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La fibromyalgie : Ce que l’on sait de cette maladie aujourd’hui

La fibromyalgie maladie méconnue qui touche 3% de la population
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Aujourd’hui on estime que la fibromyalgie touche plus de 3% de la population

Carole Robert est présidente de l’association Fibromyalgie France. Elle nous explique comment se manifeste la fibromyalgie, une maladie encore trop méconnue du public et du corps médical.

Pouvez-vous nous présenter l’association Fibromyalgie France ?
Fibromyalgie France a été créée en avril 2001. Initialement c’était une association régionale (Poitou-Charentes), mais pour que ses membres soient interlocuteurs des instances nationales, il fallait que ce soit une association nationale, ce qu’elle est donc devenue.
En 2001, nous ne disposions que de très peu d’informations médicales et il était clair pour nous que nous devions obtenir la reconnaissance institutionnelle de la fibromyalgie. C’était fondamental puisque la fibromyalgie était niée voire reniée. Nous avons donc fait de cet objectif une priorité, tout en assurant notre rôle plus classique d’association de malades, qui est d’informer les adhérents sur ce qu’est la fibromyalgie et des différentes actions que nous menons. Nous avons finalement obtenu cette reconnaissance par l’Académie de médecine en 2007, par la HAS en 2010, et une expertise de l’INSERM est en cours.

La fibromyalgie, qu’est-ce que c’est ?
La fibromyalgie est un syndrome douloureux chronique qui touche les deux côtés de la colonne vertébrale, avec comme particularité que les douleurs fluctuent dans le temps, dans l’espace et dans l’intensité. Lorsqu’elles apparaissent, elles peuvent durer dix minutes, un quart d’heure, trois jours… Elles se déplacent tout le temps dans le corps, pouvant être à un moment dans la jambe et une heure après au niveau du bras ou des yeux. Quant à l’intensité, c’est également très variable, cela peut aller d’un fond de douleur constant – ce qui est le cas de beaucoup de malades – à des douleurs de type brûlures, coups de couteau, sensation d’être écrasé par un étau… qui s’y ajoutent.
Les douleurs s’accompagnent d’une fatigue chronique extrêmement intense et d’autres troubles associés. Tout cela fait qu’on est toujours en difficulté pour prévoir l’état dans lequel on sera le lendemain matin voire l’après-midi.

Quels sont les différents symptômes associés à cette maladie ?
Les syndromes associés les plus importants sont la fatigue chronique avec un sommeil non réparateur. Beaucoup de fibromyalgiques ont des raideurs musculaires, notamment lorsqu’ils restent longtemps assis. Certains ont le syndrome des jambes sans repos, des troubles intestinaux (colopathies fonctionnelles), problèmes et douleurs génito-urinaires. Les malades souffrent aussi souvent d’une hypersensibilité au bruit et à la lumière. À cela peuvent s’ajouter des troubles cognitifs : troubles de l’attention, de la mémoire… qui sont très handicapants au quotidien et que les médecins pensent être liés à la douleur – celle-ci empêchant de bien se concentrer. Ce qui peut aussi être lié à la fatigue.

La fibromyalgie est-elle facilement diagnostiquée aujourd’hui ?
Elle est beaucoup mieux diagnostiquée qu’auparavant. Pour ma part il a fallu entre 20 et 30 ans pour mettre un nom sur mes douleurs… Aujourd’hui la moyenne est d’environ 4 mois pour obtenir une orientation « fibromyalgie », ce qui est très rapide. Le problème essentiel qui persiste, c’est qu’un diagnostic posé ne signifie pas forcément une prise en charge précoce et adaptée. Ce qui est déroutant pour les malades. Le diagnostic se fait par élimination et il est très important qu’il soit bien réalisé, d’abord pour ne pas passer à côté d’une autre maladie bien identifiée, et ensuite pour croire le malade et pouvoir répondre à ses questions sur la fibromyalgie, l’apaiser autant que possible – ce qui n’est pas simple puisqu’on lui explique qu’actuellement on ne sait que très peu prendre en charge cette maladie.

Que sait-on concernant la cause de cette maladie ?
Parmi les hypothèses qui dominent actuellement, les spécialistes pensent qu’il s’agit d’un dysfonctionnement de la modulation de la douleur et de la réponse du cerveau aux stimuli douloureux. Comme s’il y avait une erreur et que le système nerveux central ne jouait pas son rôle de transmission. C’est aujourd’hui l’explication qui paraît la plus logique aux neurologues.
En attendant, notre association a demandé la mise place d’une expertise collective de l’INSERM sur le thème de la fibromyalgie. Cela n’a pas été facile, mais nous avons finalement obtenu gain de cause au bout d’une dizaine d’années. Ces expertises font le point sur la recherche dans le monde entier et peuvent évaluer les pistes de recherche, voire faire des recommandations sur les pistes privilégiées. Nous avons été auditionnés le 8 novembre 2017 par les chercheurs : trois responsables d’associations de malades, dont moi-même, avons répondu à un questionnaire détaillé pour apporter notre témoignage). Les résultats de l’expertise seront normalement publiés début 2019. C’est un travail pluridisciplinaire doit permettre de faire le point sur les pistes de recherche avancées dans le monde entier en matière de fibromyalgie, et d’élaborer des recommandations d’actes de recherche, ce qui est très important pour nous – d’autant plus que ce type d’expertise est difficilement contestable. Nous avons par ailleurs demandé une évaluation de la fibromyalgie de l’enfant.

