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Handicap et grandes écoles : Gros plan sur l’école GEM à Grenoble

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École de Management de Grenoble (GEM) : Des dispositifs innovants pour concilier handicap grandes écoles

Jean-François Fiorina : « Nous allons lancer la deuxième promotion de la formation “Data Asperger” »

Handicap et grandes écoles : Rencontre avec Jean-François Fiorina, directeur général adjoint et directeur des programmes de Grenoble École de Management (GEM), grande école qui propose 50 programmes de formation et a fait de l’éducation pour tous un engagement fort.

Quels sont les différents dispositifs mis en place pour les étudiants en situation de handicap à l’École de Management de Grenoble ?

L’École de management de Grenoble (GEM) s’engage depuis très longtemps en faveur de l’accessibilité des étudiants en situation de handicap à l’ensemble de ses formations. De manière plus globale, nous avons toujours eu la diversité comme axe fort au travers des différentes populations étudiantes en termes de voies d’accès, d’âge, de type de programme, et de formation avec beaucoup de doubles diplômes. Et puis nous avons décidé d’aller beaucoup plus loin depuis 5 ans, notamment sur le public en situation de handicap.

Cela s’articule autour de deux grandes actions : la mise en place d’un concours réservé aux étudiants en situation de handicap, et la création d’une formation dédiée aux étudiants Asperger.

En quoi consiste le concours GEM réservé aux étudiants en situation de handicap ? Quels sont ses intérêts ?

Ce dispositif est ouvert aux étudiants en situation de handicap de niveau bac. Les étudiants éligibles passent un concours spécifique. S’ils réussissent, ils suivent une première formation de deux ans au sein d’un établissement partenaire : ils peuvent passer un DUT, un BTS, voire même entrer dans une classe prépa. S’ils obtiennent leur diplôme suite à ce premier cursus, ils intègrent la première année de notre programme Grande école, sans passer le concours commun. Sachant que les autres étudiants entrent après un Bac+2 et après avoir réussi ce concours.

Ce système a été créé dans le but d’offrir une perspective en 5 ans aux étudiants en situation de handicap et de leur permettre de se projeter, de s’organiser, et d’entrer en contact avec des entreprises. C’est un dispositif complet qui permet de monter progressivement en puissance. Une dizaine d’étudiants en situation de handicap entrent dans ce dispositif chaque année. L’avantage pour eux, c’est qu’ils savent dès le bac quelles seront leurs perspectives d’études sur cinq ans. Par contre, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait une petite contrainte qui venait des parents : ils ont peur que ça ne marche pas et que ce soit un miroir aux alouettes… et on pense qu’on pourrait toucher plus d’étudiants si l’on trouvait un moyen de dialoguer davantage avec ces parents, pour leur montrer que ça fonctionne, que les jeunes réussissent, et qu’ils sont très bien acceptés par nos autres étudiants.
Les étudiants en situation de handicap qui sont intéressés par le concours peuvent se rendre sur notre site internet : www.grenoble-em.com. Les inscriptions sont ouvertes jusqu’à fin janvier 2020.

Qu’en est-il de votre seconde action : la création d’une formation dédiée aux étudiants autistes Asperger ?

Ce programme de formation spécifique, que nous avons baptisé « Data Asperger », a été lancé en janvier 2019 à destination des personnes atteintes de syndromes d’autisme Asperger et souhaitant travailler dans l’analyse de données. Nous voulions monter un projet de formation sociale. C’est ainsi qu’un groupe de collaborateurs s’est créé au sein de l’école. Ils ont réfléchi – certains étant directement touchés et interpellés par le sujet, notamment une collaboratrice qui est elle-même autiste Asperger. De fil en aiguille, le groupe a proposé qu’on lance dans l’école une formation pour ces personnes. D’une part parce que cela les touchait personnellement, mais aussi parce que cela correspond au positionnement de l’école sur tout ce qui concerne le management de technologie et d’innovation. Les personnes autistes Asperger sont souvent très douées en matière de technologie et en analyse de data, mais il y a aussi tout un aspect social sur lequel nous devons les faire travailler… c’est ainsi qu’est née cette formation. Pour informer de son existence, nous avons beaucoup communiqué, notamment avec des associations qui travaillent dans ce domaine. Nous avons reçu beaucoup de demandes venant de toute la France car il y a malheureusement peu de formations de ce type. La sélection s’est faîte par le biais d’entretiens.

Comment s’organise cette formation « Data Asperger » ?

