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Droits de l’Enfant et handicap : Une Souris verte a fêté ses 30 ans

Droits de l'Enfant et handicap : Une Souris verte a fêté ses 30 ans
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L’association Une Souris Verte a fêté ses 30 ans autour du thème : « Droits de l’Enfant et handicap »

Le mercredi 20 novembre 2019, la Convention Internationale des Droits de l’Enfance célébrait son trentième anniversaire. C’est la veille de cette date symbolique qu’a choisi l’association lyonnaise « Une Souris verte » pour fêter, également, ses trente d’existence le mardi 19 novembre 2019. Ainsi, elle a organisé à l’Hôtel de Ville de Lyon une grande Journée d’étude internationale sur le thème « Droits de l’Enfant et handicap » autour de la question : « Quelles réalités en France et ailleurs pour une société inclusive ? ». Retour sur cet événement.

Le 19 novembre dernier, c’est Thérèse Rabatel, conseillère de la Métropole de Lyon et adjointe au Maire de Lyon déléguée aux personnes en situation de handicap, qui a ouvert la Journée d’étude internationale « Droits de l’Enfant et handicap » organisée par l’association Une Souris Verte. Elle a ainsi cité le professeur Revol, pédopsychiatre : « Un diagnostic n’est pas un destin », ajoutant qu’il y a « toujours différentes manières de s’en sortir et de vivre sa vie face malgré les difficultés liées au handicap ».
C’est ensuite Françoise Piessat-Guinand, présidente de l’association Une Souris Verte, qui a pris la parole : « Depuis 30 ans, Une Souris Verte milite pour que chaque enfant puisse prendre sa place dans la société, dès le plus jeune âge. Elle recherche des solutions à partir des situations qui se présentent à elle, notamment la solitude des parents et les circonstances collatérales sur les fratries. L’idée était de créer une structure basée sur la mixité, afin de pouvoir aider tous les enfants », a-t-elle déclaré. Nous fêtons cette année les 30 ans de la Convention Internationale des Droits de l’Enfance, ce qui nous a amenés à cette question : ‘’Qu’en est-il en 2019 des droits de l’enfants en situation de handicap, en France, en Europe, et au Québec ?’’. »

Parmi les temps forts de la journée d’études, l’intervention de Patrick Gohet, adjoint du Défenseur des Droits, qui a rappelé les piliers fondamentaux de la protection de l’enfance et a présenté un état des lieux de la situation en France et en Europe.

Deux textes qui font valoir l’intérêt supérieur de l’enfant
« La Convention des Droits de l’Enfance a été adoptée par l’assemblée générale de l’ONU le 20 novembre 1989, dix jours après la chute du Mur de Berlin, a tout d’abord rappelé Patrick Gohet. Il s’agit des droits de l’enfant et de l’adolescent de 0 à 18 ans. L’enfant handicapé bénéficie de la protection d’un second texte : la Convention Internationale des Droits des personnes handicapées. Il est très important de faire se croiser les deux textes, d’autant que la France était partie prenante à la négociation et à l’adoption de ce texte le 30 mars 2007. La Convention des Droits de l’Enfance constitue un levier d’action, un moteur par l’action, celle des gouvernements, celle des sociétés civiles, celle de chacune et de chacun d’entre nous. Le constat qui doit être fait est celui d’une grande méconnaissance des droits, et au-delà, du non-respect de ces droits. Il y a des difficultés et des entraves. Mais les saisines qui nous parviennent sont révélatrices de ce qui manque et de ce qu’il faut faire progresser sur le thème “droits de l’enfant et handicap».

Patrick Gohet a également insisté sur la nécessité de considérer les enfants comme des personnes à part entière
 : « Les enfants ont des droits, parce que ce sont des sujets de droit. Beaucoup pensent malheureusement encore que l’enfant est « une petite personne ». Et faire prévaloir en toutes circonstances l’intérêt supérieur de l’enfant reste encore une position plutôt minoritaire. La question qui se pose dans tous les états qui ont ratifié la convention est celle de son effet direct : une convention internationale, ce n’est pas une déclaration d’intention, c’est un texte qui doit avoir des effets normatifs. En France, nos juristes ont du mal, en particulier dans les affaires judiciaires, à recourir à ce texte, lorsqu’ils sont saisis. Il est nécessaire que la culture juridique de notre pays s’empare davantage des textes normatifs. Si l’entrée en vigueur de la convention est effective depuis 1990, elle n’est encore que largement virtuelle, c’est ce que nous observons. C’est pourquoi le rôle des autorités indépendantes de défense des droits de l’enfant, que la convention oblige chaque État à désigner, s’avèrent tellement importantes (protecteur, défenseur, commission…).

Droits de l’Enfant et handicap : Le rapport « Enfance et violence, la part des institutions publiques »
Rendu public le 20 novembre 2019, le rapport annuel du Défenseur des Droits, Jacques Toubon, s’intitule cette année : « Enfance et violence, la part des institutions publiques ». Patrick Gohet a abordé les grands constats effectués à travers ce document. « Il est consacré aux violences subies par les enfants au sein de certaines institutions publiques, qu’elles soient verbales, physique ou psychologiques ; directes ou indirectes ; commises entre enfants ou par des adultes, ainsi que sur les décisions qui sont prises pour les faire cesser. Les conclusions sont les suivantes : les violences sont une réalité dans le quotidien des enfants, y compris au sein de certaines institutions. Or, ces violences sont insuffisamment prises en compte malgré une progressive prise de conscience et un investissement considérable de la part de nombreux professionnels. Commises par des adultes, ces violences restent trop souvent banalisées, minimisées, ou considérées comme répondant un objectif éducatif. Le fonctionnement des institutions publiques ne lui-même est susceptible d’induire ou d’amplifier les violences faites aux enfants dont elles ont la charge. C’est le cas chaque fois que d’autres considérations priment sur les besoins de l’enfant, ses droits, et son intérêt supérieur. En effet, les institutions publiques, comme les structures sociales, médico-sociales, l’école, les centres éducatifs fermés, et les hôpitaux, de manière générale, ne placent pas suffisamment l’enfant au cœur des décisions qui le concernent. On ne le consulte pas suffisamment. On ne lui explique pas suffisamment les décisions qui sont prises et qui le concerne ».

