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Éducation nationale et handicap : ANTHÉN défend les droits du personnel

Raphaël Descamps Éducation nationale et handicap : ANTHÉN défend les droits du personnel
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ANTHÉN : Défendre les droits des personnels de l’Éducation nationale en situation de handicap

ANTHÉN, association nationale des travailleurs handicapés (et en ALD) de l’Éducation nationale, regroupe des personnels de l’Education nationale (toutes catégories confondues) atteints par le handicap et/ou une maladie invalidante. Nous avons échangé avec Raphaël Descamps, membre de la Direction collégiale de cette association.

Pouvez-vous vous présenter ?

J’ai 63 ans. Je suis devenu instit il y a 30 ans, après avoir été animateur de quartier, directeur de centre social et responsable d’un service enfance au sein du comité d’entreprise d’une usine automobile. Je suis aujourd’hui à quelques mois de la retraite.
À 50 ans j’ai contracté une arythmie cardiaque grave, qui m’a rattrapé alors que j’étais sportif.
Je n’ai jamais pu être endigué malgré quatre opérations. Aujourd’hui je vais bien car le médecin a réussi provisoirement à régler le problème. Mais je vis avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, ne sachant pas si ça va tenir aussi je vais devoir retourner me faire opérer. C’est comme cela que je me suis penché sur les problèmes liés au handicap, notamment dans le cadre du travail. Et c’est aussi de là qu’est partie l’idée d’ANTHÉN.

ANTHÉN, qu’est-ce que c’est ?

C’est une association loi 1901 qui regroupe les personnels de l’Éducation nationale touchés par le handicap, par une ALD – une maladie invalidante – reconnues RQTH ou non. Elle a vocation à s’ouvrir également aux personnels de l’Université et de la recherche.
Cette association accueille aussi des aidants de conjoints ou d’autres adultes membres de l’Éducation nationale en situation de handicap provisoire ou permanente. Elle est par ailleurs ouverte à des membres sympathisants souhaitant apporter une aide, ou un soutien matériel ou logistique.

Comment est née cette association ?

Il y a 6 ans, en allant au travail, j’ai cru que j’allais mourir alors que j’étais au milieu de la pampa corrézienne : mon cœur s’est arrêté et heureusement il est reparti. S’en est suivie une période compliquée car cette arythmie était mal contrôlée. J’ai alors fait le choix de prendre un poste qui n’allait pas pénaliser une classe avec des arrêts intempestifs, qui allait générer moins de pression et de fatigue… J’ai donc choisi un poste de remplacement en brigade : avec des remplacements connus d’avance et des déplacements en groupe, ce qui est plutôt sécurisant.

Avant ce changement, lorsque j’ai demandé à l’administration de tenir compte de mes soucis de santé dans mon planning de travail, j’ai constaté qu’un personnel fragile est souvent considéré un boulet. Et souvent, on invoque des nécessités de service pour contourner les recommandations médicales. De nombreux collègues pourraient témoigner de la manière dont ils sont traités dans certains établissements par leurs supérieurs hiérarchiques et parfois par leurs collègues qui ne comprennent pas ce que signifie avoir des problèmes de santé, notamment lorsque ceux-ci sont invisibles.

C’est là qu’a eu lieu le déclic pour créer une association dédiée au handicap dans l’Éducation nationale ?

Oui, c’est à partir de ce moment-là que j’ai entamé les démarches pour obtenir une RQTH. J’ai aussi réalisé que j’aurais dû la demander longtemps avant, ayant des problèmes médicaux depuis 13 ans.
Il se trouve qu’il n’y a pas de médecine du travail dans l’Éducation nationale, ni aucun suivi médical, nous n’avons donc aucune information sur cet aspect.

