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Accessibilité des sites internet : Le point avec Frédéric Sudraud

Accessibilité des sites internet : Le point avec Frédéric Sudraud
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Accessibilité des sites internet : « L’innovation peut apporter énormément d’aide aux personnes qui ont des besoins spécifiques »

Frédéric Sudraud dirige plusieurs structures dans le domaine de la communication, dont une qui s’appelle Facil’iti et qui a développé un outil innovant pour améliorer l’accessibilité des sites internet. Il nous présente ce dispositif et nous fait part de son point de vue sur l’accessibilité numérique.

Pouvez-vous nous présenter l’entreprise Facil’iti ?
Facil’iti est à l’origine de la création d’un outil d’assistance à l’accessibilité digitale que l’on installe sur un site internet et qui permet de rendre ce site internet accessible aux usagers qui le visitent. C’est une solution technologique qui s’implante directement sur des sites internet existants, des intranets, ou des applications. L’objectif de Facil’iti est très simple : permettre de modifier l’affichage d’un site internet (sur n’importe quel type d’écran : un mobile, une tablette, ou un ordinateur) en fonction des besoins de l’utilisateur. Nous sommes vraiment centrés sur l’expérience utilisateur.

Pour une personne qui aurait un trouble visuel par exemple, la modification que l’on opère sur l’écran peut être un grossissement de caractère, un changement du fond colorimétrique, un changement de police de caractère…
Pour quelqu’un qui aurait un trouble le moteur, Facil’iti vient adapter les zones de clic en fonction de la précision du geste dont va avoir besoin l’utilisateur.

Pour des personnes qui auraient des troubles de la compréhension, on va surligner des éléments ou des contenus qui par le passé n’étaient pas compréhensibles. En les mettant en évidence on va permettre de les rendre mieux compréhensibles à ceux qui ont des troubles cognitifs.
Il n’y a pas besoin de télécharger quoi que ce soit pour bénéficier de Facil’iti, car c’est le propriétaire du site internet qui l’offre à ses utilisateurs.

Savez-vous combien de sites sont équipés de Facil’iti aujourd’hui et combien il y a d’utilisateurs ?
Nous recensons actuellement à 500 sites internet équipés. Et à ce jour, Facil’iti c’est 330 000 utilisateurs réguliers. Le type de sites équipés est extrêmement varié. Il y a beaucoup de sites de services (bancaire, assurance…) ; et beaucoup de sites de e-commerce, qui souhaitent rendre plus accessible l’acte d’achats aux personnes ayant des besoins particuliers. Il y a aussi des sites de collectivités, de villes, de territoires, et quelques sites de l’État. De toute façon, aujourd’hui tout le monde a intérêt à rendre accessibles ses contenus, que ce soit pour des raisons éthiques ou pour des raisons plus pragmatiques telles que le commerce – ce serait dommage de se couper d’une frange de la population parce qu’on n’a simplement pas adapté son site internet.

Justement, pour les propriétaires de site internet qui douteraient encore, quel est l’intérêt d’installer Facil’iti ?
Nous avons entre 25 et 30 % de la population qui peut être à un moment ou un autre de sa vie en difficulté pour naviguer sur Internet, de façon permanente ou temporaire. Par exemple quelqu’un qui se casse la main n’aura pas la possibilité de naviguer correctement avec la souris et devra utiliser l’autre main ou davantage le clavier, ce qui sera moins facile que d’habitude… Facil’iti permettra des adaptations temporaires. Dans le cas d’un trouble lourd, cela nécessitera des modifications plus profondes et permanentes.
L’intérêt pour un propriétaire de site de mettre à disposition cet outil d’assistance, c’est de ne pas se couper de cet auditoire qui peut être un client, un partenaire, un patient, ou même simplement un lecteur.

Facil’iti est une solution plug and play, elle nécessite cinq minutes de temps pour le propriétaire du site internet qui souhaite l’installer.
C’est simple et efficace et cela permet – sans moyens humains et sans ressources financières importantes (nous sommes sur une base de commercialisation à 350 € par mois) – de pouvoir se dire que l’on s’ouvre à une frange de population qui pour l’instant fait partie des personnes qui sont plutôt les oubliées du web. Cela peut être aussi très intéressant dans le cadre de l’entreprise puisque vous avez tout intérêt à rendre les outils de travail de cette entreprise le plus accessibles possible aux personnes qui ont des troubles ou qui auraient subi un accident de la vie durant leur parcours professionnel, et qui éventuellement éprouveraient des difficultés à conserver leur emploi si les outils ne s’adaptent pas à eux.

