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Manon Doyelle : De la découverte du kayak aux ambitions internationales

Manon Doyelle et son kayak de compétition
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Manon Doyelle, l’esprit olympique

Nous vous l’avions présentée dans un large article l’année dernière, Manon Doyelle est cette sportive de haut niveau au parcours atypique qui porte des valeurs humaines très fortes. Aujourd’hui elle nous parle principalement de sa discipline, le kayak et de ses ambitions internationales.

« J’ai repris le sport en 2013 alors que ça faisait 4 ans j’étais sur un fauteuil roulant. J’ai fait ça naturellement en préparant le tour du lac Léman, raconte Manon Doyelle. Au cours de cette préparation, des sponsors m’ont permis d’acheter un fauteuil d’athlétisme, c’est donc par défaut que je suis venue à cette discipline. J’ai poursuivi dans cette direction avec parallèlement une préparation générale. Mon handicap ayant évolué sur les membres supérieurs j’ai dû faire une pause, et après un an d’inactivité je me suis tournée vers le Kayak, c’était en septembre 2016 ». 

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire de la compétition ? 
En fait j’ai appris la compétition avec le kayak car je n’aime pas les sports de confrontation, en tout cas pas de confrontation directe. Lorsque je faisais de la gymnastique avant la survenue de mon handicap, ou de l’équitation plus jeune, en compétition je n’étais pas en confrontation directe avec quelqu’un et c’est pour moi la plus grande difficulté. Ce que j’aime dans la compétition, c’est le fait d’aller chercher le meilleur de soi-même, se dépasser. C’est aussi avoir un objectif car lorsque l’on s’entraine plusieurs fois par jours et que l’on se consacre véritablement à son sport, c’est impossible de le faire sans un objectif précis. Mon objectif c’est une qualification pour les Jeux. J’ai ça en moi depuis que je suis très jeune et je n’avais pas forcément imaginé quand j’avais 6 ans le faire dans un kayak et vivant sur un fauteuil roulant, mais ça me va aussi. Ce que je veux au-delà de tout, c’est vivre ce rêve olympique, c’est vivre cet état d’esprit, cet environnement et plus que la performance ou la discipline, c’est vivre avec les autres ce rêve olympique qui est très important pour moi. Le sport peut amener les gens à se transcender et c’est ce que je recherche.

Que représente l’engagement dans le haut-niveau ?
Entre la simple compétition et le haut niveau, il y a toujours la recherche d’une certaine performance. Ce qui diffère, c’est la passion que l’on y met, l’engagement quotidien, les objectifs. Le haut niveau c’est avant tout un esprit et c’est un quotidien contrairement à du sport loisir que l’on pratique pour le plaisir ou la rencontre, si ce n’est pas aujourd’hui c’est pour demain etc. Moi je pratique un sport d’extérieur et je dois aller sur l’eau quel que soit le temps. Dans mon quotidien il y a la recherche permanente de la performance qui va bien au-delà de la simple technique. Mais pour que ça marche il faut la passion car si on se contraint on s’épuise. Personnellement j’ai aussi une vie en dehors du sport, je suis mère d’une petite fille de 8 ans et je suis seule pour l’élever, ce qui signifie que je dois payer une nounou quand je suis à l’entrainement et tout mon quotidien tourne autour du kayak. Cela se poursuit dans la préparation mentale, dans la nutrition, dans le temps de repos mais aussi dans le temps que je peux m’accorder au-delà de tout ça. À titre personnel je ne trouve pas le temps de faire autre chose car mon quotidien est très dense et très rythmé, il n’y a pas de week-ends pas de vacances. Lors d’une sensibilisation obligatoire sur le dopage, j’ai pu de nouveau constater à quel point la performance est indissociable du plaisir et le fait d’être bien entouré, de savoir prendre du recul, comme du repos, sont les pré-requis et les indicateurs du haut-niveau auquel j’ajoute le fait d’avoir des objectifs nécessairement très élevés. Mes maladies m’imposent aussi de vérifier que les médicaments que je prends soient bien autorisés par les autorités sportives. Voilà ce qu’est pour moi le haut-niveau. Je crois que mon axe de progression c’est justement de savoir prendre du temps pour moi, ce que j’ai du mal à faire.
Dans mon cas, j’ai la chance de travailler au Conseil Economique et Social Régional et donc de compléter mon existence avec une activité intellectuelle salutaire. Je dois avouer que mon sport occupe malgré tout mon esprit sans cesse car tout est prétexte à me replonger dedans. Sans être toujours préoccupée par la performance, je regarde tous les jours les réseaux sociaux qui parlent de mon sport pour me tenir au courant des moments forts. La vie m’apporte malgré moi des opportunités pour décrocher. Ce fut le cas l’année dernière quand j’ai été nommée marraine de la course de la diversité. J’ai réalisé les 7 kms avec deux jeunes qui ne courraient pas du tout, et pour accomplir le trajet je crois que nous avons mis près d’une heure mais je me suis rarement autant amusée car il n’y avait rien à prouver. Ces moments m’offrent une véritable régénération mentale et physique.

