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Ad’Ap : Bilan et perspectives sur l’Agenda d’accessibilité programmée

Ad’Ap : Bilan et perspectives par Joël Hovsepian
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Ad’Ap : Bilan et perspectives par Joël Hovsepian

Par Joël Hovsepian. Le mois de septembre 2015 a marqué la fin du délai annoncé pour que chaque établissement recevant du public satisfasse aux obligations liées à son accessibilité. Pour les uns ce fut l’engagement et la réalisation de travaux, pour d’autres un dépôt de demande de dérogation et enfin, pour la plupart, le dépôt d’un dossier d’Ad’AP.

L’Agenda d’accessibilité programmée

L’Ad’AP, l’agenda d’accessibilité programmée, est une construction mise en place par le gouvernement de l’époque afin de permettre à tout établissement recevant du public de se mettre en conformité tout en étalant la réalisation des travaux, et des investissements liés, dans le temps. Cette mesure a été le résultat d’une prise de conscience, suite à quelques alertes, du coût parfois important et très difficilement supportable des travaux de mise en accessibilité pour certains ERP. Elle a permis aux établissements qui en ont fait la demande de bénéficier d’un délai de trois années (extensible à 6 ans dans certains cas) pour réaliser les différents travaux d’accessibilité).

La mise en accessibilité n’a pas été ressentie et perçue, supportée et envisagée de manière égale par tous.

En effet, les grandes enseignes du commerce par exemple, ont dû déployer d’importants travaux de mise en conformité mais dans le cadre d’une politique d’investissement plus importante.

Les petits commerces, essentiellement de centre-ville ont eu, pour leur part, de moindres travaux mais dont le coût, moins important, n’en demeure pas plus difficile à assumer.

Cette différence d’impact sur les ERP aurait pu mériter des délais plus importants et plus longs pour les établissements dont les ressources sont moindres.

La mise en œuvre de l’Ad’AP

Déposer une demande d’Ad’AP n’est pas et n’a pas été d’une évidente simplicité et facilité pour certains exploitants. Il fallait, en préalable, savoir quelles étaient les transformations, quels étaient les travaux à réaliser pour rendre accessible l’établissement concerné. La première phase a donc, dans la grande majorité des cas, consisté en la réalisation d’un diagnostic accessibilité mettant en lumière les écarts entre l’existant et la réglementation et indiquant les solutions chiffrées de remise en accessibilité.

La planification des travaux sur les trois années à venir a parfois été une opération plus complexe et délicate. En effet, certains travaux, souvent ceux dont le coût est le plus élevé, peuvent difficilement s’étaler sur une période de trois années afin d’en alléger l’impact rendant leur mise en œuvre très délicate. Il eut été peut-être opportun et efficace d’ajuster le temps dévolu à la réalisation des travaux de mise en accessibilité aux ressources et possibilités financières des établissements demandeurs.

La période de demande et de dépôt des Ad’AP a été prolongée de manière non officielle pour permettre au plus grand nombre d’y souscrire, ce qui a permis la multiplication des dossiers pour que ces chantiers puissent avancer de manière significative. Avec les demandes d’Ad’AP, se sont également multipliées les demandes de dérogation. Elles ont même été la majorité des demandes exprimées par les exploitants des établissements concernés, dévoyant quelque peu de ce fait le mécanisme de l’Ad’AP.

La question des dérogations

Cette thématique est évoquée du bout des lèvres, comme un véritable tabou. Ce qui en augmente l’incertitude de ses contours et la rend opaque alors qu’elle aurait largement mérité d’être clairement évoquée et encadrée. En effet, la réglementation ne comprend que quelques cas limitatifs de dérogation réglementaires parmi lesquelles nous citerons les immeubles protégés, l’impossibilité structurelle et les établissements situés dans des immeubles d’habitation. Or ces cas sont limitatifs et restrictifs et souvent fort peu adaptés à la réalité des établissements visés.

Ceci a obligé certains exploitants à se retrouver devant une grande incertitude : celle de ne pas pouvoir réaliser de travaux pour des raisons financières ou techniques qui ne rentraient pas dans les listes réglementaires, et celle de ne pas savoir si une dérogation serait obtenue.

La question de l’accessibilité a pris ces deux dernières années une importance particulière dans des secteurs connexes au bâtiment et à la construction, notamment dans le cas des établissements existants. Dans le cadre des ventes de fonds de commerce, dans le cadre des baux commerciaux ou de vente de locaux commerciaux, la question de la conformité de l’établissement, des locaux à la réglementation accessibilité est devenue une condition souvent impérative de réussite des transactions contractuelles. Nombre d’exploitants ou de propriétaires se retrouvent sans réponse lorsque leur local présente des écarts avec la réglementation et que la résolution de ces écarts n’est pas possible pour diverses raisons et que celles-ci ne peuvent garantir l’obtention d’une dérogation.

