mission handicap et de la fonction de Référent Handicap, d’innovations RH, etc.
La cérémonie de remise  a réuni le monde de la recherche, de la production de savoirs et le monde social, économique de production de biens ou de services. Trop longtemps, ces mondes se sont ignorés, évoluant de manière séparée. L’opportunité leur est offerte de penser et d’agir de concert. On ne saurait effectivement concevoir seul, ni dans l’entreprise, ni à l’Université, les dispositifs, mesures, politiques, accommodements, étayages que requièrent l’accès à l’emploi, le maintien en poste et l’évolution professionnelle des personnes en situation de handicap. Il est primordial que les Universités et les entreprises tissent des liens équilibrés, respectueux de leurs missions respectives, propices à une co-définition des attentes, besoins et moyens à mettre en œuvre.

Les entreprises se sont-elles volontiers mobilisées ?
Les candidatures nous sont parvenues de toutes régions et des partenariats, dont celui de dès la première heure de HANDIRECT média expert handicap, ont permis cette première édition. Permettez-moi de remercier toutes les entreprises ou associations qui nous ont fait confiance, avec une mention spéciale à l’Union Nationale des Entreprises Adaptées (UNEA), sans laquelle cette 1ère édition n’aurait pas pu voir le jour et à la Société Générale qui lui a emboîté le pas.
Nous avons également bénéficié du soutien de Madame Sophie CLUZEL, Secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre, chargée des personnes handicapées, qui est marraine de ces Trophées, et de Madame Muriel PENICAUD, Ministre du Travail, qui a également accordé son haut patronage.

Au travers de ces Trophées, que souhaitez-vous transmettre ?
Il s’agit d’amener à coopérer, interagir. La chose n’est pas spontanée, il faut la provoquer : c’est l’un des objectifs de ces Trophées y invitent. La coupure entre les mondes de la formation et du travail, avec des processus d’accaparement, ne peut plus avoir cours. Il empêche d’aller vers une société inclusive, refusant que perdurent, à l’Université ou dans l’entreprise, des discriminations liées à des défauts d’adaptation.
Là où des personnes en situation de handicap subissent l’exclusion professionnelle, là où le droit à « faire œuvre » ne leur est pas accordé et les conditions de son exercice aménagées, c’est leur existence même qui est menacée par privation de participation à la vie de leur communauté d’appartenance. Cette exclusion, qui les voue au désœuvrement, elles la paient ainsi au prix fort. D’une certaine façon, on leur rogne les ailes avant qu’elles n’aient la possibilité de les déployer.
Or, une société inclusive (j’allais dire une société décente) ne peut pas se construire avec des institutions politiques, formatives ou économiques, des comportements et des usages qui marginalisent ou rabaissent certains citoyens, pour cause de blessure de leur corps ou de leur esprit.
Il faut que ça bouge : nous le voulons tous et, en dépit d’une marche laborieuse, les choses avancent. Doucement mais elles avancent : les réalisations inclusives des entreprises en attestent.

Quelle suite imaginez-vous sur cette question médias et handicap ?
Sénèque disait qu’ «il vaut mieux ne pas commencer que de cesser». Plus de 20 siècles après,  c’est toujours vrai. Les bases sont posées, à nous tous, ensemble, de faire grandir ces Trophées, que nous pensons ouvrir à des candidatures hors frontières. L’édition 2019 nécessitera des ressources humaines et matérielles plus importantes, une médiatisation plus aboutie, de nouveaux partenaires, une cérémonie de remise mieux scénarisée. Toutes les entreprises, des plus grandes aux plus petites, seront bienvenues.
En attendant, il est possible de revoir les films réalisés par Lyon Média City, en lien avec les entreprises lauréates, de même que le descriptif des réalisations primées sur le site : www.tropheeslumiereei.fr
Rendez-vous donc au printemps 2019 et Vive la Cité inclusive comme horizon !

Les entreprises Lauréates du Trophée 2018
7 entreprises ont été distinguées pour leurs réalisations inclusives
 : de la multinationale à la micro-entreprise. Voici les lauréats selon les familles d’entreprises : Grandes entreprises et entreprises intermédiaires : Schneider Electric France (Ruel Malmaison) et STMicroelectronics (Grenoble) ; PME/PMI : Okeenea (Champagne-au-Mont-d’Or) ; Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire : SAS Bureau Gestion Conseil 31 (Toulouse) ; Entreprises non assujetties à l’obligation d’emploi, dont les micro-entreprises : Halppycare (Lyon) ; Trophées Coups de cœur : Novandie-Andros  (Auneau en Eure-et-Loir) et Le Jardin Pêcheur Garonne (Bordeaux). Nous espérons que ces réalisations se diffuseront et se démultiplieront.

 En photo : Charles Gardou – Médias et handicap

 

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