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Dites-moi pourquoi vous recherchez de l’information médicale, je vous dirai quel patient vous êtes…

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Au cours de ces dernières années, la demande d’information médicale, de la part des citoyens en général et des patients en particulier, s’est accrue. Une proportion importante de patients atteints de maladies lourdes telles que le cancer recherche désormais de l’information, y compris, en dehors de l’espace où il est soigné. En plus de l’équipe médicale, les sources peuvent être les médias, les lignes d’écoutes téléphoniques, l’entourage ou les associations de patients. Cependant, la motivation lors de cette recherche d’information n’est pas forcément identique chez tous les patients. C’est pour tenter de mieux connaître ces « patients-chercheurs d’informations » que l’équipe de Jean-Paul Moatti (Directeur Unité 912 « Sciences économiques et sociales, systèmes de santé, sociétés » Inserm-IRD-Université de la Méditerannée) a exploité l’enquête ALD-DREES ayant interviewé plus de 4000 personnes atteintes de cancer à deux ans de leur diagnostic. Quatre profils-types ont été décrits. Ces nouvelles données, publiées dans la revue Medical Decision Making, pourraient aider à améliorer les modalités de partage de l’information entre praticiens et patients.

 

Le droit des patients d’être informés au sujet de leurs pathologies et traitements, est de mieux en mieux reconnu dans les systèmes de santé des pays développés. Depuis quelques années, plusieurs travaux de recherche ont permis de définir, chez les patients, la notion de comportement en matière de recherche d’information (ISB pour Information-seeking behavior) comme étant une recherche visant à «acquérir des informations nécessaires pour réduire son niveau d’incertitude face à son état de santé et se construire une connaissance personnelle et sociale de sa santé».

Jusqu’alors, les études sur les ISB chez les patients atteints de cancers avaient porté sur des populations peu nombreuses ou sur des cancers spécifiques. Les auteurs ont choisi de s’appuyer sur une étude menée par l’Inserm et la DREES en 2004 recensant l’ensemble des adultes français vivant en France atteints de cancer. A partir de cette base, quelque 7000 personnes ont été contactées pour participer à des entretiens entre novembre 2004 et janvier 2005.

Les questions posées portaient tant sur la perception du niveau de ressources financières que sur l’état de santé ressenti. L’appréciation par les participants du soutien reçu (par les proches, la famille), de l’annonce de leur diagnostic par leur médecin (abrupte ou non) étaient notamment questionnés ainsi que le niveau de satisfaction des patients face à l’information reçue sur leur traitement et délivrée par l’équipe médicale.

 

L’originalité de cette recherche repose sur le choix des chercheurs de l’Inserm et du laboratoire Economie de la Santé du Groupe d’Analyse et de Théorie Economique Lyon St Etienne (GATE-LSE) de définir les comportements de recherche d’information de manière objective (à partir d’une méthode statistique). Les résultats ont permis de distinguer trois profils spécifiques de patients chercheurs d’information et un profil de patients n’ayant pas eu de comportement spécifique de recherche d’information:

 

Un profil général

 

– Les non chercheurs d’information qui ne développent aucun comportement de recherche spécifique (72,6%) qui représentent la tendance générale. Un tiers consulte les médias et un quart cherche un second avis médical.

 

Trois profils spécifiques

– Chercheurs d’information « typiques » (12,5%), pour lesquels le médecin généraliste reste la principale source d’informations. Ils cherchent de l’information auprès des patients et associations de malades du cancer. Deux tiers d’entre eux recherchent une information complémentaire dans différents médias. 1/4 demandent un second avis médical avant de démarrer le traitement. Il s’agit du profil qui fait appel au plus grand nombre de sources d’informations.

– Chercheurs d’informations « contraints » (12,5%). Seul groupe de patient qui n’a pas comme source principale d’information un/des professionnel(s) de santé chargé(s) de leurs dossiers. Leur première source est donc constituée des médias (62,5%), et d’un second avis médical (22,1%). Seul un quart (26%) de ces patients recherche de l’information auprès de patients ou d’associations de patients. Ce profil de patient mobilise le plus faible nombre de sources d’informations. Leur recherche d’informations est essentiellement motivée par leurs difficultés de communication avec les équipes médicales.