Toutes les personnes handicapées peuvent-elles pratiquer le kayak ?
En loisirs oui, dans mon club nous accueillons tous les publics et c’est vraiment intéressant. Nous pouvons aussi bien accueillir des personnes atteintes d’un handicap psychique, que d’un handicap moteur, cela dépend du type d’embarcation. Il est assez facile d’intégrer quelqu’un à partir du moment où la personne sait nager ou bénéficie de conditions de sécurité adaptées. Une fois sur l’eau, tout change et on peut facilement oublier son handicap et son manque d’autonomie.
En compétition, c’est beaucoup plus drastique car il faut répondre à des critères très précis, et entre autres, le handicap supérieur n’est pas pris en compte. En résumé, en France, nos acceptons tous les handicaps mais à l’international il faut obligatoirement avoir un handicap des membres inférieurs, et s’il y a un handicap des membres supérieurs il n’est pas pris en compte. Il n’existe que trois catégories dans le handikayak, sans possibilité d’en ajouter une autre, c’est le prix à payer pour être admis aux Jeux paralympiques. Moi qui suis atteinte aux quatre membres, je concoure avec des adversaires qui, pour la quasi-totalité d’entre eux, se déplacent que leurs deux jambes ou sont amputés d’une jambe.   

Manon Doyelle : “Le kayak apporte une véritable sensation de liberté car on peut aller n’importe où”

Quels sont les bienfaits du Kayak ?
Ce que j’aime c’est que c’est sport symétrique, il est presque hypnotique dans le cadre des courses en lignes ; mais il revêt beaucoup de choses. Tout le monde peut y trouver son compte, on peut faire de l’eau vive, de la mer, de l’eau clame, de la courte ou longue distance, de la rivière… En ce qui concerne le handicap, il n’y a malheureusement que la course en ligne qui est ouverte. La sensation de glisse est importante, ce qui est très agréable, et le kayak apporte une véritable sensation de liberté car on peut aller n’importe où, à l’origine c’était un outil d’exploration.

Le palmarès de Manon Doyelle et ses ambitions.
J’ai commencé il y a peu de temps donc mon palmarès est peu étoffé. J’ai débuté en octobre 2019 et 7 mois plus tard j’étais en équipe de France. C’est ma deuxième année en équipe de France, j’ai 5 titres de championne de France, y compris en compétition avec les hommes, dans des courses de vitesse et de fond. L’année dernière j’ai été sélectionnée sur l’ensemble de la saison internationale : Championnats d’Europe, Coupe du Monde et Championnats du Monde.  À court terme, je participe du 17 au 26 mai en Pologne aux championnats d’Europe et à une phase de la coupe du Monde. C’est un déplacement très dense. J’aimerais vraiment m’approcher du podium européen car l’année dernière la commission médicale fédérale m’a stoppée dans ma saison deux jours avant les championnats d’Europe. J’ai bien sûr très envie de faire ce championnat qui bénéficie d’un joli plateau d’athlètes. En fonction de ces résultats il y aura une deuxième sélection avec stage en équipe de France, pour la suite de la saison. Ensuite viendra une autre sélection effectuée par les instances Para-olympiques et Olympiques qui se prononcera sur une liste d’athlètes sélectionnés pour les stages d’été et les championnats du monde, à l’issue desquels nous franchirons les quotas paralympiques. Aujourd’hui je n’ai pas de visibilité sur mes possibilités de sélection car notre discipline est en mouvement, elle se professionnalise et le niveau s’élève constamment avec l’arrivée de plus en plus de compétiteurs. J’ai fait une très bonne saison et bénéficié d’une très bonne préparation hivernale, j’espère donc me qualifier pour les mondiaux et les quotas paralympiques pour envisager Tokyo 2020, même s’il n’y a qu’une place par catégorie. Tout cela va arriver très vite, d’ici là mon engagement ne va pas cesser de croître.

En photo : Manon Doyelle devant son kayak de compétition.

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