Dans la même période, sont arrivés “Les stylos rouges”, groupe Facebook revendicatif pour les personnels de l’Éducation nationale, avec une page nationale et des déclinaisons dans chaque académie. Je me suis inscrit sur la page nationale. J’ai alors découvert beaucoup de personnes dans la même situation que moi : en situation de handicap, en manque d’informations, parfois maltraités, et à la merci du bon vouloir des chefs d’établissements et de leur hiérarchie pour essayer de survivre professionnellement.
De ce fait, j’ai lancé un groupe Facebook « Stylos rouges – Parlons handicap et ALD », qui a grossi très rapidement. Si bien que nous avons rédigé une contribution pour les personnels H&A (Handicap et ALD), afin de l’inclure au manifeste revendicatif des Stylos rouges qui devait ensuite être présenté au ministère.

Cette contribution a-t-elle abouti ?

Bien que cette partie du Manifeste ait été rédigée par une vingtaine de personnes, elle a été complètement minimisée lors de la présentation au ministère, par une partie des responsables auto-proclamés des Stylos rouges, considérant que c’était un problème mineur. Pourtant on estime qu’il y a aujourd’hui 60 000 personnes touchées au niveau des personnels de l’Éducation nationale.

Dans le même temps, la direction des Stylos rouges s’est fracturée. Nos meilleurs soutiens ont fait partie de la charrette, et notre expression sur la page des Stylos rouges a été bloquée. Pour nous exprimer et être représentés, il nous fallait alors une légitimité institutionnelle et donc passer par le stade de la création d’une association. Par le biais de la loi 1901, cela permettait également de protéger les personnes qui se mettaient en avant à travers cette structure.

Nous avons passé l’été 2019 à bâtir cette association, ses statuts et son mode de fonctionnement. En parallèle, le groupe Facebook “Parlons handicap et ALD” a continué à bien se développer.
L’association ANTHÉN a été déclarée officiellement au mois d’octobre 2019. Elle est aujourd’hui codirigée par 7 membres. Et nous avons proposé à tous les membres de l’ancienne page Facebook de la rejoindre.

Quels sont les objectifs de l’association aujourd’hui ?

L’objectif principal est de défendre les personnels en situation de handicap et en situation d’aidants, et leur offrir un lieu d’expression et d’échange, car il n’y en avait pas jusque-là. C’est aussi d’élaborer un cadre revendicatif avec des propositions pour améliorer et les conditions de vie professionnelle, et les conditions de travail personnelles des collègues concernés. Il s’agit également de pouvoir sous une forme ou une autre représenter ces collègues dans le champ et hors du champ de l’éducation nationale, sans se substituer aux organisations syndicales. Nous souhaitons aussi être une sorte de poil à gratter, une boîte à idées, et pour l’administration, et pour les organisations syndicales.

Actuellement nous comptons environ 200 adhérents. La prochaine étape sera une structuration par antennes au sein des différentes régions de France en lien avec les académies.

Comment peut-on vous rejoindre ?

On tape Hello Asso ANTHÉN et on tombe sur la page d’inscription. Ou bien on passe par notre site internet : www.anthen.fr qui comprend une page dédiée aux adhésions.
Nous demandons un droit d’entrée permanent de 10 euros car nous souhaitons qu’il y ait un engagement, afin que l’association ne soit pas composée d’une armée de curieux. Cela permet aussi de contribuer au budget de l’association, pour lequel nous ferons également appel à des dons, à travers la plateforme Hello Asso qui gère les inscriptions.

Quelle est la situation des personnels de l’Éducation nationale sur la thématique « Emploi et handicap » ?

Étrangement, nous avons l’impression, souvent, que l’on est mieux traité dans le secteur privé que dans le secteur public lorsque l’on est handicapé.

