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À quand les bulldozers pour un vrai chantier du handicap ?

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Dominique Rongione, conseiller du président de la région Rhône-Alpes, sur les questions du handicap, exerce depuis plus de 20 ans ses talents sur la scène et dans les coulisses du pouvoir régional. Nous l’invitons à faire le point sur la situation actuelle des personnes handicapées et sur tout ce qu’il reste à mettre en œuvre pour que le devenir de ces personnes s’améliore véritablement.

 

 

À 8 ans de la publication de la loi de 2005 que pouvez-vous faire comme bilan ?

En propos liminaires, je tiens à dire que j’ai toujours pensé qu’une vraie et bonne concertation vaut tous les effets bulldozers. La notion d’accessibilité n’est pas que physique, technique et réglementaire (loi de 2005), mais aussi  et surtout humaine, mentale, psychologique et affective. Cette loi a le mérite d’exister et c’est un point d’appui très fort. Elle nous permet d’avoir une reconnaissance légale. Face à cette problématique de l’égalité des chances il y a aujourd’hui la loi et l’esprit de la loi et en face les moyens de la contourner. J’en veux pour preuve le dernier rapport Campion * sur l’aménagement du volet de l’accessibilité.    

Avec mes 47 années de paraplégie (fau-teuil roulant), je suis convaincu que l’égalité des chances et des droits est d’abord une question de volonté politique, sans laquelle rien ne se fait. Mais aussi de moyens financiers. Force est de constater que cette équation n’est pas résolue. Le problème est d’abord économique avant d’être médico-social. Je suis très étonné que les politiques, même au plus haut niveau, ne se soient pas emparés de ce thème majeur. Même si j’admets quelques rares exceptions, elles agissent souvent pour l’élite du handicap et non pour la personne handicapée lambda.

Le but est bien de donner aux plus faibles la possibilité d’avoir la même ligne de départ dans la vie, que ce soit à l’école, dans l’emploi ou dans le sport. L’élite est certes importante mais la société a besoin de tous ses talents en prenant en compte, naturellement, les personnes en situation de handicap.Vivre avec un handicap, être handicapé est un état difficile et de surcroît souvent très douloureux. Aussi développer une politique uniquement axée vers l’assistance n’est pas productif. Une politique offensive s’avère impératif.

L’emploi constant de superlatifs qualifiant le handicap dans la désespérance ou bien dans l’exploit me pose question. Certes, on ne peut qu’être émerveillé devant nos sportifs de haut niveau mais ne devrait-on pas avoir le même regard sur leur vie au quotidien ? Un juste milieu est à respecter : tenir compte des réalités et prendre en compte, le meilleur des personnes en situation de handicap ne peut qu’améliorer le regard sur cette problématique. Face aux atermoiements politiques qui sévissent dans la prise en compte des personnes handicapées, on ne peut que constater que ces dernières et leur famille sont face à un mur qui s’effrite de plus en plus. 

Que proposez-vous ?

Ce n’est pas avec un peu plus de 700 euros d’AAH (Allocation Adulte Handicapée) par mois qu’une personne handicapée a les moyens de se frayer dans notre société le chemin d’une vie digne. Et que dire des personnes qui ne peuvent pas travailler et dépendent du système des allocations. Le handicap est aussi une vraie source de richesse. Il fait travailler de très nombreuses personnes et suscite des recherches dans de nombreux domaines qui font avancer la société dans son ensemble. Notamment l’accessibilité à usage pour tous comme l’abaissement des trottoirs permettant le passage facile des poussettes d’enfants et l’usage de la télécommande des téléviseurs…Pragmatique, je pense que la création d’un fonds social qui serait mis au service des personnes handicapées serait un juste retour des choses.

En effet, le retour à l’emploi d’une personne titulaire de la RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé) implique qu’elle ne percevrait plus l’AAH ou d’autres aides. Ces ressources pourraient alors alimenter ce fonds de solidarité. Intégrer les personnes handicapées dans la société devient inéluctable. Il faut vraiment leur donner les moyens d’une vie pleine et entière. Un homme d’État porteur d’un handicap sur le parvis de l’Elysée lors de la photo officielle des ministres : quel symbole !

La plupart des hauts lieux de l’État ne sont ni adaptés ni accessibles. Je trouve une sorte d’indécence au fait qu’une personne handicapée ne puisse pas s’exprimer au même niveau que tous les autres citoyens. Je profite de cette tribune pour aborder le sujet de l’accompagnement affectif et sexuel des personnes lourdement handicapées. Chez ces personnes le cœur fonctionne généralement très bien. Or même là, on nous contraint, on nous empêche de vivre à fond. Je dirai même que les sentiments et la passion nous sont quelquefois interdits. Le débat du mariage pour tous m’interpelle et m’amène à me poser la question « dans quelle catégorie sommes-nous ? ».

Pour conclure, je veux reprendre la devise régionale, chère au président Jean-Jack Queyranne « nous sommes plus de 6 millions de Rhônalpins, nous avons tous la même adresse, entrons tous par la même porte ». Tout un programme.

 

* Propositions de dérogation dans divers EPR (Établissement Recevant du Public)

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