22 recommandations à destination des pouvoirs publics
« La vulnérabilité inhérente à l’enfance, ou encore, la fragilité particulière des certains enfants – handicapés, migrants – est également insuffisamment prise en compte par les institutions, avec pour conséquence des discriminations dans l’accès au service public de certains enfants ou des réponses inadaptées à leurs besoins spécifiques, a ajouté Patrick Gohet. Ces carences des institutions publiques peuvent avoir des conséquences sur le développement de l’enfant.
Face à ce constat, le Défenseur des Droits formule 22 recommandations à destination des pouvoirs publics, afin :
– d’améliorer la connaissance de toutes les violences faites à l’égard des enfants
– de garantir le respect des droits de l’enfants, notamment sa participation individuelle et collective aux décisions qui le concernent
– de mieux former l’ensemble des professionnels en contact avec des enfants
– d’améliorer le contrôle des institutions publiques
– de se doter des moyens pour que les dispositifs existants soient efficaces ».

La journée d’étude a été conclue par Charles Gardou, anthropologue, professeur des Universités à l’ISPEF/Université Lumière Lyon 2 et auteur d’une vingtaine d’ouvrages sur la fragilité humaine.

Charles Gardou a commencé par remarquer l’évolution importante de la perception des enfants en situation de handicap en France, en Europe et dans le monde, soulignant à quel point « il est heureux que nous parlions aujourd’hui abondamment de droits ». Mais il a également rappelé que dans de nombreux pays, et même le nôtre, il existe encore beaucoup de violences et de privations de droits à l’égard des enfants, et que l’on doit tout faire pour « ne pas s’habituer à cet état du monde ».

Faire société avec ceux qui seront la société de demain
Charles Gardou a ensuite évoqué la société inclusive et la manière dont nous la concevons. « La question d’une société inclusive renvoie tout simplement à une idée : faire ou refaire une société. Comment faire société ? Et le faire avec ceux, qui après nous, seront la société de demain. Il faudrait une dose tout à fait incroyable d’illusion pour ne pas se préoccuper au premier chef de nos enfants. C’est eux qui assument notre héritage. Si on conçoit une société comme un patrimoine – et on voit bien dans notre pays que l’on parle d’inclusion d’un point de vue mécanique ou dogmatique. C’est d’abord totalement distordu sur le plan éthique et anthropologique. Tout enfant qui vient au monde, par filiation-même, fait partie de la maison commune. C’est un membre de la cité au sens platonicien du terme. La cité c’est la communauté humaine et il en fait partie. Donc, nous donner à penser qu’il est extérieur et qu’il faut le mettre « en inclusion », c’est déjà une erreur considérable de pensée. Il n’est pas dehors, il est dedans. On ne peut pas le mettre dedans s’il y est déjà. Il s’agit donc d’aménager la maison : les crèches, les haltes-garderies, les écoles… installer les plans inclinés… Faire société c’est aménager une maison. Ce n’est pas mettre dedans. Comme vous le savez, on peut être mis dedans et exilé à l’intérieur. Et c’est pire, il vaut mieux être dehors. Le défi est là ».

Droits de l’Enfant et handicap : Le droit d’exister
« Et les droits dont on parle, s’agissant de l’enfant dans cette société, ne sont pas simplement des droits de protection de l’enfant, a rappelé Charles Gardou. Dans la Convention des Droits de l’Enfance, il y a aussi le droit à l’émancipation, le droit à être consulté – même si la parole est maladroite, il y a toujours une étincelle qui permet de communiquer avec l’être humain, à nous de la rechercher. Le droit de donner son avis, de participer, prendre sa part dans une société, et être associé à cette société. Ces droits ne nous appellent pas simplement à vivre mais à exister. Il y a aujourd’hui trop de gens dans nos sociétés qui vivent, survivent, et n’ont plus le sentiment d’exister. Quand on est privé de participation, d’écoute, de considération, on n’existe plus. Faire société c’est donner le droit d’exister ».

Repenser la normalité
« Il y a aussi la question du point de vue, a poursuivi Charles Gardou. Si l’on ne fait que transférer notre point de vue sur l’enfant, on ne saura jamais rien. Tout dépend de notre capacité à nous décentrer pour voir l’enfant autrement. On ne changera pas notre manière de traiter l’enfance sans modifier notre manière de la concevoir. Quelle est notre conception de l’enfance ? Et de même, quelle est notre conception du handicap ? Comment voyons-nous une personne en situation de handicap ? Cela pose la question de la normalité. Je cite ici Van Gogh qui disait : « La normalité est une route pavée. On y marche aisément, mais les fleurs n’y poussent pas ». Une norme est toujours culturellement construite. Et nous sommes tous héritiers d’un système dont il nous faut quelque peu nous démarquer… être dans la bonne classe, avec la bonne moyenne, le bon visage, la bonne audition, la bonne vision… et l’on finit par faire de la normalité une souveraineté. Faire société, c’est concevoir la société comme un chez soi pour tous, et permettre à chacun de s’y déployer à sa manière ».

Pour plus d’infos sur l’association Une souris verte : https://www.unesourisverte.org/

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