Au niveau des chiffres, en 2017, le taux d’emploi des personnes déclarées en situation de handicap dans l’Éducation nationale était de 3,5 % ; contre 3,3% en 2014. Cela montre le chemin qui reste à faire, mais aussi que beaucoup de personnes concernées ne se déclarent pas. Parce que la communication sur le sujet au sein de l’Éducation nationale est déficiente, mais aussi par peur de stigmatisation ou de mesures de mise à l’écart.
Il y a quelques mois nous avions d’ailleurs réalisé une enquête, sur ce que les personnels en situation de handicap pouvaient reprocher à l’Éducation nationale : c’est le problème de l’information qui est arrivé en tête. Nous n’avons aucune communication sur nos droits, il y a une opacité incroyable des procédures, d’ailleurs très compliquées car il y a des différences selon les académies. On trouve même des académies dans lesquelles le sujet du handicap est traité différemment suivant que l’on est dans tel ou tel département.

Deuxième problème : le gouvernement a mis en avant le slogan “Handicap, tous concernés”. Mais cela cache un manque d’écoute, de considération, et même parfois une maltraitance auprès des personnels de l’Éducation nationale. On trouve à tout niveau hiérarchique des personnes qui ne respectent pas les recommandations données par les médecins de prévention. On l’a encore constaté lors de la crise du coronavirus, quand des collègues considérés comme “personnes fragiles” ont demandé un isolement professionnel. ANTHÉN est intervenu dès le mois de février sur cette question, notamment en donnant des informations, mais nous avons des témoignages de collègues qui ont été impressionnés et dissuadés suite à leurs demandes de télétravail, y compris ceux souffrant de maladies cardiaques et pulmonaires, ou étant sous immunodépresseurs.

Parmi les autres problèmes, figurent les lenteurs de prises de décision, les tracasseries administratives, et l’incompétence de certains services qui ne sont tout simplement pas formés à la question du handicap.

Autre difficulté : l’absence de médecine du travail dans l’Éducation nationale. Les postes de médecins de prévention, qui logiquement devraient figurer dans tous les départements ou académies, ne sont, très souvent, pas pourvus. C’est catastrophique car ce sont eux qui assurent la liaison entre l’administration et les collègues sur toutes les demandes. Ces médecins de prévention pouvaient notamment intervenir pour faciliter la mise en sécurité des personnels fragiles face au coronavirus, mais quand il n’y en a pas ou qu’ils sont submergés de travail, c’est le bazar.

Sans oublier la problématique du maintien en emploi et les collègues qui sont poussés vers la sortie et vers un placement en invalidité d’office, le manque de postes adaptés et de possibilités de reclassement qui sont minimalistes. Il existe bien une plateforme dédiée au reclassement, mise en place par la Fonction publique, mais c’est une coquille vide !!! Cerise sur la gâteau : face à la réforme des retraites, les personnels dont la carrière a été composée de mi-temps et de temps partiels, risquent de se retrouver avec très peu de points.

Qu’en est-il de la Mission Handicap de l’éducation nationale ?

On constate une évolution depuis environ un an. Sur le site de ministère, on commence à trouver des informations. Il y a eu la mise en place, sur les 6 derniers mois, de correspondants handicap sur le territoire. Nous espérons que cela aidera à faire remonter les difficultés rencontrées. Mais tout cela est récent, car jusque-là nous avons toujours l’impression que le seul sujet évoqué était celui des élèves et étudiants en situation de handicap – ce qui est très important, mais cela ne justifie pas pour autant qu’on ne prenne pas en compte les besoins des personnels en situation de handicap.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Je cite la formule de la fable de La Fontaine “Aide-toi, le ciel t’aidera” pour encourager toutes les personnes concernées qui le souhaitent à se joindre à nos actions. Les portes d’ANTHÉN leur sont grandes ouvertes et c’est avec elles que nous pouvons construire cette force qui fera bouger les lignes. Rien ne pourra être fait si les premiers concernés ne se mobilisent pas. Nous devons aller conquérir nos droits.

Plus d’infos sur : www.anthen.fr

En photo : Raphaël Descamps, membre de la Direction collégiale d’ANTHÉN.

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