Quel état des lieux faites-vous de l’accessibilité numérique aujourd’hui en France ?
Les Nations Unies ont établi certaines règles mondiales sur l’accessibilité digitale. La Commission européenne a elle-même fait des propositions à travers les lois présentées et adoptées au Parlement. Ces directives européennes permettent de prendre en compte l’accessibilité, notamment numérique, en intégrant principalement les référentiels internationaux – ce qu’on appelle le W3C – en les reprenant selon les modalités européennes et en demandant aux états de se conformer à ces directives. Il s’agit principalement de travailler le code source qui est la base de tout bon site internet, il faut donc tout simplement avoir quelque chose qui soit bien construit au départ. La France s’est donc bien appropriée ces textes-là.

En parallèle, depuis 2005, une tendance a fait qu’on a voulu prendre en compte beaucoup d’informations concernant le digital, malheureusement avec assez peu d’efficacité, il faut le reconnaître. Assez récemment, le 7 octobre 2016, la loi pour la République numérique portée par Axelle Lemaire a été adoptée. Celle-ci vient un peu changer le panorama de la prise en compte au niveau de la France de ce qu’est l’accessibilité digitale.

Le décret d’application est sorti fin 2019. Il permet de spécifier exactement ce qui est entendu, quelles seront les obligations, et quels seront les acteurs qui seront impliqués dans l’obligation de respecter la réglementation sur l’accessibilité digitale et quels acteurs pourront être partie prenante. Il va s’agir bien entendu des grandes entreprises. Elles seront toutes concernées au même titre que la collectivité au sens très large. Le code source restera la base mais on entend aussi beaucoup parler des outils l’adaptation, comme Facil’iti, qui pourront également à travers l’innovation pousser l’accessibilité beaucoup plus loin que le code ne peut le faire, avec des accompagnements complètement différents, notamment liés au cognitif, en prenant beaucoup plus en compte l’individu que la technologie.
Nous attendons la parution avec impatience.

Comment pourrait-on encore progresser aujourd’hui ?
Selon moi, on peut encore progresser sur plusieurs niveaux.
Premièrement, si l’on reprend les éléments liés à la technique, nous pouvons faire en sorte que les développeurs soient mieux formés à respecter les codes d’usage de création d’un bon site internet.

Deuxièmement, je pense qu’il faut vraiment laisser libre cours à l’innovation. On le voit dans tous les secteurs de la vie aujourd’hui : l’innovation permet de sortir des sentiers battus. Une norme est par définition quelque chose d’extrêmement encadré, donc extrêmement restrictif… jusqu’à interdire l’innovation. Et je suis intimement persuadé qu’il faut savoir mixer l’ensemble et laisser sa chance à l’innovation – qui devrait être capable, demain, à travers les nouvelles technologies quelles qu’elles soient, d’apporter énormément d’aide et de supports aux personnes qui ont des besoins spécifiques.

L’innovation sera toujours beaucoup plus fluide, adaptable et malléable qu’une norme. Qui aurait imaginé qu’un jour les cannes blanches des personnes aveugles deviendraient de véritables outils intelligents de détection et de déplacement très plébiscités ? Il serait inutile de décider qu’une canne doit nécessairement être blanche, pliable et fonctionner sans aucun support connecté.
Je pense que dans ce domaine le juge de paix est l’utilisateur : s’il plébiscite un produit, c’est la preuve qu’il valide l’innovation et adhère.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la RGAA ? Est-elle globalement respectée ?
La RGAA, Réglementation Générale de l’Accessibilité de l’Administration, est un process qui vise à donner une notation et des critères d’évaluation aux sites internet qui postulent à un certain niveau de respect de la réglementation. On peut avoir un label A, Double A ou Triple A. Cela correspond à un respect de certaines règles de production du code internet et du suivi de la qualité du site qui doit être maintenue.
Par exemple, dans la partie haute d’une page de site internet (header), on trouve une image ou un logo. Si ce logo n’est pas dénommé correctement comme étant le logo de l’entreprise, un lecteur d’écran ne pourra pas déterminer qu’au passage de la souris, l’utilisateur non-voyant ou malvoyant saura qu’il passe sur ce logo (car le lecteur ne détectera pas ce logo). C’est l’un des nombreux critères d’accessibilité des sites internet qui est jugé par la RGAA : pouvoir donner accès à l’information à des personnes ayant un trouble, notamment de la vision. Cela signifie aussi que si une image est bien dénommée et qu’on la change à un moment donné, sans l’audiodécrire, le critère en question ne sera plus respecté.

Sachant qu’il y a 135 critères étudiés par page, les notes A, AA, AAA sont attribuées en fonction du degré de prise en compte de ces critères.
Les gérants du site dont l’accessibilité est évaluée sélectionnent eux-mêmes les pages qu’ils souhaitent voir auditer (toutes les pages du site ne sont pas auditées) et les critères seront appliquées sur une situation à l’instant T – le moment de l’audit – également choisi par les gérants du site. Il y a tout de même quelques pages obligatoires, notamment la home page. Mais à mon sens, le véritable intérêt serait de viser la perfection de l’accessibilité sur toutes les pages, pas seulement sur quelques-unes choisies au préalable… et de manière durable plutôt qu’à un instant donné.

