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Magicothérapie : De la rééducation comme par magie

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Utiliser la magie comme technique de rééducation : tel est le concept proposé par Magissoin. Rencontre avec Christophe Bellamy, co-fondateur de cette association de magicothérapie.

La magicothérapie, qu’est-ce que c’est ?
La magicothérapie c’est l’utilisation de la prestidigitation comme média de rééducation auprès des personnes qui souffrent de handicap, que ce soit sur le plan moteur, cognitif ou psychosocial.

Concrètement, que proposez-vous et à qui ?
Nous proposons aux établissements accueillant des personnes qui souffrent de handicap, ou aux hôpitaux de type psychiatrie ainsi qu’aux maisons de retraite, de venir animer des ateliers autour de l’apprentissage de la prestidigitation. Les soignants, que ce soit les ergothérapeutes, les psychomotriciens, les neuropsychologues… nous fixent des objectifs thérapeutiques. À partir de ces objectifs thérapeutiques, nous sélectionnons les tours qui vont être enseignés et adaptés au handicap de chaque personne. L’idée étant que ces personnes puissent reproduire les tours de magie dans leur famille ou devant leurs amis, dans un objectif de valorisation et de gain en estime de soi. Cela masque un petit peu la rééducation, même si on explique que c’est l’un des objectifs des ateliers, le but est aussi d’apprendre à faire de la magie. Les ateliers ont donc un double emploi : une activité ludique qui va être motivante pour les personnes (avec l’idée d’aller étonner son entourage), et en même temps l’opportunité de sortir un peu du regard des personnes valides envers le handicap. Car quand la personne qui souffre d’un handicap fait de la magie elle est magicienne, elle n’est plus handicapée. On la regarde différemment et c’est ce qui peut se ressentir aussi dans les vidéos de spectacles qu’on a pu réaliser, et qu’on a montré à d’autres enfants par exemple : en visionnant les images, ces enfants ont parlé de magiciens et non d’enfants handicapés.

Justement, qu’est-ce qui est ressorti de vos expériences en magicothérapie ?
Beaucoup de sourires, plus particulièrement de la part des enfants qui participent aux ateliers. Ils aiment jouer la comédie. Ce sont des choses assez naturelles pour des enfants et du coup, là on leur demande de le faire dans un cadre de rééducation, ce qui est encore mieux. On ressent beaucoup de motivation et d’implication. Nous avons eu par exemple des expériences avec des enfants qui avaient des troubles de l’inhibition et qui ont réussi à tenir une demi-heure de séance, à travailler posément, ce qui est énorme pour un enfant qui d’habitude tient dix minutes.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le concept de magicothérapie ?
La magicothérapie s’appuie sur des bases scientifiques, notamment des études qui ont été menées à l’étranger (en Angleterre, aux États-Unis…) où la magie comme thérapie est un concept utilisé depuis longtemps. Parmi les premiers qui ont eu l’idée on peut citer David Copperfield qui avait lancé le projet « Project Magic » et qui était destiné aux personnes en situation de handicap. C’est quelque chose qui a diffusé à travers le monde, et plus particulièrement dans certains pays, notamment la Belgique avec le premier magicien qui a été payé par une association pour aller faire de la magicothérapie au CTR de Bruxelles. En Angleterre, des études scientifiques ont été menées par l’association Breathe health : elle a publié il y a quelques années une étude scientifique sur l’utilisation de la magicothérapie en rééducation avec des enfants hémiplégiques, sur des stages de rééducation bi-manuelle intensive. D’autres études ont été menées sur l’apport que la magicothérapie peut avoir sur l’estime de soi.

Nous notre objectif en tant qu’association c’est d’une part de continuer à animer des ateliers, mais aussi d’autre part de mener des recherches qui valident l’intérêt et l’utilité de la magie comme thérapie. Il y a une visée scientifique. Et d’ailleurs l’association dispose d’un conseil scientifique avec des chercheurs (un docteur en neuropsychologie, des psychologues, un kiné, un chercheur en analyse du mouvement…). Ce conseil scientifique travaille sur des projets de recherche et valide l’utilisation des tours : on se réunit, on examine les différents tours de magie qu’on peut utiliser et on détermine dans quels cas il peut être intéressant d’utiliser ces tours de magie.

Comment est venue l’idée de créer l’association Magissoin ?
C’était il y a 5 ans, suite à la rencontre d’un magicien (moi-même) et d’une neuropsychologue (Miléna Riva). En discutant des patients vus par Miléna, l’idée est apparue que la remédiation cognitive (outil utilisé en neuropsychologie) ressemblait en certains points à ce qui se fait dans le domaine de la magie. On a alors creusé le sujet, on s’est renseigné sur toutes ces études scientifiques, les pratiques à l’étranger… On s’est renseignés pour savoir s’il existait des structures spécialisées en France. Il y en a eu mais qui n’existe plus ou ne sont plus actives à notre connaissance. Du coup nous avons décidé de monté l’association Magissoin. On a constaté qu’il pouvait y avoir une demande. Nous avons sollicité le directeur de la fondation où travaille Miléna pour obtenir le droit de faire une session d’essai pendant trois jours. Nous avons pu voir une dizaine de patients et cela a été un succès. Nous avons à ce moment-là commencé à faire des interventions dans des différents établissements et à nous faire connaître.

