Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Chronique: Handificience ?

Écouter cet article

Par Mandy. Cette fois-ci, j’ai reporté plusieurs fois le moment où je devais prendre ma plume, bien que cela ne soit pas par manque d’inspiration ! Car chaque fois que j’écris c’est un bout de moi qui prends vie sur le papier. J’ai longtemps hésité, repoussé, pensant que pour un premier article cela n’était pas le plus approprié. Et puis, basta !! Vais-je oser ? Oui, après tout ! Autant laisser libre court à mes idées et réflexions sur ce qui me tourmente depuis quelques temps. De cœur à cœur, directement.

Je viens ici aujourd’hui sans l’intention de vous parler de ce que l’on peut associer instantanément au handicap. Ce qui nous vient à l’idée en premier…

Je viens ici révéler une autre facette du handicap. Et je ne vous demande pas d’accepter ou admettre ce qui suit mais plutôt de partager mon questionnement. Bonne lecture.

 

Depuis mon enfance j’ai toujours été différente des enfants de mon âge, souvent rejetée et méprisée (et à contrario appréciée des adultes). Cette différence qui me suit est devenue ma force déjà très jeune, mes racines et ma réserve de pulsion de vie.

J’ai associé mon décalage avec mes prétendus camarades dans un premier temps à ma différence, liée à mon handicap physique (même s’il ne se voit pas au premier abord). Je suis atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos, qui provoque entre autre une grande fatigue et des douleurs dans les articulations (pour vraiment résumer!). Ce handicap m’a arraché de l’enfance pour me traîner de longues années dans les couloirs d’hôpitaux et les salles d’attentes de médecins. Le handicap physique est là, certes, reconnu maintenant même si comme nous tous je dois encore me battre car rien n’est jamais acquis durablement. Vous savez bien…

Et puis, il y a environ deux ans, après une rencontre que la vie m’a offerte, j’ai découvert une autre facette du monde humain et sensible. En quelques semaines j’ai appris, j’ai apprivoisé ce monde, je l’ai découvert et j’ai compris qu’il était aussi le mien. Le plus intime. Je me suis découverte à tout juste 19 ans surefficiente mentale. Je n’aime pas le mot de « surdouée » (bouh, gros mot!) car j’estime que nous ne sommes pas surdoués (Sur quels critères ? Par rapport à qui ? Pourquoi?). Nous avons une autre approche de la vie, du monde et de ce qui nous entoure. Une sensibilité et une lucidité exacerbées. Mais jamais assez ou trop peu. Nous sommes tous uniques avec ce qui nous a été donné. Pas de meilleurs ou moins bons, uniquement des hommes et des femmes intègres.

J’ai passé des tests chez une psychologue. Ils ont été difficiles à interpréter car ma dyslexie a rendu les résultats très variables d’un exercice à l’autre. De suite, je me suis plongée dans des livres sur le sujet qui m’ont beaucoup aidée. J’ai eu l’impression d’y lire ma vie, au moindre détail près. Ce que je taisais avant, ce à quoi je ne laissais pas de vie car trop envahissant et que je pensais être la seule à vivre, était maintenant considéré. C’était différent mais pas forcément néfaste ou mauvais comme j’ai pu le penser à une certaine période. Je me suis rendu compte que cette façon de fonctionner est une grande richesse même si elle est tout aussi handicapante au quotidien qu’une maladie.

Ce qui est appréciable c’est cet avantage qui me permet de me tirer des mauvaises situations plus facilement, de regarder le monde différemment, de pouvoir m’adapter très aisément, d’anticiper et « sentir » les choses. La pensée en arborescence passe au crible toutes les éventualités, permet d’imaginer tout un tas de choses et cela peut être utile bien qu’épuisant au quotidien.

Avec le temps j’ai découvert cette partie de moi que j’avais refoulé toute ma vie. Je l’ai laissée grandir, prendre de la place et s’épanouir. Et vous allez me dire où est le handicap là-dedans ?!

À première vue les « surdoués » ne sont pas handicapés par leur intelligence différente, bien au contraire, de quoi se plaignent-ils ?!!! Et bien, comme beaucoup de mes amis aussi surefficients, je peux passer des heures et des heures à buter sur une idée ou une question existentielle. Je suis hypersensible et un rien me fait mal (autant physiquement que moralement). Le monde d’aujourd’hui n’est pas simple pour moi, plutôt agressif et très limitant. Je me pose toujours un tas de questions, je cherche à tout comprendre, tout décortiquer jusqu’à m’en rendre malade. À tel point de ne plus en dormir, de ne rien écouter en cours et ne plus pouvoir travailler (en tous cas ne plus être performante). Cela me paralyse par moment, lorsque je n’arrive pas à tout contrôler, tout maitriser et comprendre. Jusqu’à littéralement végéter et errer dans ma vie. Ma façon de fonctionner et mon cerveau ne s’arrêtent jamais, cela me prend toute mon énergie… Peut-on parler de handicap ?

Et, sans minimiser le handicap quel qu’en soit sa forme, je partage avec vous cette interrogation, car je n’ai pas encore de réponse (et chaque individu a la sienne) : Une façon de penser différente de celle qui est la plus répandue est-elle un handicap ?

Ma surefficience ? Une différence qui, à mon ressenti, est aussi difficile à concilier au quotidien que ma maladie (et mon handicap) mais qui est tout aussi nourricière et prometteuse. Et même si notre société tend à vouloir que tout soit binaire (tout ou rien) je pense que ma question n’aura jamais une réponse unique du type oui ou non et surtout définitive. Et vous, qu’en pensez-vous ?

 

Ces articles pourront vous intéresser :

Facebook
Twitter
LinkedIn
E-mail

Commentaires