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La ferme aux fruits rouges

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Il existe des lieux où le temps semble suspendu. Des lieux où le savoir faire se transmet de génération en génération et qui vous transportent en quelques secondes dans la cuisine de votre aïeule, l’arrière boutique d’une pâtisserie d’antan ou lors d’un goûter d’enfance en pleine été. En Bourgogne, dans les Hautes-Côtes de Nuits, Isabelle et Sylvain Olivier produisent, transforment et commercialisent cassis, fraises, framboises ou encore groseilles à toutes les sauces. Leur « Ferme Fruirouge » accessible vient de recevoir le Coup de Coeur 2012 des Trophées femmes du tourisme « le handicap au delà des frontières ». Profondément humain et passionné, le couple accueille les visiteurs toute l’année sur réservation. Rencontre.

 

Une journée de printemps au coeur de la Bourgogne. Il faut monter une petite route de campagne, enlacée entre les collines et les coteaux de vignes, pour enfin apercevoir le bien nommé hameau Concoeur. Ce petit village champêtre longtemps déserté, attire aujourd’hui des habitants périurbains en quête de sérénité. Et c’est au centre du bourg, sur la place de l’église, que se niche la ferme Fruirouge.

Une fois le palier franchi, la chaleur du vieux poil situé près de l’entrée vient caresser les joues. Dans la salle principale de pierres et de bois, habillée d’une lumière chaude et tamisée, les étagères roses pastel débordent de pots de confitures et de bouteilles de sirop de cassis. Très vite, une odeur sucrée vient parfumer l’air. Dans la pièce d’à côté, les groseilles mijotent dans de grosses marmites en cuivre.

Sylvain nous accueille, souriant, la démarche sautillante. Isabelle, très affairée, fera son apparition plus tard. « Actuellement, elle est particulièrement impliquée dans la promotion pour l’inscription des climats (ndlr : parcelles) du vignoble de Bourgogne au patrimoine mondial de l’Unesco », explique son mari. Quand elle arrive, lumineuse et naturelle, elle se joint à son complice pour relater leur parcours. Si c’est elle qui a reçu le prix Coup de Coeur décerné par l’association Femmes du tourisme, le couple partage cependant les lauriers. Car leur belle histoire s’est construite à deux…

 

Elle lâche tout pour le suivre


Issu d’une famille de « paysan » depuis sept générations, Sylvain est tombé dans la culture des fruits rouges depuis son enfance. « Paysan et non agriculteur », insiste-t-il. « Nous ne produisons pas seulement des matières premières mais des produits finis ».

C’est en 1992, lors des vendages, qu’il rencontre et tombe amoureux d’Isabelle venant, elle, d’une famille de commerçants dijonnais. Littéraire, après ses études de philosophie, elle se prédestinait au journalisme… Elle choisit finalement de prendre un tout autre chemin et de suivre Sylvain.

Lors des travaux d’aménagement dans la ferme de la grand-mère de Sylvain, dans laquelle, ils s’installent en 1995, l’accessibilité est un critère naturel. Ici, tout est de plein pied. « Nous avons un ami en fauteuil roulant et nous n’avons pas hésité : c’était évident que tout devait être accessible. Au final, c’est beaucoup plus confortable pour nous aussi ! » Un peu plus tard, lorsqu’Isabelle et Sylvain apprennent la surdité de leur fils Lucas, ils acceptent le handicap de leur enfant en toute simplicité. « Lorsque la nouvelle est tombée, j’ai dit à Isabelle que ce n’était pas très grave, nous aurions juste à apprendre la langue des signes ! Ça nous ferait une langue de plus ! », raconte Sylvain en riant. Sa légèreté fait sourire.

Sans trop se poser de questions les Olivier ont donc intégré la notion de handicap dans leur entreprise. Aujourd’hui, ils font appel à un Ésat (Établissement et service d’aide par le travail) pour réaliser certains travaux d’entretien et extérieur. En parallèle, Isabelle travaille étroitement avec une association d’aveugles, ce qui l’a incité à suivre des formations sur l’accueil des personnes malvoyantes.

 

Du ketchup au cassis

 

Les deux acolytes ont commencé avec 2 hectares 60, cultivant cassis, framboises, fraises, groseilles et pêches de vigne. Après avoir planté des cerisiers, ils ont agrandi leurs cultures à 5 ha 60 dans les années 2000. En 2008, le couple ouvre une boutique au centre ville de Nuits- Saint-Georges, une épicerie fermière baptisée Fruirouge & Compagnie. « La boutique vend 100 % de produits fermiers provenant à la fois de la Ferme Fruirouge et d’autres producteurs de l’Hexagone », explique Sylvain. Aujourd’hui, la ferme embauche cinq personnes à temps plein et trente saisonniers. « Après la récolte, nous stockons tous nos fruits en surgélation. Cela nous permet ensuite de les transformer tout au long de l’année ».

Après avoir fabriqué les classiques boissons, confitures et crèmes de fruits, Isabelle et Sylvain ont laissé libre court à leur imagination. Leur objectif ? Décliner leur fruit vedette, le cassis, sous toutes les coutures. Naissent alors fruits à l’eau de vie, moutarde, vinaigre et autre ratafia. Chaque année est savoureusement accompagnée d’une création atypique.

En 2005, pour leur 10e anniversaire de production, ils cherchent à marquer les esprits et les papilles. Isabelle se plonge alors dans les vieux livres à la recherche d’une idée. À sa grande surprise elle déniche « Pour faire du ketchup anglais », une recette de ketchup au cassis, sans tomate ! Après plusieurs essais et en adaptant la recette pour la rendre notamment moins épicée, le ketchup cassis passe par la traditionnelle dégustation familiale avant d’être présenté au Salon International de l’Agriculture. Suivent ensuite d’autres inventions toutes aussi originales : le beurre de cassis et la Vod’K6 (comprenez : Vodka au cassis).

La visite se termine par une parenthèse dégustative. Les effluves prometteurs qui embaument l’air ne déçoivent pas. Tour à tour, crème, ketchup et confiture viennent surprendre le palais. Les arômes et les saveurs s’enchaînent, doux ou piquants, épicés ou suaves…

Bref, la Ferme Fruirouge vaut bien un petit détour. Parce qu’il existe des lieux, comme à Concoeur, où l’on rencontre des gens passionnés, un brin illuminés. Et délicieusement rafraichissant.

 

Romain Desgrand

 

 

 

 

Ferme Fruirouge

2 Place de l’église

Hameau de Concoeur

21700 Nuits-Saint-Georges

                                  

Accueil toute l’année. Uniquement sur réservation.

Tel. : 03 80 62 36 25.

Mail. : [email protected]

www.fruirouge.fr

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