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Matériel adapté au handicap : Toolib facilite la location entre particuliers

Matériel adapté au handicap : Toolib facilite la location entre particuliers
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Toolib : Une plateforme de location de matériel adapté au handicap entre particuliers, pour toutes les personnes qui ont besoin d’adaptation au quotidien

Guillaume Boulaton, 38 ans, est l’un des trois cofondateurs de Toolib, plateforme de services en ligne sur laquelle il travaille depuis 2 ans avec Vincent Moalic et Davy Ferreira. Cette nouvelle application permet à des particuliers de louer entre eux des logements et du matériel adapté au handicap. Elle s’adresse aux personnes en situation de handicap et à leurs aidants..

Racontez-nous votre parcours.

J’ai d’abord été ingénieur informaticien dans un organisme d’État, à la sécurité informatique et au développement informatique. Je suis ensuite parti dans un autre organisme d’État dans la surveillance de la qualité de l’air, pendant 9 ans. J’ai quitté cet emploi quand j’ai créé Toolib car je me rendais compte que cela prenait plus d’ampleur que ce que j’avais imaginé. À l’origine, mes deux associés et moi, devions le développer à côté de nos travails respectifs.

Pouvez-vous présenter votre application Toolib ?

Toolib est une plateforme de particulier à particulier qui permet de louer du matériel adapté au handicap. Tout est assuré et sécurisé par des ergothérapeutes, pour être sûr que les personnes qui cherchent une location en ont vraiment besoin.

Pourquoi avoir créé cette application ? D’où vous est venue l’idée ?

Ma marraine, Fernanda, est paraplégique. Elle a tout le matériel adapté qui lui faut chez elle pour vivre correctement mais ne l’utilise que rarement. En moyenne, elle ne sort sa voiture qu’une fois par semaine. Par contre, quand il s’agit de sortir, elle a des problèmes de mobilité ou pour trouver un logement adapté à son handicap.

Il y a 3 ans, je suis allé à Porto avec ma copine. Comme ma marraine est portugaise, je lui ai bêtement demandé si elle connaissait des adresses de restaurants sympas, des musées à visiter… Mais elle m’a expliqué qu’elle n’avait jamais pu retourner au Portugal, même si la moitié de sa famille habite là-bas, parce qu’en étant en situation de handicap, c’était trop dur de trouver un logement réellement adapté à ses besoins. Ma marraine m’a expliqué que le seul moyen serait d’aller chez quelqu’un qui a le même logement qu’elle, avec les mêmes besoins et des adaptations, pour être sûre de pouvoir vivre correctement et de ne pas avoir une mauvaise surprise. Elle m’a aussi averti que même si nous lui trouvions un logement, elle n’aurait peut-être pas de véhicule là-bas qui serait adapté à son handicap, ni de matériel pour se déplacer, comme une aide à la motricité. Porto étant une ville très vallonnée, elle ne pourrait ni aller voir sa famille, ni se déplacer ou sortir. Elle avait peur de gâcher nos vacances. Nous avons cherché des solutions pendant deux mois mais nous n’avons rien trouvé. Nous avons dû partir sans elle…

C’est ce qui a lancé le début de votre réflexion…

Oui, en revenant, nous nous sommes dit que ce n’était pas possible, qu’il devait y avoir une solution. Nous avons cherché en vain pendant des semaines. À force de râler, nous avons voulu voir si c’était faisable. Nous avons pensé qu’il y avait plein de gens comme Fernanda en France et dans le monde. Et nous nous sommes demandé : Pourquoi ne les mettrions-nous pas en relation, en partant du fait qu’ils sont prêts à proposer aux personnes qui viennent près de chez eux ce qu’ils n’utilisent pas ou peu… et pourquoi pas sur une plateforme ? Cela leur ferait une petite rétribution financière et, quand ils se déplaceront à leur tour, ils seront contents de trouver des gens qui comme eux, proposent leur bien sur la plateforme.

Comment vous y êtes-vous pris pour créer Toolib ?

Nous sommes d’abord allés voir une assurance pour savoir s’il était possible d’assurer des biens pour des échanges comme ceux-là. Deux semaines plus tard, tout le conseil d’administration s’était réuni et nous a dit que l’assurance voulait investir dans le projet, qu’elle le trouvait super intéressant. On a été surpris car on pensait le développer comme ça, le soir à côté de notre boulot. Nous avons appris quelques mois plus tard que le fils du directeur de l’assurance était en situation de handicap et que cela faisait 15 ans qu’il vivait cette situation. Qu’il avait du mal à trouver du matériel adapté au handicap, des logements et des véhicules pour emmener son fils. Il avait donc une sensibilité par rapport à notre projet.

Après cela, nous avons présenté notre projet à une banque. Nos interlocuteurs ont demandé de quel budget nous avions besoin. Pour quitter notre boulot et se lancer à fond, il nous fallait 100 000 euros mais ils nous ont proposé le double ! On était très étonnés parce que d’habitude, c’est très dur d’obtenir des prêts. Cela nous a permis d’embaucher un développeur. J’ai donc quitté mon travail, puis des amis nous ont aidés à investir. Il a fallu faire de la gestion de développement avec le développeur, créer des partenariats, faire parler des projets, comprendre les besoins, mettre des études de marché en place, etc.

Vincent, qui est cofondateur avec moi, m’a rejoint 6 mois après. Avant de d’entrer sur le projet, il était chargé de réinsertion professionnelle pour les personnes handicapées. Il travaillait dans un centre de rééducation où il aidait des personnes accidentées à retrouver une vie normale, à adapter leur poste de travail, leur logement… Aujourd’hui, Toolib compte six personnes. Nous nous sommes un peu endettés, voire beaucoup, mais nous espérons que le projet va marcher et que ça ira au bout.