La première promotion d’étudiants comprenait 29 personnes, de tous âges (de 18 à 50 ans), certaines étant déjà diplômés avant la sélection, mais ce n’était pas une condition. La formation associe l’école Grenoble INP pour certains modules, le Campus numérique pour la formation à distance depuis le lieu de vie des étudiants, et le groupe Modis pour l’emploi. Elle dure 9 mois et comporte des temps de formation à Grenoble, des temps de formation à distance et toute une période en entreprise. Elle débouche sur un diplôme de l’école Grenoble école de management en Data Scientist (interprétation et analyse de données). Comme il y a une période importante en entreprise, cela peut être une période de pré-emploi ou de test, et un grand nombre d’étudiants sont embauchés tout de suite à l’issue de leur formation – qui est justement conçue pour être très opérationnelle.

La mise en place de cette première promotion a été une très belle aventure car il a fallu tout inventer, tout organiser, et c’est là que l’on s’est aperçus qu’il y avait besoin d’autres types d’approches et en particulier sur le plan social. L’adaptation se niche souvent dans de petits détails, dès la machine à café. Le fait pour les étudiants de devoir prendre le train et le tram pour venir… et bien d’autres questions à prendre en compte pour bien les aider et surmonter ce qui pourrait bloquer leur accès au marché de l’emploi. Nous avons beaucoup appris et nous allons bientôt lancer la deuxième promotion.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Nous avons une troisième action, qui ne s’adresse pas directement aux étudiants en situation de handicap mais qui peut les concerner aussi : nous avons créé un certificat « Handicap et management » afin de valoriser les étudiants qui ont eu des expériences spécifiques auprès de personnes en situation de handicap. Cela comprend à la fois de la formation à distance sur l’aspect légal, les sujets liés au handicap que les étudiants ont éventuellement abordé dans leurs mémoires et rapports de stages, et les expériences professionnelles qu’ils ont pu avoir dans leur cursus vis-à-vis de personnes en situation de handicap. Chaque étudiant concerné pourra obtenir le certificat en démontrant qu’il a vécu ces différentes expériences. L’idée étant qu’il s’en serve ensuite en entreprise, par exemple pour être référent, quelle que soit son orientation, y compris en dehors des ressources humaines. C’est une mention complémentaire aux diplômes que nous délivrons.

En photo principale : Jean-François Fiorina, directeur général adjoint et directeur des programmes de GEM © Bruno Fournier

 

Handicap et grandes écoles
Susan Nallet :
« Aider les étudiants  à expliquer leur situation et à formuler leurs besoins en toute confiance »

Handicap et grandes écoles : Rencontre avec Susan Nallet, responsable du département « Service à l’étudiant et employabilité » de Grenoble École Management (GEM).

Susan Nallet, responsable du département « Service à l’étudiant et employabilité » de GEM
Susan Nallet, responsable du département « Service à l’étudiant et employabilité » de GEM © Pierre Jayet

Quelle est la mission du département « Service à l’étudiant et employabilité » ?

Ce département a pour rôle d’accompagner l’ensemble des étudiants de GEM de leur entrée à l’école jusqu’à leur arrivée sur le marché de l’emploi et leur insertion professionnelle. Cela recouvre tous les aspects de la vie étudiante, du financement des études au sentiment d’appartenance, en passant par la préparation à l’insertion professionnelle. Nous nous adressons à tous les étudiants mais accordons une attention particulière aux personnes en situation difficile ou potentiellement sujettes à des discriminations. Notre rôle est de faire en sorte que l’expérience à GEM se déroule dans les meilleures conditions de réussite et qu’ils nous quittent confiants et affirmés. Pour les étudiants en situation de handicap, cela peut passer par un accompagnement dédié, des aménagements de la scolarité et parfois la déclaration de la situation de handicap.  

Combien d’étudiants en situation de handicap sont identifiés aujourd’hui à l’École de Management de Grenoble ? Quel « pourcentage » représentent-ils par rapport à l’ensemble des étudiants ?

Actuellement, nous avons au sein de GEM une cinquantaine d’étudiants déclarés en situation de handicap, auxquels s’ajoutent 29 étudiants autistes Asperger, ce qui représente environ 80 étudiants au total. Si l’on ramène ce chiffre à nos 5000 étudiants annuels, cela fait environ 1,6%. Le pourcentage réel d’étudiants en situation de handicap est certainement plus élevé puisque beaucoup ne se déclarent pas ou ne s’estiment pas en situation de handicap. Ceux-ci viennent plutôt nous voir s’ils sont en difficulté majeure ou en échec, mais pas forcément spontanément dès la rentrée.

Même si nous proposons un concours dédié aux étudiants en situation de handicap, la majorité ne passe pas par ce dispositif. Beaucoup d’étudiants ont suivi un parcours standard et sont passés par le concours classique pour entrer dans l’école.

Quels sont les types de handicaps déclarés par les étudiants ?

Les situations de handicap de ces étudiants sont extrêmement variables. Les situations les plus fréquentes concernent les étudiants ayant des troubles dys et qui ont avant tout besoin d’aménagements pour les périodes d’évaluation. Cette démarche a souvent  été engagée depuis l’école primaire ou au collège et les compensations sont relativement faciles à mettre en œuvre.