Selon moi, la RGAA est un très bon référentiel qui permet d’avoir une très bonne lecture de l’accessibilité du point de vue de la norme. Mais je pense qu’il est tout aussi important de s’intéresser à l’usager, dont les besoins ne sont pas forcément décrits dans cette règlementation. Que cela soit intégré ou non dans une loi ou un label, l’essentiel est de trouver des solutions pour permettre à chaque utilisateur d’accéder à la même qualité de navigation que tous les autres. Les différents outils peuvent cohabiter et c’est la meilleure des choses, la RGAA en est un parmi d’autres.

Concernant son application, la RGAA a été instaurée en 2005 et on recense environ 5% des sites internet de la collectivité qui ont obtenu une notation… alors que cette règlementation devrait normalement concerner tous les sites de la collectivité et de l’administration.
La nouvelle loi – Loi sur la République numérique – demandera aux très grandes entreprises, de plus de plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires de se conférer également à des règles d’accessibilité, alors que par le passé ce n’était pas le cas.

En termes d’accessibilité des sites internet, savez-vous comment se positionne la France par rapport aux autres pays ?
Je n’ai pas énormément d’expérience concernant les pays d’Europe, mais j’en ai un peu plus sur les pays d’Asie et les États-Unis.
Chacun y va de ses propres règles. Les règles initiales sont principalement en provenance de l’ONU et sont appliquées avec les exigences d’accessibilité propres à chaque pays.

– Aux États-Unis on se retrouve donc sur une réglementation qui s’appelle la « ADA », avec une section spécifiquement applicable sur la règlementation d’accessibilité digitale (section 508). On y retrouve énormément d’éléments de la règlementation mondiale du W3C. Curieusement, il y a très peu d’application aux États-Unis de la règlementation digitale. Mais quand on entre dans un magasin on voit beaucoup de choses qui ont été adaptées pour les personnes en situation de handicap. De même pour les bus, les taxis, les ouvertures de portes des bâtiments… mais les sites internet sont très peu adaptés. C’est un aspect qui n’a pas encore été pris en compte dans les us et coutumes. Par contre on constate que les américains sont très sensibles au fait qu’ils pourraient être attaqués en justice par des personnes qui n’auraient pas pu avoir accès à un site internet – et cela se produit fréquemment. De ce que j’en vois, aux États-Unis la règlementation importe assez peu aux collectivités, aux administrations et aux entreprises privées, mais se retrouver avec des procès leur fait très peur, car elles peuvent être condamnées à verser beaucoup d’argent aux plaignants.

– Au Japon, l’accessibilité des sites internet a été complètement occultée, alors que c’est un pays qui est extrêmement en avance sur la prise en compte de l’usager, notamment senior. En 2020, les seniors y représenteront 35% de la population, avec des personnes très âgées et très connectées quelle que soit leur position géographique. C’est un pays où il y a partout du podotactile, de la sonorisation des feux tricolores, le métro et ses accès sont accompagnés de nombreuses informations sonores et visuelles, il y a des ascenseurs partout… tous ces éléments d’accessibilité sont pris en compte, mais pas le digital. Il y a pour ce pays un tournant majeur à venir avec les Jeux Olympiques de 2020. À l’approche de cet événement les dirigeants se posent beaucoup de questions et le Comité International Olympique les y incite.

Ce ne sont que des observations sur deux zones géographiques, mais cela montre que la prise en compte de l’accessibilité numérique peut être variable d’un pays à l’autre et que globalement cette prise en compte reste faible.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Quand une personne utilise internet, on considère souvent que c’est pour de la recherche d’information et du divertissement. Mais si on traduit aujourd’hui le digital comme étant l’élément nécessaire et impératif à toute obtention de travail dans une entreprise ou une administration, on ne peut plus considérer un travail de bureau sans passer par l’aspect digital. Cela signifie que toutes les personnes qui n’auraient pas accès à un outil qui s’adapterait à eux se verraient dans une contrainte de recherche d’emploi bien plus compliquée que pour n’importe quel autre citoyen. L’accessibilité numérique va donc très rapidement soulever des enjeux sociaux et de responsabilité sociale des entreprises, ne serait-ce que pour pouvoir garder un collaborateur pour lequel un handicap surviendrait au cours de la vie.

Pour plus d’informations sur Facil’iti et l’accessibilité des sites internet : www.facil-iti.fr
Vous pouvez également découvrir et tester Facil’iti sur notre site www.handirect.fr en cliquant sur le logo situé en page d’accueil.

+ Photo Frédéric Sudraud : Frédéric Sudraud, directeur général de l’agence ITI Communication et de sa filiale Facil’iti.

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