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Après-confinement : entre espoirs, incertitudes et nouveaux projets

Olivier Ducruix : La voile dans l'après-confinement
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La chronique d’Olivier Ducruix : L’après-confinement, entre espoirs, incertitudes et nouveaux projets autour de la voile

Difficile d’écrire une chronique en cet été 2020. Je ne sais pas vraiment sur quel pied danser. J’ai l’impression d’être entre deux. Cet après-confinement est comme une période de répit entre la crise aigüe du printemps, fort heureusement derrière nous maintenant, et l’inconnue de l’automne. Qui sait ce qui nous attend ?

Deux mois de confinement obligatoire ont laissé des traces. On hésite maintenant à décider et planifier de nouvelles actions. Et ceci d’autant plus que pour les personnes déficientes visuelles, le déconfinement assorti de mesures barrières constitue une épreuve compliquée. Le masque occulte nos sensations, diminue nos repères, et en un mot complique nos déplacements. Nos doigts habitués à toucher pour voir sont invités à une extrême prudence génératrice d’anxiété.

Les projets suivent leur chemin…

Notre programme de développement du Cécivoile (Voile et Cécité) résiste malgré tout, et se poursuit contre vents et virus dans cet après-confinement. Ainsi, 2020 reste l’année de lancement de 2 pôles nationaux de référence, l’un à Lyon au CYVGL (Cercle Yachting Voile Grand Large) et l’autre à Sciez sur Léman (base nautique de Sciez). Ces 2 structures ont désormais pour mission d’accueillir professionnels de la voile, bénévoles accompagnateurs et marins déficients visuels de tous niveaux, pour des stages de formation.

Pourtant, tout n’avait pas bien commencé, c’est le moins que l’on puisse dire ! La décision de tout stopper en mars fut à la fois un véritable crève-cœur et un immense soulagement. Le vendredi 13 mars, soit le lendemain de la première allocution télévisée du président de la République, j’ai reçu et immédiatement pris connaissance du mail diffusé par la FFV (Fédération Française de Voile) à tous les professionnels. Interdiction d’accueillir et d’encadrer des groupes en formation, et fermeture des bases nautiques affiliées à la fédération, jusqu’au samedi 4 avril. Une demi-heure plus tard, les derniers irréductibles inscrits au stage qui devait se tenir dès le lundi suivant, étaient avertis de l’annulation qui en résultait. Dès la semaine précédente, les Corses avaient été les premiers à me faire part de leur décision de ne pas venir. Les Suisses avaient fait de même quelques jours plus tard. Mais lyonnais, occitans, parisiens sans parler des encadrants souhaitaient ne rien changer. Pas facile de décider. Situation limite avec moins de 10 participants, et manque cruel d’informations fiables et pertinentes sur les réels risques encourus, et la bonne maitrise des précautions nécessaires. Cruel dilemme, hésitations insupportables, je sentais bien au fond de moi que c’était certainement déraisonnable de maintenir ce stage et les suivants, qui allaient arriver très vite, et pourtant je ne pouvais me résoudre à prendre la décision d’annuler. Je risquais une incompréhension générale. Si bien que le message de la fédération me libéra d’un énorme poids sur la poitrine.

… malgré les annulations en chaîne

Dans les jours qui suivirent, tous les stages et régates furent annulés jusqu’en juillet. Chacun ayant enfin pris la mesure de ce qui nous arrivait collectivement, et il ne fut même plus la peine d’avertir participants et encadrants de ces annulations en cascade, c’était devenu évident.

Le stage sportif sur voilier de type Sonar planifié en avril ne fit pas exception. Avec 3 autres déficients visuels, Eric, Gilles et Nico, nous nous entrainons très sérieusement, sous la houlette de notre coach Gillou, pour représenter la France aux prochains championnats du monde de match race en blind sailing. Le principe est très simple, nous sommes un équipage de 3 marins aveugles ou très mal-voyants à bord du voilier, sans même un voyant pour la sécurité. Nous nous tirons la bourre avec un autre voilier selon les règles standard de match racing légèrement adaptées à note contexte.

La principale différence réside dans le fait que tout sonne très fort. Chaque bouée hurle (il n’y a pas d’autre mot) une sonnerie caractéristique afin que non seulement nous puissions la situer mais aussi l’identifier. La bouée jaune et pas la bleue, ni la rouge. De même, chacun des 2 bateaux en course est équipé d’un système sonore et se signale à l’autre sans discrétion aucune, cassant les oreilles de l’équipage et ne facilitant pas la communication (pourtant essentielle) entre les 3 marins ! Italiens et anglo-saxons inventeurs et principaux utilisateurs de ce système le comparent à une symphonie sur l’eau, personnellement je préfère de loin l’expression cacophonie assourdissante, qui me paraît mille fois plus exacte et conforme à la réalité. Manque d’habitude sans doute car cela ne fait que 2 ans que nous faisons nos armes sur le circuit international, tandis que nos adversaires ont connu les prémices de cette pratique il y a plus de 20 ans de cela. Toujours est-il que nous comptons bien imposer à terme les innovations sur lesquelles nous travaillons d’arrache-pied, en particulier SARA (Sail And Race Audioguide), que je vous ai déjà présentée lors d’une précédente chronique. Cette application sur smartphone basée sur l’utilisation du GPS et un système d’annonces vocales automatiques nous rend possible la navigation en toute autonomie sans pour autant nécessiter une pollution sonore de nature à rendre sourds pêcheurs, plaisanciers et riverains à proximité.

En juillet, le projet Cécivoile redémarre enfin. Nous mettons les bouchées doubles, enchainant séances découvertes pour de jeunes étudiants déficients visuels en école de kiné, entrainements hebdomadaires et stages SARA. Les sourires et messages de remerciements témoignent du bien-être que nous apporte les navigations. Ce grand bol d’air nous redonne confiance, un peu comme s’il éloignait le virus. Ainsi, les pôles ressources de Lyon et Sciez sont bel et bien en place et prêts à accueillir tous les publics désireux de découvrir la voile en situation de déficience visuelle.

Pour en savoir plus sur Olivier Ducruix :
http://olivierducruix.com
www.facebook.com/olivierducruixchanson/

En photo : Olivier Ducruix et ses coéquipiers lors d’une course de voile à l’aveugle.

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