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Troubles bipolaires : 3 à 5% de la population concernée

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Maladies méconnues – Bi-Pôles 31 : « Les troubles bipolaires touchent 3 à 5% de population »

Loin d’être une maladie rare, les troubles bipolaires sont cependant très méconnus du grand public. Pour lutter contre les préjugés et faire connaître davantage cette maladie, nous sommes allés à la rencontre de Dominique Fauck, coordinatrice du groupe d’entraide Bi-Pôles 31 à Toulouse.

Pouvez-vous nous présenter l’association Bi-Pôles 31 ?
Bi-Pôles est une association qui a un statut spécifique : C’est un groupe d’entraide mutuelle. L’association a été créée en 2006 et a donc aujourd’hui près de 11 ans. Elle accueille des personnes souffrant de maladies psychiques et principalement de troubles bipolaires. Nous avons un local à Toulouse et nous drainons des adhérents tout autour de Toulouse. Aujourd’hui nous avons 150 adhérents qui habitent à Toulouse et jusqu’à 50 km alentours.
Nous accueillons les personnes 35 heures par semaine, en journée. L’idée est de créer du lien social à travers des activités. Sur les ateliers, nous accueillons uniquement des personnes souffrant de troubles bipolaires, par contre sur la formation, nous accueillons également les aidants, les familles, des professionnels… pour essayer de diffuser le maximum d’informations. Nous proposons également beaucoup d’informations au travers de groupes de parole, d’échanges d’expériences et des conférences animées par des psychiatres sur le thème de la maladie bipolaire.

Les troubles bipolaires, qu’est-ce que c’est concrètement ?
Un trouble bipolaire est un trouble de l’humeur, avec des variations d’humeur importantes. Il y a différentes pathologies rattachées aux troubles bipolaires.
La forme la plus classique et la plus connue est celle qu’on appelait avant la psychose maniaco-dépressive. Elle entraîne une alternance d’humeurs très dynamiques (trop) qui peuvent aller jusqu’à une hyperactivité voire du délire et/ou des hallucinations, et avec derrière des phases de dépression très profondes et une relative stabilité. C’est une maladie cyclique avec des hauts et des bas dans les troubles de l’humeur. Il faut imaginer un thermostat de l’humeur déréglé : il est ou trop chaud ou trop froid mais rarement à la bonne température. C’est la forme la plus bruyante, la plus classique. Elle représente la moitié des cas.
Il y a d’autres formes qui sont différentes et beaucoup moins bruyantes et pourtant beaucoup plus compliquées à soigner, avec des montées d’hyperactivité et d’euphorie plus faibles, des descentes plus profondes, mais avec des cycles plus rapides. Il y a également des formes avec ce que l’on appelle des bipolaires unipolaires, c’est-à-dire que ces personnes sont tout le temps en hyperactivité ou tout le temps en dépression.
Ce qu’il faut savoir c’est que c’est une maladie pour laquelle le délai moyen de diagnostic est de 8 ans environ. Donc en général il faut voir avant 3 à 4 psychiatres minimum avant de parvenir à détecter la maladie bipolaire. Et plus d’un tiers des personnes qui sont soignées pour dépression sont en fait des personnes qui souffrent de troubles bipolaires et qui donc sont mal soignées.

Existe-t-il des traitements ? Si oui quels sont-ils ?
Les troubles bipolaires peuvent se soigner avec un régulateur d’humeur : un thymorégulateur, et suivant les phases, avec un antipsychotique pour éviter la phase montante, ou des antidépresseurs sur la phase descendante, et idéalement une combinaison de molécules complété par un accompagnement en psychothérapie.
Ce qui est compliqué c’est que chaque personne est un cas individuel. Pour chacun il faut trouver la bonne molécule, le bon dosage… et cela peut prendre plusieurs années. Ce qui marche très bien peut être une catastrophe pour l’autre. On est vraiment sur des traitements sur-mesure.

Que sait-on des causes des troubles bipolaires ?
On entend très souvent parler des troubles bipolaires comme d’une maladie génétique, or ce n’est pas le cas. Ce qui est important c’est de savoir qu’il y a trois causes recensées à ces pathologies : c’est la combinaison de trois facteurs :
– Un terrain familial favorable : des personnes pour lesquelles il y a eu beaucoup de dépression dans la famille, des suicides, des personnes dites insupportables…
–  L’environnement social, économique, familial.
– Le tempérament.
À un moment donné on est avec cette maladie-là, qu’on développe, ou pas. Cela peut être latent. Un psychiatre nous a raconté qu’il a eu un patient dont les troubles bipolaires se sont déclenchés pour la première fois à 85 ans. Ceci dit c’était un cas exceptionnel. Généralement ce sont des maladies du jeune adulte, fin d’adolescence – jeune adulte.

