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Aide aux aidants : « Bref », un programme court pour l’initier

Romain Rey : Initier une aide aux aidants à travers le programme Bref
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« Bref » : Un programme court pour initier l’aide aux aidants et la faire perdurer

Romain Rey, médecin psychiatre au Centre Hospitalier Le Vinatier (Lyon), nous présente « Bref », programme de psychoéducation à destination des familles et proches-aidants de personnes souffrant d’un trouble psychiatrique. Romain Rey et son équipe mettent en œuvre ce programme d’ aide aux aidants depuis 2013 en partenariat avec l’UNAFAM.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis médecin psychiatre, j’ai également une activité d’enseignement et de chercheur. J’exerce au Centre Hospitalier le Vinatier depuis 2013, au sein du Pôle Est de psychiatrie adulte dirigé par le Professeur Thierry d’Amato. J’ai la responsabilité du Centre Expert Schizophrénie de Lyon (Fondation FondaMental) et de l’Unité de Psychoéducation et de Psychothérapies que nous appelons « UPP ». L’UPP est une unité particulièrement investie dans le développement des thérapeutiques non médicamenteuses et en particulier des soins de psychoéducation.

Pouvez-vous nous dire ce qu’est la psychoéducation ?
La psychoéducation est une intervention thérapeutique qui vise à informer les patients et leurs proches sur les différents aspects du trouble psychiatrique. L’objectif est de promouvoir les capacités pour y faire face, favoriser l’autonomie et faciliter l’élaboration de stratégies personnalisées. L’apport d’information permet souvent de créer un climat de collaboration entre l’équipe de soins, le patient et ses proches afin que tous soient partenaires dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une alliance thérapeutique et d’un projet de soins. C’est une aide aux aidants.

La psychoéducation à destination des patients souffrant de troubles psychiatriques a clairement montré son efficacité : elle permet de diminuer le taux de rechute, améliore l’adhésion au traitement et est associée à une meilleure connaissance de la maladie. En 2011, une méta-analyse portant sur 5000 patients a retrouvé un meilleur fonctionnement social et une meilleure qualité de vie chez les patients ayant bénéficié de soins de psychoéducation.

La psychoéducation présente donc un intérêt pour les patients, mais qu’en est-il des familles ?
Les familles sont souvent à l’initiative des premiers soins et le soutien qu’elles procurent à leur proche malade tout au long de son parcours de soin s’avère très important au plan du pronostic ultérieur. La littérature rapporte d’ailleurs qu’en termes de prévention de la rechute, la psychoéducation familiale est l’intervention la plus efficace après les traitements médicamenteux. De ce fait, les familles doivent être impérativement intégrées à la prise en charge. Ce constat a conduit au développement de programmes de psychoéducation à destination des proches de patients dont le plus connu est le groupe PROFAMILLE qui est désormais organisé sous la forme d’un réseau national. PROFAMILLE est un programme très complet dont le premier module se déroule sur 14 séances de 4h réparties sur un an. Il s’agit d’un programme particulièrement efficace associant un bénéfice direct sur l’état de santé des proches et un bénéfice indirect sur celui des patients.

Le programme Bref, qu’est-ce que c’est ?
Le programme BREF propose aux proches de patients souffrant de troubles psychiatriques une approche respectant l’esprit de la psychoéducation sous la forme d’un programme court en 3 séances. Chaque famille est reçue individuellement par un binôme soignant n’intervenant pas dans la prise en charge du patient. Lors de la troisième séance, un membre de l’UNAFAM peut rejoindre le binôme soignant ce qui renforce la richesse des échanges et favorise la poursuite du parcours d’aide aux aidants.

Comment est né ce programme ?
Actuellement, les programmes de psychoéducation à destination des familles sont très complets. Néanmoins, ils nécessitent un investissement important en moyens et en temps ce qui restreint malheureusement leur diffusion et le nombre de bénéficiaires. Bien souvent, les familles ou les proches des patients n’en bénéficient qu’après plusieurs années de cheminement auprès de leur proche malade. Or, les recommandations internationales les plus récentes précisent bien que la psychoéducation à destination des familles devrait être proposée précocement et de manière systématique. Le programme est né du souhait de proposer un programme permettant de respecter cette recommandation thérapeutique essentielle. L’idée était de pouvoir proposer un programme à destination des familles, initial, court, accessible à tous les proches et pouvant être proposé de manière systématique.

