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Claire Supiot : « On peut faire du haut niveau même avec un handicap »

Claire Supiot à la piscine
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Claire Supiot : « On peut faire du haut niveau même avec un handicap »

À quelques jours du lancement des Jeux Paralympiques de Rio, en septembre prochain, nous sommes allés à la rencontre de Claire Supiot, une nageuse au parcours hors du commun.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai 48 ans, je pratique la natation à haut niveau, et je suis chargée de communication au département Maine-et-Loire, qui me soutient officiellement dans l’aventure paralympique. Je suis maman de trois enfants qui pratiquent la natation pour le plaisir. J’ai participé aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988 (en tant que sportive valide) et je reviens à la compétition en handisport avec l’objectif d’être sélectionnée pour les Jeux Paralympiques de Rio.

Pouvez-vous nous parler de votre handicap ?
J’ai la maladie de Charcot Marie Tooth – du nom des trois chercheurs qui ont identifié cette pathologie. C’est une maladie neurologique avec une atteinte des muscles distaux et une évolution qui peut être différente selon chaque personne (stable ou avec des poussées). Les autres caractéristiques sont de la fatigue, des crampes, et le fait que l’on n’a pas les muscles releveurs et élévateurs (pas de réflexe de pousser sur les pieds). Dans le cadre de la natation, c’est gênant pour les départs et pour les virages. On peut aussi avoir les muscles des mains atteints mais ce n’est pas mon cas. C’est une maladie génétique sans véritable traitement, hormis les traitements de confort. J’ai été appareillée pendant deux ans, avec une attelle pour m’aider à marcher et des chaussures spécifiques avec un système d’impulsion. C’était une aide temporaire dont je ne me sers plus aujourd’hui. Je continue cependant les séances de kiné à raison de deux fois par semaine.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours sportif…En tant qu’athlète valide ?
J’ai débuté la natation de manière classique, comme toute jeune fille qui souhaite faire du haut niveau. J’ai commencé à nager à l’âge de 5 ans, j’ai débuté les entraînements à 11 ans, et je suis entrée en sport-études vers l’âge de 14 ans. J’ai alors rencontré Jacques Meslier, un grand entraîneur qui a fait en sorte de m’amener à haut niveau. À l’âge de 16 ans, en 1984, j’ai été sacrée double championne de France, au 100 mètres et au 200 mètres papillon. Puis, de 1984 à 1988, j’ai remporté 9 titres de championne de France en individuel, et un titre de championne d’Europe par équipe à Clichy, en 1986-1987. J’ai participé aux championnats d’Europe seniors en 1985, à Sofia, et à la Coupe Latine en Syrie (année 1980). J’ai également battu le record de France du 200 mètres papillon en 1988. Et c’est la même année, en 1988, que j’ai participé aux Jeux Olympiques, qui se déroulaient à Séoul. J’ai arrêté en 1989 pour diverses raisons. J’ai alors fait du triathlon au Racing Club de France. Puis j’ai fait moins de sport et j’ai consacré du temps à mes enfants qui sont arrivés entre temps. J’ai tout de même continué à me maintenir en forme et à garder un contact avec l’eau, d’autant plus que j’étais maître-nageur entraîneur.