Au-delà des causes il y a également des déclencheurs. Il peut s’agir d’événements de vie. Le cannabis, l’alcool et autres toxiques sont des déclencheurs extraordinaires, mais sans être des causes. Cela réveille quelque chose qui est là.

Par rapport au fait de guérir, aujourd’hui on ne parle pas de guérison sur la maladie psychique. On ne sait pas comment va évoluer la science dans le temps. En revanche, on parle de rétablissement, c’est-à-dire qu’une personne qui est bien suivie, qui suit son traitement, qui a une psychothérapie, qui voit un psychiatre, et surtout qui a une hygiène de vie assez stricte, peut vivre normalement, avoir une vie de famille normale et travailler normalement. C’est la combinaison de tout ça qui fait que les choses sont possibles.

Quels sont les préjugés qui reviennent le plus souvent au sujet des troubles bipolaires ?
Par rapport à la maladie psychique on parle beaucoup de dangerosité. C’est complètement erroné. Il faut savoir que la dangerosité, qu’elle soit dans les troubles bipolaires ou la schizophrénie, est inférieure à celle de la moyenne nationale de la population. Une personne bipolaire a moins de risques de commettre un crime que la moyenne de la population. En revanche, pour une personne bipolaire non soignée, le taux de suicide est proche de 30%. La réalité c’est donc que les personnes sont dangereuses pour elles-mêmes, et souvent quand il y a comorbidité – c’est-à-dire consommation de toxiques, d’alcool – c’est dans ces cas-là qu’il peut se passer des choses. Et finalement la véritable cause n’est pas la pathologie psy mais cette consommation. C’est plus une prise de risques, par exemple une personne qui va conduire très vite ou qui peut avoir des comportements où elle va se mettre en danger… et en se mettant en danger cela peut par ricochet mettre d’autres personnes en danger, mais pas dans une volonté délibérée de violence.

Il y a vraiment des représentations sur lesquelles on travaille dans le domaine de la santé mentale, pour aborder les préjugés auprès du grand public, la connaissance, l’information, pour essayer d’arriver à mieux intégrer les personnes malades psychiques dans la société.

Il faut savoir également que 80% des personnes malades psychiques sont aujourd’hui suivies en ambulatoire et pas en hôpital psychiatrique comme on le pense. Donc ils sont dans la cité, ils s’intègrent même si c’est parfois difficile de tisser du lien social. C’est pourquoi l’association Bi-Pôles 31 a pour objectif de les aider à créer ou recréer du lien social, se remettre en activité et les accompagner vers des structures qui leurs conviennent en matière d’accompagnement individuel et selon leurs besoins. Que ce soit vers l’emploi, l’activité, les soins…

Combien de personnes sont touchées en France par les troubles bipolaires ?
À priori les chiffres ne font pas de différence suivant les zones géographiques, que ce soit dans n’importe quel continent. La seule chose c’est que les études ne sont peut-être pas menées de la même manière dans les différents pays. On parle aujourd’hui de 3 à 5% de la population touchée par des troubles bipolaires.

À quel moment les troubles bipolaires peuvent-ils se déclencher ?
Les troubles bipolaires se déclenchent souvent à l’âge du jeune adulte. Des études sont menées et pour le moment il semble qu’on n’arrive pas à identifier de signes précurseurs chez les enfants. Toutefois ces troubles peuvent se déclencher à tout moment à l’âge adulte, avec des personnes qui vont les développer à 18 ans, à 25 ans, à 40 ans…

Y-a-t-il des évolutions particulières en matière de recherche ?
Il y a beaucoup de choses qui bougent, notamment au niveau des neurosciences et de l’imagerie médicale, où l’on peut identifier des zones du cerveau qui ont subi des décompensations et la plasticité du cerveau. En termes d’études, cela permet d’essayer de réduire l’activité de la partie du cerveau correspondant à l’émotionnel et la sensibilité au profit de la partie du cerveau correspondant au travail et à la concentration. Le but étant de diminuer l’hyperémotivité liée aux troubles bipolaires. Il y a des outils aujourd’hui qui fonctionnent très bien, comme la méditation en pleine conscience : elle donne la possibilité de réduire la sensibilité aux émotions pour avoir moins de vulnérabilité et d’hyper-sensibilité au stress.

Cela permet-il d’éviter les médicaments ?
Souvent les médicaments sont obligatoires. Pour la maladie bipolaire aujourd’hui il faut composer avec un traitement de base avec médicaments, une psychothérapie en accompagnement et tout ce qu’on peut mettre en place autour comme la méditation, la relaxation. Plus on arrive à stabiliser les phases, et plus on réduit les médicaments.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Vous pouvez trouver de nombreuses informations sur les troubles bipolaires, ainsi que tout ce qui concerne l’association Bi-Pôles 31, sur le site internet : www.bipoles31.fr.
Le local de Bi-Pôles 31 est situé au 3 rue Marie Magné, à Toulouse (31300).
Mail : [email protected]

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