Quelle est l’évolution de cette maladie ?
La maladie évolue en fonction du diagnostic précoce ou non. Une personne qui est diagnostiquée dans les trois à six mois après l’apparition des premières douleurs, si elle est bien prise en charge, verra l’état de chronicité de ses douleurs s’aggraver bien plus lentement que quelqu’un qui ont dû attendre 10 à 30 ans. Entre temps l’organisme s’est habitué à avoir mal, on s’est déshabitué à faire des efforts, on a pris de mauvaises habitudes – comme par exemple se coucher très souvent du fait de la fatigue chronique, ou au contraire en faire trop et être hyperactif.
Aujourd’hui des programmes d’éducation thérapeutique du patient sont proposés dans certains hôpitaux, et on voit bien que ces malades-là apprennent mieux à gérer la maladie et le stress qu’elle engendre, à écouter leur corps, à savoir dire non à leurs proches quand ils sont trop fatigués.

En complément de l’éducation thérapeutique, quels en sont les autres traitements ?
En complément du traitement médicamenteux pour diminuer les douleurs, il est reconnu que l’activité physique est la meilleure prise en charge pour les fibromyalgiques. On ne parle pas forcément de sport, mais avant tout de mouvements et ensuite des activités douces pour ceux qui le souhaitent (Tai chi, Qi kong…). Il semblerait que quand on occupe le cerveau avec une activité physique, celui-ci va en quelque sorte se détourner de la douleur, fixer l’attention sur l’activité et faire céder la douleur peu à peu. C’est également ce qui ressort des recommandations publiées par la Ligue Européenne contre les rhumatismes.
Les cures thermales peuvent également soulager les malades, ainsi que tout autre soin non médicamenteux qui permet de se détendre – c’est un choix personnel, mais qui dépend aussi des ressources de chacun car ces traitements sont souvent coûteux et pas ou peu remboursés.

Combien de personnes sont touchées par la fibromyalgie ?
D’après les dernières estimations, environ 3,3% de la population serait touchée en France et dans le Monde. En moyenne, sur dix personnes fibromyalgiques, 8 sont des femmes et 2 sont des hommes – ce qui a tendance à évoluer légèrement.

Y a-t-il des préjugés particuliers associés à cette maladie ?
Cela tend à s’améliorer, mais les fibromyalgiques ont pendant très longtemps été traités comme des hypocondriaques. Mais pourquoi tant de personnes auraient-elles inventé de tels symptômes pendant des décennies ? Quel bénéfice pourrait-on avoir à s’attribuer une maladie qui en plus est reconnue seulement depuis peu ?
Autre préjugé : on nous dit parfois que cela relève de la psychologie ou la psychiatrie. Or la fibromyalgie relève de la rhumatologie, c’est un dysfonctionnement de la modulation de la douleur.
Le manque de formation des soignants est aussi un vrai problème, encore très peu d’entre eux connaissent la fibromyalgie et sont en mesure d’orienter les patients vers une prise en charge adaptée. J’interviens régulièrement en formation continue dans un DU douleur à la faculté de médecine : j’évoque la maladie et je me rends bien compte qu’il est important pour les médecins d’entendre le malade et de comprendre ce qu’il a. Ils sont suivant impuissants lorsqu’ils ne comprennent pas les symptômes. Je suis convaincue que la formation des médecins peut apporter beaucoup de mieux être aux patients, et aider les soignants à les croire et intervenir de la meilleure manière. Je vais également à la rencontre de médecins du travail pour les sensibiliser.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
En 2014, nous avons réalisé une enquête sur la « perte d’autonomie et de qualité de vie » auprès de 2100 fibromyalgiques, afin d’étudier la sévérité de cette maladie chronique à travers ses impacts. Cette enquête a été publiée en 2016 et a effectivement permis de démontrer l’impact de cette maladie de chronique sur la vie familiale, sociale et professionnelle – avec notamment des difficultés pour le maintien dans l’emploi.

Pour plus d’informations sur la fibromyalgie, vous pouvez consulter :
La fiche fibromyalgie sur le site de l’Assurance maladie depuis printemps 2017
Le site internet de l’association : www.fibromyalgie-france.org

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