Aujourd’hui à qui s’adressent les interventions de Magissoin ?
Nos ateliers s’adressent à des personnes ayant tout type de handicap. Quant aux tranches d’âge, on va commencer à partir de 6-7 ans (pour ne pas casser les croyances magiques des jeunes enfants) et ensuite il n’y a pas de limite d’âge. On travaille parfois en EPHAD, avec un objectif différent qui est la prévention du déclin moteur et cognitif. C’est-à-dire que nous les aidons à stimuler leur mémoire, leurs membres arthrosiques… et toutes leurs capacités. Il n’y a pas de cible précise car on travaille aussi à adapter les tours au handicap. Cependant nous n’avons pas encore abordé el champ du handicap visuel, qui nous semble plus complexe, mais c’est envisageable, par exemple sur du mentalisme. En tout cas il y a des magiciens aveugles. Autrement l’un des plus gros challenges que nous avons eu pour le moment, c’était avec un jeune qui est amputé des deux avant-bras/ On travaillait avec lui et il avait une demande particulière : faire disparaître des objets. Il a fallu réfléchir et nous avons trouvé des solutions en utilisant la bouche, des foulards et le haut de ses bras. C’était une grosse victoire pour nous en tant que magiciens et thérapeutes, et pour lui dans la mesure où on est sortis de ce qui semblait impossible.

Qui peut vous contacter ?
Tous les établissements de l’Île-de-France pour le moment. Nous démarchons les établissements pour leur proposer des interventions. Nous avons aussi reçu un prix de la fondation EDF il y a deux ans, aux Trophées des associations dans le domaine « Santé et prévention ». Cela nous a permis de rencontrer le Professeur Cohen, spécialiste en psychiatrie, qui travaille à la Pitié Salpêtrière… et de lui proposer nos interventions dans cet hôpital. On aimerait à moyen-long terme pouvoir aller intervenir en régions, ce qui impliquerait peut-être de recruter des magiciens et de les former à la magicothérapie. Pour le moment nous ne faisons pas spécialement de demandes auprès des magiciens, car la magicothérapie ne s’improvise pas et demande aussi des compétences de thérapeutes (ou une formation pour les obtenir). Il ne s’agit pas seulement de faire des tours de magie mais aussi de les adapter à chaque type de handicap et d’assurer un suivi auprès de chaque personne qui intègre la démarche.

Comment se déroulent les séances ?
En général nous intervenons une fois par semaine pendant six mois avec les mêmes personnes. Le suivi est souvent un élément important quelle que soit la thérapie. Une relation se crée et c’est important que les intervenants soient toujours les mêmes et que la personne soit capable d’adapter le tour, et pas juste de dire : « Ce tour-là on n’y arrive pas alors on passe à un autre ». Il faut absolument éviter la position d’échec, persévérer, adapter et bien savoir à l’avance quels tours on peut proposer. Il faut que ce soit ludique et valorisant. En général on sélectionne au début des tours simples et on évolue au fur et à mesure. Au départ on entretient la motivation en faisant la démonstration du tour qui l’on souhaite faire apprendre, ensuite vient le moment de l’apprentissage… et pour finir chaque séance il y a la démonstration d’un tour que l’on n’expliquera pas, pour maintenir l’effet de la magie. Quand on fait de la magie on passe de l’autre côté, il faut donc aussi avoir une certaine maturité pour comprendre que cela repose sur une illusion et que ce qui est important en tant que magicien c’est le plaisir que l’on peut avoir à partager ces moments-là et à divertir les gens. En tout cas c’est ma vision de la magie : un partage entre les spectateurs et le magicien. C’est aussi ce qu’on essaye d’inculquer aux jeunes pendant les ateliers : la magie ce n’est pas pour tromper, c’est pour faire plaisir.

Comment l’association se finance-t-elle ?
Nous recevons des dons et subventions, notamment en participant à des opérations comme Micro-dons. Nous répondons à des appels à projets pour essayer de recevoir des prix (comme pour celui que nous avons reçu de la Fondation EDF). Et nous demandons une petite participation aux établissements qui nous font intervenir. L’idée étant que cela leur coûte le moins cher possible tout en permettant à l’association de fonctionner – sachant aussi qu’on a fait le choix de faire travailler des intervenants salariés car nous essayons de rentrer dans un schéma d’économie sociale et solidaire. Les prix sont variables et adaptés en fonction de la taille de la structure, du temps qu’on y passe, du matériel nécessaire.

Plus d’infos sur : www.magissoin.fr

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