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Assistants sexuels : la controverse continue

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Troublante, sensible, dérangeante. L’épineuse question de l’assistance sexuelle est plus que jamais ravivée. Un rapport vient de suggérer la création d’un cadre officiel pour cette activité, qui existe dans d’autres pays européens. Concrètement, cette personne, homme ou femme, « aurait pour rôle de répondre à un besoin de découverte de l’intimité, mais aussi de prodiguer, dans le respect, une attention sensuelle, érotique et/ou sexuel (1). Elle pourrait aussi permettre l’acte sexuel entre deux personnes qui ne peuvent l’accomplir sans aide. » En parallèle les féminismes, crient au scandale, soulignant que « la sexualité humaine ne peut se concevoir que libre et gratuite ». Explications.

 

Toute personne doit pouvoir recevoir l’assistance humaine nécessaire à l’expression de sa sexualité », pose d’emblée l’ex-député UMP Jean-François Chossy dans son rapport sur l’évolution du regard de la société vis-à-vis des personnes handicapées, remis au gouvernement en décembre. Alors que la ministre des Solidarités Roselyne Bachelot a déjà plusieurs fois exprimé son refus de légiférer sur la question, assimilant l’aide sexuelle à de « la prostitution », M. Chossy juge urgent de « réfléchir à des solutions » pour aider les personnes handicapées, mais aussi leurs familles et les professionnels qui les entourent. Il faut « rechercher sereinement un cadre juridique et éthique si l’on décide d’entériner l’intervention d’un(e) aidant(e) sexuel(le) », poursuit l’ancien élu de la Loire dans ce document.

Pour lui, cette intervention « n’est envisageable que, et uniquement, pour les personnes n’ayant pas accès à leur propre corps », c’est-à-dire lourdement handicapées. De plus, « il ne faudrait pas faire appel au bénévole qui rend service, mais à des intervenants ayant reçu une formation très élaborée, complément d’un cursus classique médical ou non ». Enfin, il souligne qu’aucune décision concernant la vie affective et sexuelle des personnes handicapées « ne doit être prise par un tiers si elle ne s’appuie pas sur le consentement éclairé de la personne et/ou si besoin, de son entourage».

« Ghetto »
Le débat sur les aidants sexuels, qui existent officiellement en Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark et en Suisse, a ressurgi plusieurs fois ces derniers mois, des associations de personnes handicapées y étant favorables tandis que les
féministes sont contre. En septembre, le magazine Faire Face et l’association CH(s)OSE ont lancé un appel pour l’assistance sexuelle signé par plusieurs personnalités comme le philosophe Pascal Bruckner, l’ancienne star du X Brigitte
Lahaie ou le comédien François Cluzet. Pour le collectif féministe « Handicap, sexualité, dignité », si un statut d’assistant sexuel était créé en France, « les femmes, une nouvelle fois, seront les premières à en payer le prix ». Un tel dispositif
« ne ferait que renvoyer les personnes lourdement handicapées dans un ghetto et les y oublier en toute conscience », poursuit-il dans une tribune publiée dans Libération en septembre. Celle-ci est cosignée notamment par la philosophe Sylviane Agacinski, le mouvement Osez le féminisme !, le président du Mouvement du Nid (association de défense des personnes prostituées) Jacques Hamon ou encore l’ancienne ministre du Droit des femmes Yvette Roudy. Selon les signataires, l’idée relève « de la prostitution » et remettrait en cause « trente ans de lutte des femmes ».

Pas de réponse catégorique
Mais comment vivre une sexualité épanouie lorsque son corps ne nous le permet pas ? Comment apprendre à une personne en situation de handicap mentale à gérer ses pulsions ? Pour Véronique Dubarry, adjointe au maire de Paris en charge des personnes en situation de handicap, la réponse à la brûlante question de l’assistance sexuelle ne doit pas être si catégorique. « Il ne faut pas isoler le débat sur les assistants sexuels de l’ensemble de la problématique de la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap. En fonction de l’âge de l’individu, de son type de handicap, de sa personnalité, la solution pour contribuer à son épanouissement n’est pas systématiquement l’assistance sexuelle. Mais cette option ne peut pas être exclue. »

L’élue parisienne cite l’exemple d’une jeune fille handicapée mentale de 15 ans retrouvée avec un capuchon dans le vagin parce qu’elle se masturbait avec un stylo. Les proches des personnes concernées sont parfois confrontés à situations
déconcertantes, les poussant parfois à avoir recours à des gestes incestueux. « Je n’ai jamais oublié le jour où, en plein conseil régional, une dame a pris la parole pour déclarer : “ S’il vous plaît faites quelque chose, je suis obligée de masturber mon fils handicapé ” », poursuit Véronique Dubarry. « On ne peut pas rester sans rien faire en se cachant derrière la cause du féminisme. Le besoin est là. » Reste à savoir laquelle de ces situations est la plus choquante : accepter une forme de « prostitution » encadrée ou se taire et laisser des individus enfermés dans leur frustration ?

 

(1) Source : appel lancé par le magazine Faire-Face et l’association CH(s)OSE

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