Une démarche qui peut être complexe

Le dépôt d’un Ad’AP peut se révéler difficile à mettre en œuvre, ou tout du moins être complexe. La première difficulté, comme évoquée plus haut, peut résider dans l’écriture de l’agenda et la prévision des travaux et leur répartition sur les trois années allouées par cette démarche. La seconde difficulté peut se trouver dans la constitution du dossier lui-même. Le dossier de demande d’Ad’AP a longtemps été celui de la demande d’autorisation de travaux. De ce fait, les pièces à joindre à cette demande sont les mêmes que dans le cas d’une autorisation, notamment en ce qui concerne les plans à fournir.

Or nombre d’Ad’AP qui sont déposés, ne comportent pas de travaux nécessitant une autorisation et n’impliquent que des aménagements. Ainsi la réalisation de plans pour de simples aménagements tels que de la signalétique, de l’éclairage ou de la peinture est difficilement réalisable.

La différence de traitement administratif et technique des dossiers selon les municipalités a souvent représenté une difficulté dans le traitement des dossiers et notamment les demandes de dérogations évaluées, traitées et acceptées de manière totalement différentes selon les services instructeurs.

Une doctrine nationale permettant aux demandeurs de mieux préparer leurs dossiers en fonction des directives et préconisations aurait certainement permis de mieux préparer les dossiers en disposant de guides pour orienter les réponses dans le bon sens.

Les écueils d’une réglementation générale

Les différents textes relatifs à l’accessibilité PMR ont une portée générale et édictent des règles des pratiques communes à tous les établissements pour que l’universalité de cette démarche puisse aboutir. Et pourtant, une différenciation aurait été d’une grande utilité notamment pour les établissements de 5° catégorie situés en centre-ville pour lesquels les adaptations de la réglementation posent de nombreux problèmes. Ces problèmes sont souvent dus à la configuration des locaux, généralement petits, dans lesquels les possibilités d’aménagement sont restreintes. Une réglementation aussi générale ne permet pas d’adapter la réponse à tous les cas de figure et, au final, ne permet pas d’obtenir les meilleurs résultats pour l’accessibilité de tous. La notion d’usage équivalent qui a été introduite dans la réglementation au fil des textes, représente une avancée majeure dans les réponses que certains établissements peuvent proposer.

Et pour autant cette notion est restée trop générale, au seul stade de possibilité. Il aurait été nettement plus efficace de mettre sur pied un guide détaillé des pratiques permettant d’arriver à ce résultat par le biais de cette solution équivalente.

Le suivi des demandes

Les délais impartis pour la mise en accessibilité auraient du permettre aux exploitants de planifier leurs mise en accessibilité. La prise de conscience et la mobilisation n’a pas été celle attendue, et ce n’est qu’à la fin 2015 lors de l’arrivée de la date butoir que les exploitants ont réagi. Cela a entrainé un afflux considérable de dossiers qui ont afflué dans les services instructeurs qui ont eu à faire face à de très nombreux traitement.

La réglementation a également prévu que l’absence de réponse dans un délai de 4 mois valait acceptation. Ce qui a permis aux services instructeurs de se décharger d’une partie non négligeable du traitement des dossiers pour se mobiliser et se concentrer sur l’analyse des demandes. Nombre de demandeurs se sont ainsi trouvés dans une position délicate, sans réponse formelle de l’administration sur l’acceptation de leur demande.

De ce fait, au cours de la vie de ces établissements, et notamment dans le cas de vente de locaux commerciaux ou de baux commerciaux, il a été pour certains difficile d’apporter une réponse concrète et rassurante pour les acquéreurs sur la position du bien par rapport à l’accessibilité. Pour autant, il n’est pas question de noircir le tableau et de critiquer sans raison le mécanisme de l’Ad’AP qui, au demeurant, a permis à nombre d’établissements de se donner le temps de mettre leurs locaux en adéquation avec les exigences de la réglementation.

Ce mécanisme aura permis de multiplier les dossiers d’accessibilité et d’aider les exploitants dans leurs démarches en facilitant la prise en compte des travaux à planifier. Il aurait simplement mérité une plus grande précision et une plus grande adaptabilité pour que ses effets soient encore plus percutants et positifs.

Quatre ans après, les dossiers et les demandes continuent à être déposés sans que l’on sache quel est le devenir de cette démarche. Il serait nécessaire et gage d’efficacité qu’une phase 2 de cet Ad’AP soit mise en place pour continuer d’accompagner ce qui n’ont pas encore fait leurs démarches et de faciliter la réalisation et la mise en place d’un système et d’un procédé qui a permis de simplifier et d’accélérer les actions liées à l’accessibilité PMR.

Par Joël Hovsepian
Expert près la cour d’appel d’Aix-en-Provence
Expert près la cour administrative de Marseille
Directeur de l’entreprise Precodia : http://precodia.fr/

 En photo : Joël Hovsepian

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