En tant qu’athlète handisport ?
En 2008, ma maladie s’est déclarée et j’ai eu des problèmes familiaux. Après cette période très difficile, j’ai peu à peu réussi à remonter la pente. Puis mes enfants ont grandi et sont devenus autonomes… Cet ensemble de choses m’a donné envie de reprendre le sport progressivement en 2015. Une amie m’a proposé de suivre des cours d’aquagym avec elle. J’ai alors senti mes muscles se réveillée, le bien-être du contact avec l’eau ressurgir… et j’ai eu envie de refaire des longueurs ! C’est ainsi que je me suis remise à la natation, après 26 ans d’interruption. J’ai recommencé progressivement avec mon frère Marc, qui m’entraîne et me coache toujours aujourd’hui. J’ai d’abord fait une petite compétition puis je me reprise au jeu. J’ai aussi repris la marche nordique pour travailler le souffle. Je me suis alors penchée sur la pratique du handisport avec pour objectif la qualification championnats de France handisport (en mars 2016), épreuve permettant d’être sélectionnable pour les Jeux Paralympiques. Il a fallu un temps d’adaptation pour me réhabituer après tant d’années sans compétitions, mais j’y suis parvenue. J’ai aussi dû trouver une tactique pour arriver à monter sur le plot de départ.
Pour pouvoir participer aux championnats de France handisport, il faut d’abord obtenir une reconnaissance de classification qui correspond aux différentes classes de handicap – je suis dans la classe S 9. Cette étape se fait dans des différents lieux et à différentes dates, là il fallait que je me rende aux États-Unis pour pouvoir rester dans les délais. Cela m’a demandé beaucoup de démarches administratives, mais ça en valait la peine. Lors de ce séjour j’ai beaucoup appris auprès des athlètes américains. Ils portent un regard différent sur le handicap, ils s’entraident naturellement et assument leur corps, avec ou sans prothèse. C’est en allant faire cette classification que j’ai réellement découvert ce qu’est le handisport et le haut niveau qu’on peut y atteindre. C’était une très belle expérience, avec de belles rencontres.
Les championnats de France ont aussi été un moment très fort. Il y avait à la fois des courses avec des nageurs valides et des nageurs handis, ce qui fait que j’ai recroisé de nombreux valides que je connaissais d’avant… c’est un peu comme ma famille ! Beaucoup sont devenus entraîneurs entre temps. Aussi j’ai rencontré une jeune femme atteinte de la même maladie que moi : elle restait sur le bord et n’avait plus envie de nager… mais en voyant que j’avais pu le faire elle m’a dit qu’elle allait recommencer à nager et essayer elle aussi de reprendre le pas sur la maladie.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Je suis potentiellement sélectionnable pour les Jeux Paralympiques de Rio, qui auront lieu en septembre 2016. L’annonce des derniers sélectionnés n’a pas encore été faite. Les 17 et 18 juin je me rendrai à St-Malo pour les championnats de France de nationale 1 et nationale 2 handisport (interview réalisée début juin 2016). Les athlètes seront susceptibles de confirmer ou d’améliorer leurs temps. Il est possible que la Fédération prenne sa décision à la suite de cette épreuve. Si je parviens à me qualifier, je serai la première nageuse française à participer à la fois à des Jeux Olympiques et à des Jeux Paralympiques dans une même carrière sportive.
En parallèle je continue la natation en participant à des compétitions handisport et valides. Je m’entraîne régulièrement au club d’Angers.

Les jeux paralympiques, qu’est-ce que ça représente pour vous ?
En valide, je rêvais d’y aller et je l’ai fait. Là c’est différent, je veux y aller mais je veux aussi aller loin, être dans la compétition et viser des podiums. C’est d’abord la continuité d’une carrière valide, et aussi ce côté ouverture du handicap : on peut continuer le sport à haut niveau même avec un handicap. Qu’ils aient eu un accident ou qu’ils soient touchés par cette maladie, avec tous ces gens on arrive ensemble à la même ligne d’arrivée à un instant T. D’ailleurs il y aura aux Jeux paralympiques de Rio le jeune nageur français Théo Curin, âgé de 15 ans et amputé des quatre membres, plein de talent et qui démontre un courage énorme.

Quelle est la place du sport dans votre vie ?
C’est d’abord une source de bien-être. Je ressens une grande différence dans ma vie depuis que j’ai repris le sport, en commençant par l’aquagym. C’est métaphysique, on reprend du souffle, on dort mieux. En fait, je me sens un peu comme un poisson. Quand je sors de l’eau pour revenir sur la terre, je me sens en difficulté et en déséquilibre. Dès que je retourne dans l’eau, je revis, je vais bien, je suis comme un petit dauphin! La natation me donne une plus grande liberté de mouvement, et plus d’autonomie.
Je fais de la compétition à haut niveau mais je pense que le sport devrait être intégré au quotidien dans la vie des personnes en situation de handicap, ça apporte tellement de bien-être, d’équilibre, de confiance… Pour la natation c’est particulier car c’est déjà un grand pas d’oser se mettre en maillot, c’est une étape dans l’acceptation du corps et du handicap. On ne fait plus attention au regard des autres. Pour revenir à la pratique du sport en général, je pense qu’il peut aussi apporter beaucoup en matière d’insertion professionnelle et de valeurs : hygiène de vie, ténacité, discipline… avec en plus la notion d’apprentissage et cette possibilité de rencontrer beaucoup de gens.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Oui, je souhaite souligner l’importance de toutes les personnes qui me soutiennent au quotidien, à commencer par mon compagnon, mes enfants, ainsi que mon frère qui fait partie de mon équilibre avec mon préparateur mental, Charles Martin-Krumm, ancien sportif de haut niveau en aviron.
Le département Maine-et-Loire, où je travaille, est mon premier soutien après ma famille. Je suis aussi soutenue par Intersport Trignac, qui m’aide dans mes achats de matériel (compter plus de 300 euros pour une combinaison), le comité régional handisport. Reprendre la natation à haut niveau entraîne de nombreux coûts que j’assume avec mon compagnon, et c’est grâce à toutes ces aides que je peux avancer.

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