Y a-t-il eu des points de blocage dans votre parcours de création ?

Oui, le plus gros blocage en ce moment, c’est la lenteur de certaines structures administratives. C’est l’enfer. Quand on est une petite société, on est agile, on va vite. La difficulté, c’est d’avoir en face des structures qui s’engagent sur des choses mais qui mettent 6 mois à répondre… Et pour une société comme la nôtre c’est ce qui permet de vivre ou non. On va vite, on se déplace vite, on change de direction, on sait s’adapter mais autour de nous, il y a des structures qui arrivent difficilement à se mouvoir.

Où en êtes-vous aujourd’hui ? Avez-vous d’autres projets ?

Nous avons mille projets d’améliorations, ce n’est pas ce qui nous manque ! Avec toutes les idées, nous avons au moins 6 ans de boulot devant nous pour aller au bout du projet. Le squelette qui permet d’accueillir tous les services que nous voulons mettre en place est prêt, notamment le logement, le matériel adapté… ainsi que les véhicules, pour lesquels nous réfléchissons à un partenariat avec Wheeliz, service de location de voitures adaptées entre particuliers. Enfin, il y a tout l’aspect service et covoiturage qui devraient arriver. Notre objectif à long terme, ce sont les Jeux Olympiques 2024. Nous sommes en partenariat avec Paris ESS 2024 pour proposer des solutions pour les personnes en situation de handicap qui vont arriver pour les Jeux Paralympiques. Plus de 300 000 personnes sont attendues à Paris et il faut pouvoir les loger, leur trouver du matériel et des véhicules pour qu’ils puissent se déplacer. Les idées et les projets, nous en avons donc par-dessus la tête, c’est surtout le temps, les finances et les embauches qu’il nous faut.

À qui s’adresse Toolib ?

Toolib s’adresse aux personnes en situation de handicap, temporaire ou permanent, qui sont en perte d’autonomie et/ou qui ont des maladies incapacitantes, et aux seniors (dont le nombre devrait presque doubler d’ici 2040). En fait, Toolib est dédiée à toutes les personnes qui ont besoin d’adaptation ou d ematériel adapté au handicap au quotidien. Par exemple, il peut s’agir d’un patient insuffisant rénal qui a besoin d’une tête de lit à dialyse quand il se déplace, plutôt que de passer 6 heures à l’hôpital tous les deux jours.

L’application s’adresse aussi aux personnes valides qui ont du matériel adapté, parce qu’ils ont un parent handicapé par exemple. Il n’y a pas longtemps, nous avons rencontré un monsieur qui a un logement dans lequel il a tout fait adapter pour sa maman qui a habité dedans. Maintenant qu’elle est partie, il aimerait bien pouvoir le louer à des personnes qui en ont vraiment besoin.

Comment accède-t-on à Toolib pour louer du matériel adapté au handicap ?

Aujourd’hui il faut se rendre sur toolib.fr pour accéder à notre « application web ». Le site va se comporter comme une application le ferait sur un téléphone sauf qu’elle est en ligne, vous n’avez pas à la télécharger. Nous allons quand même sortir l’application sous quelques semaines parce que les gens sont en demande d’avoir une application physique.

Est-ce que l’application est gratuite ?

L’inscription est gratuite. Quant aux frais de fonctionnement, ils sont inclus dans les prix des locations indiqués. Prenons un exemple : vous avez un logement et je veux le louer. Vous l’avez mis sur la plateforme à 100 euros. Je vais la voir apparaître sur la plateforme à 115 euros. Dans ces 15 euros vont être inclus les frais d’assurance, les frais bancaires – car ils nous sont imposés pour les transactions bancaires – et les frais pour la plateforme qui permettent de la faire fonctionner (frais d’hébergement, développement, etc.).

Y a-t-il des conditions à remplir lors de l’inscription pour accéder aux services de Toolib ?

Si une personne en situation de handicap s’inscrit, dans son profil, elle va pouvoir choisir, soit de décrire son handicap, soit de directement décrire ses besoins si, par pudeur, elle n’a pas envie de parler de son handicap. À partir de là, des algorithmes vont calculer les besoins de la personne. Quand ensuite elle va effectuer une recherche, les logements qui vont apparaître en priorité seront ceux qui auront été sélectionnés par les algorithmes, en rapport avec les besoins liés au handicap.

Combien avez-vous d’utilisateurs aujourd’hui ?

Nous avons un peu plus de 200 inscrits pour le moment. Mais Toolib ne sera ouvert au « grand public » qu’au début du mois de mars : actuellement, le site est seulement ouvert aux personnes qui souhaitent proposer du matériel et des logements adaptés au handicap. Nous attendons qu’il y en ait un certain nombre pour l’ouvrir aux personnes en recherche d’un bien en location.
Le risque en l’ouvrant tout de suite serait de décevoir les gens s’il n’y a pas ce qu’ils recherchent, et donc qu’ils ne reviennent pas. Mais les locations arrivent de façon exponentielle. Toolib a ouvert au 1er janvier 2020, et autour du 20 janvier, une cinquantaine de personnes avaient déjà proposé un bien en location. L’objectif est que d’ici au mois de mars nous ayons atteint au moins 300 logements inscrits.

Plus d’infos sur : https://toolib.fr/

 

Propos recueillis par Camille Romand

 

En photo principale : De gauche à droite : Guillaume Boulaton, Vincent Moalic et Davy Ferreira.

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