Ensuite il y a tous les étudiants qui ont un handicap visible ou une maladies chronique. Là aussi la mise en place de démarches est relativement simple dans la mesure où le handicap est facile à décrire et à compenser.

C’est beaucoup plus complexe pour tout ce qui touche au handicap invisible et au handicap psychique. Ces handicaps sont plus difficiles à comprendre pour l’entourage et nécessitent un vrai travail d’acceptation. Les conditions de santé qui ne sont pas constantes par rapport à d’autres types de handicaps. L’étudiant peut aller très bien pendant une longue période et n’avoir besoin d’aucun aménagement, et puis se retrouver en période de crise du jour au lendemain. Parfois les étudiants vont découvrir très tardivement le nom de leur handicap. Pour certaines personnes autistes de notre formation Asperger le diagnostic est arrivé à l’âge 30 ans et après des années de questionnements !

Et en matière des débouchés et d’intégration sur le marché du travail, savez-vous ce que deviennent les étudiants en situation de handicap une fois leur diplôme obtenu ?

Jusqu’à présent, Grenoble École Management a en priorité mis l’accent sur la sensibilisation et le recrutement des étudiants en situation de handicap. Notre objectif est de ne pas faire de différences et qu’ils soient pleinement intégrés dans la promotion. De ce fait, nous n’avons pas tenu de statistiques différenciées. Avec la promotion Data Asperger, nous nous sommes vraiment concentrés sur  l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi – car l’objectif n’est pas uniquement de décrocher un emploi mais aussi de le conserver et que l’entreprise ait les clés pour s’adapter à leur situation spécifique.

Les habiletés sociales font partie du programme et l’étudiant et l’équipe et l’accueille  sont accompagnés pendant toute la période de stage pour que les choses se passent au mieux.
Chez Modis, l’un des partenaires fondateurs de ce programme, les trois étudiants en stage ont été confirmés en CDI.
Dans d’autres cas, il n’y avait pas de possibilités d’embauche mais les entreprises ont accompagné les étudiants activement dans leur recherche d’emploi des étudiants à l’issue du stage. Notre objectif est d’arriver à au moins 100% d’embauches à l’issue du programme.
À l’heure actuelle, seulement deux étudiants qui ont validé le certificat restent encore en recherche de poste.

Quand on sait que le taux de chômage chez les personnes handicapées est deux fois plus élevé que pour l’ensemble de la population active, c’est un résultat qui fait honneur à nos diplômés.

Plus globalement, la qualité de l’intégration en entreprise va dépendre de la capacité de l’étudiant à parler de son handicap, expliquer ses difficultés et les aménagements qui lui permettent de faire un travail efficace. Lorsqu’une situation est comprise, elle est généralement mieux acceptée.
Les problèmes surviennent quand, par manque de communication,  les situations n’ont pas été anticipées : par exemple quand une mission n’est pas compatible avec la situation de handicap ou qu’un équipement qui n’est pas disponible dans l’entreprise.

C’est pourquoi une de nos missions durant la scolarité est d’aider les étudiants à formuler leurs besoins, et à libérer la parole autant que possible.
Pour prendre un exemple, une personne narcoleptique qui s’endort sur le lieu de travail sera facilement cataloguée comme fêtarde ou fainéante, si elle n’a pas pris les devants pour expliquer sa situation !   C’est pourquoi il est très important que les étudiants arrivent à énoncer clairement ce dont ils ont besoin, en parlant des limites imposé par leur handicap mais aussi des solutions simples qui permettent de le compenser. Comme tout un chacun, ils préfèrent être autonomes que dépendants. L’excès de sollicitude ou la surprotection sont tout aussi pesants que l’absence d’anticipation.  Les aider à trouver une parole juste et une aisance dans le relationnel avec leurs équipes et managers  font aussi partie de notre rôle. Nous pouvons également les aider à entrer en contact avec des entreprises qui ont une culture d’intégration affirmée et qui sont handi accueillantes.

Pouvez-vous nous donner quelques précisions supplémentaires concernant le certificat « Handicap et Management » précédemment évoqué par Jean-François Fiorina ?

Le certificat « Handicap et management » nous permet de faire un travail de sensibilisation avec les futurs managers. Il propose aux étudiants en 2e et en 3e année de s’approprier la question du handicap au travail, de faire le point sur leur propre ressenti face à la différence et de s’imaginer acteur de la politique inclusion de leur entreprise quand ils auront à recruter ou encadrer des personnes en situation de handicap.  Cette année, 84 étudiants suivent ce programme. Pour faire changer les mentalités, banaliser l’embauche de personnes handicapées, et déstigmatiser le handicap, la sensibilisation et la formation des futurs managers nous semble un bon point de départ !

Plus d’infos sur le thème Handicap et grandes écoles et sur GEM : https://www.grenoble-em.com/

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