– Chercheurs d’informations « initiés » (2,5%) sont des professionnels de santé eux-mêmes, ou dont un membre de la famille est de profession médicale. Deux tiers de ces patients s’en réfèrent à leurs médecins généralistes ou des spécialistes pour disposer d’informations et plus d’un tiers (35,3%) utilisent les médias. Un sur 10 d’entre eux (10,7%) se tournent vers des associations de patients pour de l’information.

Christel Protière et ses collaborateurs ont précisé les caractéristiques sociodémographiques associées à ces profils : à la différence des chercheurs « typiques » et des chercheurs « initiés » qui appartiennent à des catégories socioprofessionnelles élevées et disposent d’un niveau d’études supérieur, les chercheurs « contraints » présentent davantage de difficultés financières, ont un niveau d’étude moins élevé et sont plus souvent sans emploi ou se situent en bas de l’échelle des catégories socioprofessionnelles. En matière de satisfaction vis-à-vis de l’information reçue, il ressort que la grande majorité (89%) des non-chercheurs sont satisfaits de l’information qui leur est dispensée durant leur traitement, en comparaison des 3 autres profils spécifiques. Les chercheurs « contraints » sont eux, en revanche, les moins satisfaits (69,8%).

La participation des différents patients à la décision médicale, a été également explorée par les chercheurs de l’Inserm et du GAT-LSE, en fonction des profils. Si 31,5% des patients interrogés disent avoir pleinement participé au choix de leur traitement, les « contraints » sont ceux qui déclarent avoir le moins participé à ce choix (46,5% considèrent n’avoir aucunement participé).

Comme dans les études antérieures menées sur le sujet, il s’avère que les femmes sont très fortement représentées dans les profils spécifiques de chercheurs d’informations. De même, ces résultats montrent qu’il existe des disparités sociales entre les patients qui cherchent de l’information pour acquérir des connaissances (ou parce qu’ils ont un proche médecin), et lespatients qui cherchent de l’information « contraints » par l’information délivrée par l’équipe médicale, qui ne les satisfait pas.

Il a été montré que les patients qui entretiennent une bonne relation avec leur médecin sont davantage susceptibles de souhaiter jouer un rôle actif dans la participation à la décision médicale et que cette participation motive la recherche active d’informations. Or le profil des chercheurs « contraints » mis au jour dans cette étude montre que la recherche d’information peut aussi être motivée par un défaut de communication avec l’équipe médicale et une information délivrée par le médecin jugée insatisfaisante.

« Dans un premier temps, on pouvait penser que ces difficultés d’interactions proviennent en partie de difficultés, pour ces patients, à comprendre et assimiler l’information qui leur a été transmise. Mais l’information sur le cancer est complexe en tant que telle, les chercheurs « typiques », plus souvent issus d’un milieu favorisé, ayant eux-mêmes trouvé cette information trop compliquée », explique Christel Protière. Il y a donc, selon les auteurs, « un message important sur les efforts à fournir pour rendre l’information accessible, en particulier dans un système de santé qui prône l’accès aux soins pour tous et dans lequel le patient est mis au coeur de la problématique médicale et des décisions qui le concernent ».

C’est pourquoi Christel Protière et ses collaborateurs insistent en conclusion « les équipes médicales devraient prêter une attention particulière à la manière de mettre à disposition des patients à faible niveau d’étude ou de classe sociale peu élevée l’information médicale les concernant », expliquent-ils.

D’un point de vue pratique, les chercheurs expliquent que des supports d’information variés pourraient être développés dans cette perspective (formats web, imprimé, vidéo, guide, plaquettes, etc.), spécifiques à chaque localisation de cancer et mises à disposition en différents lieux (à l’hôpital, chez le médecin généraliste).

 

Source : Inserm

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