Quels sont ses objectifs ?
Il y a deux objectifs principaux. Le premier est d’individualiser l’accueil des familles. Le programme s’attache à informer et à répondre aux questions prioritaires des proches, à dédramatiser l’hospitalisation ou les soins, à déculpabiliser les aidants. L’accueil précoce des aidants est un moyen fort de développer l’alliance thérapeutique. Le second objectif est de motiver les proches à se faire aider et d’informer sur les dispositifs d’aide disponibles. On propose ainsi systématiquement aux familles qu’un membre de l’UNAFAM puisse se joindre à la troisième et dernière séance. Il s’agit d’un point particulièrement important, car au-delà de l’apport d’information, le programme BREF se conçoit comme une étape initiale dans le parcours des aidants. Il ne faudrait surtout pas que l’accompagnement des proches s’arrête au stade du programme BREF, il est donc capital qu’ils soient mis en lien avec les associations telles que l’UNAFAM qui les accompagneront dans la suite de leur parcours.

À qui s’adresse-t-il ?
Initialement, le programme BREF était proposé uniquement aux proches de patients hospitalisés pour la première fois en psychiatrie. Rapidement, nous nous sommes aperçus que la demande dépassait cette seule indication et nous avons pris la décision de le proposer plus largement. Nous travaillons désormais à le proposer de manière systématique à tout proche d’une personne présentant un trouble psychiatrique, quel que soit le diagnostic (même si le diagnostic n’a pas encore été formulé comme cela peut-être le cas pour une première hospitalisation). Cela concerne les proches de patients hospitalisés ou suivis en ambulatoire.

Concrètement, comme se déroule le programme pour un participant ?
Après un premier contact (le plus souvent téléphonique) pour prendre rendez-vous et présenter le programme, chaque famille est reçue individuellement par un binôme soignant, celui-ci reste le même pour les 3 séances et est composé de soignants non impliqués dans les soins du proche malade. La première séance débute par un temps de présentation. Les proches sont ensuite invités à relater leur parcours, ce qui les a conduits ici. Il ne s’agit pas seulement de revenir sur l’histoire des troubles de leur proche malade, mais aussi sur leurs difficultés, leurs ressentis, leurs questionnements, l’impact sur la vie familiale. À la fin de la séance les participants choisissent une ou deux illustrations dans deux piles de cartes, la première pile concerne leur « proche hospitalisé » (en lien avec la pathologie, les symptômes), la seconde développe des thématiques impliquant directement les « proches aidants ». Au cours de la deuxième séance, les échanges portent sur le proche malade, sa pathologie, la prise en charge. Les cartes choisies dans la pile « proche hospitalisé » lors de la séance précédente permettent généralement d’amorcer les discussions. La troisième séance s’appuie sur les cartes choisies dans la pile « proches aidants » lors de la première rencontre et se centre donc sur les proches : leur vécu, leurs problématiques familiales, sociales. Un membre de l’UNAFAM peut rejoindre le binôme soignant et co-animer cette dernière séance, c’est un point fort permettant des échanges plus riches et cela favorise également le maintien d’un lien avec les structures d’aides aux aidants. Enfin, trois mois environ après le dernier rendez-vous, un membre de l’équipe rappelle les participants pour faire le point sur ce qui s’est passé depuis la dernière rencontre, éventuellement répondre à de nouvelles interrogations, et évaluer le programme.

Depuis quand ce programme est-il mis en œuvre ? Pouvez-vous déjà nous parler de résultats et/ou des premiers retours sur expérience ?
Le programme existe depuis fin 2016, il a été modifié et amélioré au fil du temps. Les participants sont essentiellement des parents : 55% de mères et 30% de pères. A ce jour, 42% des participants accompagnaient un proche souffrant de schizophrénie, 8% un proche souffrant de trouble bipolaire et 34% n’avaient pas connaissance du diagnostic de leur proche. Presque la moitié des participants ne connaissaient pas l’UNAFAM avant de participer à ce programme d’ aide aux aidants. Au rappel téléphonique à 3 mois, 80% des participants se disent très satisfaits du programme BREF et le considèrent comme utile (note moyenne de 8,8/10).

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Je voudrais insister sur le fait que ce programme est le fruit d’une collaboration fructueuse avec l’UNAFAM dont je tiens à remercier les membres pour leur aide précieuse. Cette collaboration ne s’arrête d’ailleurs pas à ce stade puisque nous avons le projet de diffuser le programme BREF à d’autres hôpitaux et d’autres équipes de soin. En ce sens, le programme BREF a été déjà présenté à plusieurs équipes en France. BREF est un programme librement disponible. Pour les équipes qui le souhaitent, nous pourrons proposer à la rentrée prochaine (septembre 2018) des formations au programme BREF. Nous avons également l’objectif de concevoir un projet de recherche en vue de vérifier l’efficacité de ce programme innovant. C’est un moyen indispensable pour défendre un nouveau programme de soin et ainsi favoriser sa diffusion et sa systématisation.

En photo : Romain Rey, médecin psychiatre au Centre Hospitalier Le Vinatier et référent pour le programme « Bref ». Initier l’ aide aux aidants.

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