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Grossesse et troubles de la santé mentale : Le dispositif CICO

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Grossesse et troubles de la santé mentale : Un dispositif innovant pour les concilier

Rencontre avec Marie-Noëlle Vacheron, chef de service au Centre hospitalier de St-Anne et responsable du dispositif CICO, consultation d’informations, de conseils et d’orientation en matière de grossesse et troubles de la santé mentale – psychiatrie.

La CICO, qu’est-ce que c’est ? Comment est-elle née ?
Le dispositif CICO propose information, conseils et orientation aux femmes suivies pour une pathologie mentale, ayant un projet d’enfant, ou déjà enceintes. La CICO était initialement un dispositif sectoriel créé par des psychiatres et des pédopsychiatres d’un même territoire (le 14e arrondissement de Paris). Elle a été mise en place fin 2008 pour répondre aux difficultés de prise en charge des femmes atteintes de pathologies mentales et enceintes ou avec désir d’enfant, aussi bien pour les choix thérapeutiques (maintien ou non de psychotropes), le suivi en maternité, que pour l’orientation vers les services de santé mentale les plus adaptés le plus tôt possible tant pour l’enfant que pour la mère. Dans notre pratique nous avons en effet pu constater une difficulté à maintenir une prise en charge psychiatrique durant la grossesse et à mettre en place un suivi pédopsychiatrique après la naissance chez ces femmes. L’objectif de la CICO avant tout préventif, est donc d’instaurer un parcours de soins cohérent et sécurisé tant pour la femme enceinte et atteinte de pathologie mentale que pour l’enfant à venir, d’assurer la prévention des décompensations périnatales des femmes et les troubles des interactions mère-enfant. La CICO est le seul dispositif en France, à l’heure actuelle, à offrir conjointement et simultanément une évaluation psychiatrique et pédopsychiatrique en cas de grossesse et troubles de la santé mentale. Cette particularité permet de construire un parcours individualisé en fonction de la problématique présentée par la patiente. Elle s’inscrit dans le plan de santé mentale 2015-2020 qui insiste sur la nécessité d’une prévention en période périnatale (rapport Laforcade relatif à la santé mentale octobre 2016).

Quels sont ses objectifs ?
La CICO répond à un quadruple objectif d’évaluation, de soins, de sécurisation et de prévention. La consultation non sectorisée, est proposée aux patientes sur demande : des PMI, des maternités, des médecins généralistes, des psychiatres, des gynécologues, des sages-femmes, Paris et de la région parisienne. Au cours de la CICO sont abordées les diverses problématiques liées à une grossesse : la connaissance de la maladie par la patiente, la stabilité de la pathologie, les choix médicamenteux, leur adaptation et leur surveillance.

L’accompagnement des femmes enceintes souffrant des troubles psychiques est-il un enjeu de santé publique ?
Tout à fait. Environ 15% des femmes enceintes présenteraient un trouble de santé mentale souvent mal dépisté au cours de la grossesse et/ou en post partum immédiat. Le risque est un taux de mortalité chez la mère élevé, une augmentation du risque d’addictions et de maltraitance chez l’enfant par négligence parentale, ou de violence, et un trouble des interactions mère-enfant préjudiciable pour le devenir des enfants.

Par ailleurs, le nombre de grossesses augmente chez les femmes atteintes de pathologie mentale avérée, à la différence de la population générale. Ainsi, si nous disposons de peu de données en France, on estime en revanche que 63% des femmes avec psychose en Grande Bretagne et 56% en Australie sont mères. Or, le risque de rechute durant et juste après la grossesse parmi les femmes malades mentales qui ne respectent pas les bons usages de psychotropes est très élevé (68% pour celles avec un trouble dépressif majeur, 85% pour les bipolaires, 50% pour les schizophrènes). Le risque de rechute existe aussi même si ces femmes prennent leur traitement correctement, la grossesse et le post partum représentant des moments de vulnérabilité psychique ainsi que de modifications dans le métabolisme et l’élimination des thérapeutiques médicamenteuses. Les enfants de mères malades mentales ont plus de risque de complications néonatales, de troubles du développement ainsi que de troubles psychiques. Au-delà du respect des traitements médicamenteux, c’est le bon usage des services de soin (PMI, psychiatrie, pédopsychiatrie, unités mère-bébé) qui permet de prévenir ces troubles.

La problématique grossesse et troubles de la santé mentale représente ainsi un véritable enjeu de santé publique. Il apparaît crucial :

  • De détecter des troubles mentaux initiaux ou l’aggravation de pathologies mentales préexistantes.
  • D’effectuer des choix thérapeutiques éclairés en pesant le risque bénéfice de chaque molécule pour la mère et pour l’enfant tant pendant la grossesse qu’en post natal.
  • De définir des parcours de soins personnalisés et coordonnés en fonction de la pathologie, des comorbidités, de l’environnement dans l’objectif d’une sécurisation de ces parcours.
  • De prévenir des troubles des interactions mère-enfant.

Comment se déroule l’accompagnement proposé dans le cadre de la CICO ?
Il y a d’abord une évaluation de la demande, à travers un entretien téléphonique avec la patiente et le courrier du professionnel ayant adressé la patiente. Nous proposons ensuite un rendez-vous à la patiente avec son conjoint. S’ensuit un entretien par téléphone avec un infirmier pour évoquer différents points : éléments biographiques, histoire de la maladie psychiatrique, antécédents somatiques, antécédents gynécologiques et obstétricaux, traitements en cours. La patiente vient alors faire une consultation conjointe en pédopsychiatrique-psychiatrique.
Un compte-rendu de la consultation est adressé dans la semaine, et relu par un professionnel de la CICO extérieur à la consultation. Puis la patiente est mise en contact avec l’ensemble des professionnels du réseau, qui pourront correspondre avec le centre de pharmacovigilance si nécessaire (CRAT ou HEGP).
En 2017, la CICO a réalisé 61 consultations, un chiffre qui augmente d’années en années (4 consultations en 2010, 42 en 2016).

Pour en savoir plus sur le thème grossesse et troubles de la santé mentale : www.ch-sainte-anne.fr et tél. 01 45 65 80 00

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